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et des menaces qu'elle y a jointes. Après toutes les vexations auxquelles les pavillons neutres ont été exposés pendant la présente guerre, c'est la mesure la plus oppressive qu'ils aient encore éprouvée. De cette manière, placés sans cesse entre l'offense et la réparation, ils devront bientôt se laisser entraîner dans la guerre, ou disparaître de toutes les mers où elle se fait.»

Nous avons déjà dit que les démarches de la Suède à Londres n'obtinrent aucun résultat.

§ 2.

Prise du navire prussien le Triton.

Dans les premiers jours du mois de novembre 1800, le navire prussien le Triton, du port d'Embden, chargé de bois de construction et destiné pour Amsterdam, après avoir été pris par un vaisseau de guerre anglais, à la hauteur du Texel, sous l'inculpation qu'il était chargé de marchandises de contrebande de guerre, avait été forcé, par l'état de la mer, d'entrer dans le port de Cuxhaven, sous la conduite du vaisseau capteur; le ministre du roi de Prusse à Hambourg racheta cette prise maritime, des mains de son capteur, pour la restituer à son premier propriétaire.

Il n'existait aucun traité qui autorisât l'Angleterre à considérer le bois de construction chargé sur un bâtiment prussien avec destination d'un port hollandais, comme contrebande de guerre. A cette époque, la Prusse n'avait pas encore contracté de traité de commerce avec la Grande-Bretagne; or, les traités existant entre cette Puissance et les Pays-Bas ne comprennent pas le bois de construction parmi les articles de contrebande, non plus que le traité de 1766 auquel s'est référée l'impératrice de Russie dans sa déclaration de 1780, acceptée par la Prusse. (Voir chap. VII, § 2.)

La cour de Berlin dirigea immédiatement un corps de troupes sur le bourg de Ritzebuttel, et fit prendre possession du port dans le but d'empêcher qu'il ne se commit, à l'embouchure de l'Elbe, quelques hostilités contraires à la neutralité du Nord de l'Allemagne; ce motif officiel de l'occupation du port de Ritzebuttel résulte de la proclamation même que fit le commandant des troupes prussiennes en entrant à Cuxhaven, le 23 novembre 1800..

La prise de possession fut effectuée et maintenue malgré les explications que demanda au cabinet prussien Lord Carysford, envoyé britannique à Berlin, par ses lettres des 16 et 18 novembre

adressées au comte d'Haugwitz, ministre des affaires étrangères de S. M. le roi de Prusse.

La réponse de M. d'Haugwitz, en date du 20 novembre 1800, est remarquable de précision et mérite d'être recueillie; nous en donnerons un extrait :

« La mesure a été exécutée aussitôt que prise; elle n'est plus dans le cas d'être révoquée; l'exemple de ce qui s'est passé, impose à S. M. la nécessité de veiller efficacement au maintien de la neutralité, qu'elle a garantie à ses États. Le Roi ne saurait s'imaginer que S. M. Britannique, après avoir participé, en sa qualité d'Electeur de Hanovre, aux avantages et aux bénéfices de cette même heureuse neutralité, puisse concevoir la moindre alarme en voyant entrer une garnison prussienne dans le port que l'Angleterre a choisi pour un point de communication avec le Nord de l'Allemagne. Placé de cette manière sous la garantie immédiate du Roi, il en sera d'autant plus à l'abri de toute espèce d'atteinte ........ >>

Quand un gouvernement puissant a pour lui le bon droit, la justice et l'équité, il convient que dans ses rapports avec les autres gouvernements, il dise avec une énergique netteté les motifs qui ont déterminé sa conduite, et qu'il sache maintenir les mesures qu'il a cru devoir adopter.

Le cabinet prussien, ainsi qu'on le verra dans le paragraphe suivant, a fourni une nouvelle application de cette doctrine; sa réponse à Lord Carysford, du 12 février 1801 méritait d'être conservée nous l'avons fait.

§ 3.

Violation de la mer territoriale de l'État de Norvège, dans le port d'Oster-Risöer, par la frégate anglaise le Squirrel, et, dans le port d'Egvang, par le cutter l'Achille.

