Page images
PDF
EPUB

timement convaincue de l'innocence de ses intentions, comme elle veut aussi ne point s'écarter de la modération qu'elle a constamment témoignée, elle pourrait, en récriminant sur la conduite de l'Angleterre, rappeler les offenses impunies des commandants des vaisseaux anglais dans les ports même de la Suède; les interrogatoires inquisitoriaux qu'ont subis les capitaines et les équipages des bâtiments détenus tant dans les Indes-Occidentales qu'en Angleterre ; la détention des convois dans l'année 1798 (voir chap. XXII) accompagnée de chicanes mensongères des tribunaux, équivalentes à un un déni de justice absolu; enfin, la violation du pavillon suédois dans l'entreprise exécutée à Barcelone.» (Voir § 1 de ce chapitre.)

<< S. M. trouverait sans doute, dans des offenses aussi graves, et dont les plaintes portées à la cour britannique successivement par ses ministres, sont restées sans être redressées, une justification dont la rectitude de sa conduite n'a pas besoin. Elle n'a point cherché une vengeance; S. M. a désiré assurer à son pavillon la sûreté à laquelle il a droit. C'est en conséquence de ces sentiments que le soussigné est autorisé à déclarer que, d'abord que la cour britannique aura égard aux droits de la Suède, en lui rendant justice sur les réclamations touchant les convois arrêtés en 1798, comme aussi sur la violation du pavillon à Barcelone, et avant tout en levant l'embargo, si injustement mis sur les bâtiments suédois, S. M. se verrait, avec le plus grand plaisir, en état de rouvrir ses ports au commerce anglais et de rétablir les anciennes relations entre les deux nations. S. M., cependant, ayant égard à ce qu'elle croit devoir à la dignité de sa couronne, fait ordonner, en conséquence de l'embargo mis sur les vaisseaux suédois, un égal embargo sur les bâtiments anglais dans les ports de la Suède. »

Le Danemarck avait, de son côté, élevé des plaintes au sujet de l'embargo mis sur ses navires dans les ports d'Angleterre ; aux premiers griefs dont cette Puissance avait eu à se plaindre vinrent se joindre des griefs nouveaux qui avaient leur origine dans la double atteinte portée à la souveraineté et à l'indépendance du roi de Danemarck par divers actes de violation de la mer territoriale, dont s'étaient rendus coupables la frégate anglaise le Squirrel et le cutter l'Achille.

L'exposé de ces violations du droit maritime des nations est contenu dans deux notes que l'envoyé de Danemarck à la cour de Londres adressa, le 4 et le 18 mars 1801, à Lord Hawkesbury, ecrétaire d'État pour les affaires étrangères; il nous semble né

cessaire de mettre sous les yeux du lecteur un extrait de ces deux offices diplomatiques.

«La frégate anglaise Squirrel, capitaine Hamstead commandant, est entrée, le 5 février 1804, dans le port d'Oster-Risöer, en Norvège, et a saisi le navire suédois Frieden, capitaine Marellius, qui en sortait, en enlevant le pilote norvégien Rasmus Anderson Narrestöe, et le mettant aux fers pour avoir fait des représentations contre la capture!

Arrivé à l'ancre dans le susdit port, le commandant Hamstead a, par ses chaloupes armées, fait prendre possession des navires suédois suivants: Erbarheten, capitaine Berlen, Telemak, capitaine Sundberg, et Sex-Södskende, capitaine Bolin.

Les représentations du S Tobiesen, premier magistrat de la ville, contre cet acte d'hostilité ouverte, furent en vain employées pour détourner l'officier anglais de sa conduite violente; celui-ci insista même pour qu'on lui fournit des pilotes afin de conduire ses prises en mer.

« A la suite du juste refus qu'on lui fit à ce sujet, il expédia, le lendemain, un officier avec trois soldats et deux marins, armés de fusils et de sabres tirés, chez le chef des pilotes, pour le forcer de donner les pilotes demandés. Sur les entrefaites, le susmentionné chef-magistrat, accompagné du vice-consul anglais, se rendit à bord du Squirrel, représentant au commandant l'impossibilité d'acquiescer à sa demande; mais durant cet entretien, une chaloupe armée fut de nouveau envoyée à terre; plusieurs pilotes furent enlevés de force et obligés de se rendre aux ordres du capitaine Hamstead, qui, par ces moyens violents, emmena avec lui lesdits navires suédois.