La proposition qu'avait faite la Russie, le 27 août 1800, de rétablir la neutralité armée entre les États du Nord, ne devait pas rester sans résultat; suspendue pendant quelque temps à la nouvelle de la convention signée le 29 août à Copenhague (voir chap. XXII), la négociation avait été reprise; elle aboutit enfin à la conclusion des traités des 16 et 18 décembre 1800, entre les cours de Russie, de Prusse, de Suède et de Danemarck. (Voir le commencement du présent chapitre, ainsi que le chap. XXIII.) Aussitôt que la Grande-Bretagne eût acquis la preuve de

l'existence des négociations, elle fit faire des représentations aux diverses cours entre lesquelles elles étaient suivies.

Nous croyons superflu de reproduire les notes qui furent présentées par les ministres britanniques, au nom de leur gouvernement, et les réponses qui y furent faites; nous nous bornerons à donner un extrait de la réponse que le comte de Bernstorff, ministre des affaires étrangères de Danemarck, fit à la note que M. W. Drummond, chargé d'affaires d'Angleterre à Copenhague, lui avait adressée le 27 décembre 1800.

« ....... La négociation qui se fait à Saint-Pétersbourg, entre la Russie, la Prusse, la Suède et le Danemarck, n'a pour objet que le renouvellement des engagements, qui, dans les années 1780 et 1781, furent contractés par les mêmes Puissances pour la sûreté de leur navigation, et dont il fut alors donné connaissance à toutes les cours de l'Europe. S. M. l'Empereur de Russie ayant proposé aux Puissances du Nord de rétablir ces engagements sous leur forme primitive, le Danemarck a d'autant moins hésité à y consentir, que, loin d'avoir jamais abandonné les principes professés en 1780, il a cru devoir les soutenir et les réclamer dans toutes les occasions, et ne pouvoir admettre, à leur égard, d'autres modifications que celles qui résultent de ses traités particuliers avec les Puissances belligérantes. Bien éloigné de vouloir gêner ces Puissances dans l'exercice des droits que la guerre leur attribue, le Danemarck n'apporte, dans la négociation avec ses alliés, que des vues absolument défensives, pacifiques et incapables d'offenser, ou de provoquer personne. Les engagements qu'il prendra seront basés sur le plus strict accomplissement des devoirs de la neutralité, et des obligations que ses traités lui imposent ; et s'il souhaite mettre sa navigation à l'abri des abus et des violences manifestes que la guerre maritime n'entraîne que trop aisément, il croit respecter les Puissances belligérantes en supposant que, loin de vouloir autoriser ou tolérer ces abus, elles voudront, de leur côté, prendre les mesures les plus propres à les prévenir et à les réprimer. Le Danemarck n'a fait mystère à personne de l'objet de la négociation sur la nature de laquelle on est parvenu à donner le change à la cour de Londres; mais il n'a pas cru s'écarter des formes ordinaires en voulant en attendre le résultat définitif pour en instruire officiellement les Puissances en guerre.

« Le soussigné ne sachant pas qu'aucune des Puissances engagées dans cette négociation ait fait une déclaration ou adopté des mesures relatives à ce sujet, dont la Grande-Bretagne puisse

s'offenser ou prendre ombrage, ne saurait, sans explication ultérieure, répondre à ce point de la note de M. Drummond. Il conçoit encore moins, sous quel rapport on pourrait faire envisager l'engagement pris par la convention du 29 août dernier (voir chap. XXII), comme contraire à ceux que le Danemarck va prendre avec les Puissances neutres et réunies du Nord; et, dans tous les cas où il se trouvera contraint de combattre et d'écarter les doutes qu'on aura pu concevoir à l'égard de la bonne foi du Roi, il regardera sa tâche comme très-facile, tant qu'on mettra cette bonne foi dans les reproches et dans les soupçons avancés contre S. M.

« Il se flatte que le gouvernement anglais, après avoir reçu les éclaircissements requis, aura la franchise de convenir que l'abandon provisoire et momentané, non d'un principe dont la question est restée indécise, mais d'une mesure dont le droit n'a jamais été, ni ne saurait jamais être contesté, ne se trouve nullement en opposition avec les principes généraux et permanents relativement auxquels les Puissances du Nord sont sur le point de rétablir une harmonie qui, loin de pouvoir compromettre leur neutralité, n'est destinée qu'à la raffermir.