<< Cette conduite révoltante et criminelle dans tous ses détails ne pourra sans doute que rencontrer l'indignation du gouvernement britannique, qui, quelque facheuses que soient les circonstances du moment, ne saurait certainement pas tolérer une atrocité de ce genre, qui, inouïe entre des nations policées, dégrade l'honneur de la marine anglaise, et n'admet plus ni sûreté ni tranquillité pour les nations en paix avec la Grande-Bretagne.

<< Dans cette conviction, je m'acquitte des ordres de ma cour, en réclamant les susdits navires suedois enlevés, en insistant sur leur restitution immédiate avec leurs équipages, en demandant une satisfaction proportionnée à l'énormité de l'attentat, dont les officiers anglais se sont évidemment, de propos délibéré, rendus coupables.

« Le roi, mon maître, s'attend avec confiance à la prompte ré.

paration d'un délit qui affecte la dignité de sa couronne et la sûreté de ces royaumes.

[ocr errors]

Le 18 mars 1804, le comte de Wedel-Jarlsberg fut encore dans le cas de faire parvenir à Lord Hawkesbury de nouvelles plaintes.

Le 8 février précédent, une chaloupe armée, expédiée par le cutter de la marine anglaise l'Achille, commandé par le capitaine Barnett, était entrée dans le port d'Egvang, près Fahrsunden, en Norvège, et s'était emparée d'une prise française qui s'y trouvait à l'ancre ; « pendant ce temps-là, l'équipage de l'Achille est des«cendu à Skioldeneess d'où il a tiré sur une barque qui descen«dait de Lyshavn, ayant à bord trois paisibles habitants de la « côte, dont un, le S' Elling, avait été tué : deux actes dignes « des pirates les plus éhontés, pour lesquels le gouvernement <<< danois réclame réparation ....... »

En répondant au comte de Wedel-Jarlsberg, dès le lendemain, Lord Hawkesbury, lui donna l'assurance que des recherches rigoureuses seraient faites et que si les faits se trouvaient tels qu'ils avaient été exposés, les individus reconnus coupables rencontreraient les plus fortes marques d'improbation de la part du gouvernement de S. M.

« A l'égard, ajoute Lord Hawkesbury, de la demande faite par le comte de Wedel-Jarlsberg, pour la restitution des différents bâtiments dont il est parlé dans sa note et dans la précédente, = le soussigné a l'honneur de lui faire observer que, dans les circonstances actuelles des deux pays (la Suède et la Grande-Bretagne), il est impossible à S. M. d'entrer dans aucune explication sur ces points. Mais si la mésintelligence qui malheureusement subsiste aujourd'hui entre les deux cours, est amiablement ajustée, ainsi que S. M. le désire ardemment, ces cas seront naturellement portés, sans perte de temps, devant les tribunaux réguliers et impartiaux, établis dans ce pays-ci pour décider de telles causes, conformément aux principes de justice et du droit des gens. »>>

[ocr errors]

Cette dernière phrase n'était pas de nature à rester sans réplique; l'envoyé danois écrivit immédiatement, le 20 mars, à Lord Hawkesbury, que son souverain ne consentirait jamais à ce que la violation ouverte de ses ports et de son territoire, devint, sous aucun prétexte, l'objet des délibérations et d'une décision de tribunaux quelconques. « Ses droits souverains et territoriaux sont assurés », dit M. de Wedel-Jarlsberg en terminant; «S. M. ne s'en départira pas; et, toutes les fois qu'ils seront enfreints par la conduite violente des officiers britanniques, le roi n'hésitera pas

à en appeler directement à la justice de S. M. Britannique, dont il s'attend à recevoir immédiatement cette satisfaction que les souverains ne se refusent guères, et qui, en pareil cas, serait promptement rendue à celui de la Grande-Bretagne. »>

Une dernière note adressée le 24 mars 1801, par Lord Hawkesbury au comte de Wedel-Jarlsberg, mit fin à cette négociation; les officiers de la marine anglaise furent désapprouvés, et l'on ordonna la restitution des navires suédois, capturés dans le port d'Oster-Risöer; réparation incomplète des nombreuses atteintes portées par l'Angleterre aux droits du Danemarck, en sa qualité de nation neutre; réparation tardive d'ailleurs, car la mesure des outrages d'un côté, et de la patience de l'autre, était comble ; la guerre éclata au moment même où les choses se passaient à Londres.