« Le soussigné aime à croire que ces explications paraîtront suffisantes à la cour de Londres, etc. »

Le gouvernement britannique ne pouvait plus mettre en doute qu'un traité était sur le point d'être conclu et ratifié entre les États maritimes du Nord, pour le rétablissement de la neutralité armée. Il se hâta, en conséquence, de faire paraître, le 14 janvier 1804, une proclamation portant qu'il ne serait plus donné d'expéditions de départ, jusqu'à nouvel ordre, aux bâtiments russes, danois et suédois, et qu'il serait mis embargo sur les bâtiments russes, danois et suédois déjà entrés ou qui pourraient encore entrer dans l'un des ports de la domination de S. M. Britannique.

En communiquant cette déclaration aux envoyés de Danemarck et de Suède, Lord Grenville l'accompagna d'une note dans laquelle on trouve un passage qui renferme l'aveu, assez naïf, que les mesures considérées comme les plus justes par les autres nations perdent leur caractère de justice aux yeux de l'Angleterre parcequ'elle y voit une atteinte portée à sa suprématie sur mer.

<«< On sait assez », dit Lord Grenville, «dans quelle vue hostile on tenta, en 1780, d'établir un nouveau code de droit maritime, et de soutenir, par la force, un système d'innovations nuisible aux intérêts les plus chers de l'empire britannique. Au commencement de la guerre actuelle, la cour de St.-Pétersbourg, qui eut

la principale part à la dernière coalition, forma avec S. M. des engagements qui ont encore leur force, et dont S. M. est fondée. à demander l'exécution pendant toute la durée de la guerre, d'après la foi due aux traités.» (Voir chap. XXI.)

En accusant, dès le 16 janvier 1801, à Lord Grenville, secrétaire d'État des affaires étrangères d'Angleterre, réception de sa note du 15, le comte de Wedel-Jarlsberg, ministre de Danemarck à la cour de Londres, déclare qu'en attendant qu'il puisse recevoir les ordres de son souverain à l'occasion des mesures aggressives adoptées par le gouvernement britannique, il ne peut s'empêcher de protester contre la validité des motifs mis en avant par le cabinet de St.-James.

« Un différend qui s'est élevé, ajoute-t-il, entre la cour de St.-Pétersbourg et celle de Londres, pendant le cours d'une négociation qui n'a d'autre but que de protéger la neutralité du Nord, n'a aucune connexion avec l'embargo; S. M. l'Empereur de Russie ayant d'ailleurs exposé dans une déclaration formelle, les motifs des mesures qu'elle a adoptées, le Danemarck trouve, dans cette pièce, une réfutation complète des raisons alléguées par le ministre de S. M. Britannique.

<< Quant aux principes des Puissances neutres à l'égard des droits sacrés de la neutralité, on ne les a jamais abandonnés. La Russie, lorsqu'elle était en guerre, en a seulement différé l'application, et le Danemarck et la Suède, par leur convention du 27 mars 1794 (laquelle a été communiquée officiellement à toutes les Puissances belligérantes), ont déclaré, à la face de l'Europe, l'invariabilité du système de protection qu'ils avaient adopté en faveur de tout commerce licite. Il résulte de là que S. M. Danoise n'a fait que renouveler des engagements qui n'avaient pas cessé de subsister jusqu'ici. »

On a dû remarquer que la déclaration anglaise de 15 janvier, ne comprenait pas les vaisseaux prussiens dans la mesure d'embargo.

Dans le but de faire expliques le cabinet prussien sur l'alliance des États du Nord, et dans l'espérance que son influence pourrait neutraliser les effets des conventions de St.-Pétersbourg, entre la Russie, la Suède et le Danemarck, Lord Carysford, envoyé britannique à Berlin, agissant d'ailleurs par ordre de son gouvernement, passa, le 27 janvier et le 1er février 1801, deux notes au comte d'Haugwitz, ministre des affaires étrangères du roi Frédéric-Guillaume III, dans lesquelles le diplomate anglais disait qu'il était convaincu que la Prusse n'avait jamais pu approuver

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