Cette courte guerre du Nord, à laquelle mit fin la mort violente de l'empereur Paul Ier, et les traités qui en furent la conséquence, feront l'objet du chapitre suivant.

[blocks in formation]

Les atteintes répétées, portées par l'Angleterre aux droits des neutres; les prétentions choquantes que cette Puissance continuait de manifester, en se tenant en quelque sorte en dehors du droit maritime généralement adopté, déterminèrent les États du Nord à entrer dans les vues de la Russie à l'égard de la Grande-Bretagne. (Voir chap. XXIV.)

Ces États résolurent d'apporter, en commun, des entraves aux abus, à l'arbitraire dérivant de la prépondérance de la marine anglaise, et dans ce but de fermer leurs ports aux vaisseaux britanniques.

Les cours de Berlin et de Copenhague joignirent leurs forces pour occuper conjointement les embouchures de l'Elbe et du Weser;

1) Voir chap. VII, § 2; chap. XXIII et XXIV.

[ocr errors][merged small][ocr errors][merged small][ocr errors]

un corps de 12,000 Danois, sous les ordres du prince Charles de Hesse, se mit en marche pour Pinneberg, d'où le prince annonça, le 28 mars 1801, au sénat de Hambourg, par le manifeste suivant, qu'il occuperait la ville lendemain :

« Les mesures aussi arbitraires que violentes, prises par le gouvernement anglais, au mépris de tous les principes du droit des gens, contre la navigation et le commerce des Puissances alliées pour la garantie et le maintien des droits des pavillons neutres, n'ayant point encore été révoquées malgré les plus instantes représentations, lesdites Puissances se voient dans la désagréable nécessité de prendre, de leur côté, tous les arrangements propres à rappeler ce gouvernement à des mesures plus équitables.

« Comme le moyen qui a paru le plus efficace pour atteindre ce but, est d'empêcher la navigation et le commerce anglais sur l'Elbe, et qu'à cet effet l'occupation de la ville libre et impériale de Hambourg est absolument nécessaire, S. M. Danoise, en regrettant d'être obligée d'ordonner une pareille mesure, à dù céder à l'empire des circonstances, et m'a chargé en conséquence de l'exécuter avec les troupes confiées à mon commandement.

[ocr errors]

Je veillerai avec sollicitude à ce que les troupes qui entreront dans la ville, y observent pendant leur séjour, la discipline la plus sévère, etc. »>

Il est digne de remarque qu'au moment où le cabinet de St.James échangeait des notes officielles avec l'envoyé de Danemarck, les 18, 19, 20 et 23 mars, au sujet de la conduite de la frégate anglaise le Squirrel (voir chap. XXIV), et qu'il reconnaissait que les plaintes du Danemarck étaient fondées, le gouvernement britannique faisait partir, sous les ordres de l'amiral Sir Hyde Parker et du vice-amiral Nelson, une flotte de 52 voiles, dont 30 bombardes; laquelle flotte se trouvait déjà, le 20 mars 1801, au Catégat, pour appuyer la négociation de M. Vansittart et du chargé d'affaires accrédité, M. Drummond; le gouvernement britannique en dirigeant vers le Sund des forces navales aussi imposantes se proposait de punir le gouvernement danois de sa constance inébranlable dans ses principes, et de l'obliger à renoncer à son alliance avec la Russie. En répondant favorablement aux plaintes de l'envoyé danois, au sujet des attentats commis par le Squirrel, il espérait sans doute endormir la vigilance du cabinet de Copenhague.

Le colonel Stricker, commandant de la forteresse de Cronenbourg, reçut l'ordre de s'opposer au passage de la flotte anglaise,

CUSSY. II.

15

« PreviousContinue »