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ticulières mues entre les négociants de sa nation et ceux de la France, sauf à lui à fournir au commissaire du Gouvernement près le conseil, telles notes ou tels mémoires qu'il jugera utiles à l'intérêt desdits négociants de sa nation. >>

Le conseil a adopté ces conclusions, et décidé comme principe général, qu'un commissaire des relations commerciales, étranger, reconnu par le gouvernement français, ne peut point, à ce titre, et en vertu de son mandat seul, comme agent politique, intervenir dans des contestations particulières, mues entre les négociants français et étrangers, faire des demandes et intenter des actions au nom des sujets de son souverain et pour eux.

§ 7.

Affaire de juridiction consulaire. — Police de la navigation.
Crimes et délits commis à bord.

Dans l'année 1806, les autorités locales des ports de Marseille et d'Anvers, crurent devoir intervenir les premières à l'occasion d'une rixe qui eut lieu dans le canot du navire américain le Newton, entre deux matelots du même navire; les secondes, à l'occasion d'une blessure grave faite par le capitaine en second du navire le Sully, à l'un des matelots du bord.

Les consuls américains protestèrent contre l'intervention de l'autorité française et réclamèrent contre l'atteinte portée à leurs prérogatives.

La question fut soumise au conseil d'État. L'avis donné, dans la séance du 28 octobre 1806, par cet illustre corps, qui comptait parmi ses membres les plus savants jurisconsultes, présente de trop précieux enseignements pour ne pas être reproduit en entier ; cet avis, auquel l'empereur Napoléon a donné son approbation le 20 novembre suivant, forme encore la jurisprudence de la France dans l'espèce.

<«< Le conseil d'État, qui d'après le renvoi à lui fait par Sa Majesté, a entendu le rapport de la section de législation sur celui du grand-juge ministre de la justice, tendant à régler les limites de la juridiction que les consuls des États-Unis d'Amérique, aux ports de Marseille et d'Anvers, réclament, par rapport aux délits commis à bord des vaisseaux de leur nation étant dans les ports et rades de France;

« Considérant qu'un vaisseau neutre ne peut être indéfiniment considéré comme lieu neutre, et que la protection qui lui est accordée dans les ports français, ne saurait dessaisir la juridiction territoriale, pour tout ce qui touche aux intérêts de l'État ;

« Qu'ainsi le vaisseau neutre admis dans un port de l'État est de plein droit soumis aux lois de police qui régissent le lieu où il est reçu ;

« Que les gens de son équipage sont également justiciables des tribunaux du pays, pour les délits qu'ils y commettraient, même à bord, envers des personnes étrangères à l'équipage, ainsi que pour les conventions civiles qu'ils pourraient faire avec elles;

<< Mais que si jusque-là la juridiction territoriale est hors de doute, il n'en est pas ainsi à l'égard des délits qui se commettent à bord du vaisseau neutre de la part d'un homme de l'équipage neutre envers un autre homme du même équipage;

« Qu'en ce cas, les droits de la Puissance neutre doivent être respectés, comme s'agissant de la discipline intérieure du vaisseau, dans laquelle l'autorité locale ne doit pas s'ingérer, toutes les fois que son secours n'est pas réclamé, ou que la tranquillité du port n'est pas compromise;

<< Est d'avis que cette distinction, indiquée par le rapport du grandjuge et conforme à l'usage, est la seule règle qu'il convienne de suivre en cette matière ;

<«< Et appliquant cette doctrine aux deux espèces particulières pour lesquelles ont réclamé les consuls des États-Unis ;

<< Considérant que, dans l'une de ces affaires, il s'agit d'une rixe passée dans le canot du navire américain le Newton, entre deux matelots du même navire, et dans l'autre, d'une blessure grave faite par le capitaine en second du navire le Sully, à l'un de ses matelots, pour avoir disposé du canot sans son ordre;

« Est d'avis qu'il y a lieu d'accueillir la réclamation, et d'interdire aux tribunaux français la connaissance des deux affaires précitées. <«< Approuvé au quartier général impérial de Berlin, le 20 novembre 1806. Signé NAPOLÉON. »

§ 8.

Affaire d'attributions.

M. Beasley, consul des États-Unis d'Amérique au Havre, ayant jugé à propos d'exercer, à l'égard de ses compatriotes, quelquesunes des fonctions attribuées aux courtiers-interprètes, ceux-ci lui intentèrent un procès, ainsi qu'au capitaine américain Covel.

Le jugement du tribunal correctionnel du Havre, rendu le 26 août 1818, condamna le consulat américain; le jugement fut réformé par la cour royale de Rouen, le 30 novembre suivant.

Une difficulté de même nature s'est présentée également, à la même époque, entre le consulat de Suède à l'île de Rhé et les courtiers-interprètes de la localité.

Ces deux affaires donnèrent lieu à diverses lettres du ministre des affaires étrangères. Celle qui fut écrite, le 25 mai 1849, à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, doit être conser

vée; en même temps qu'elle présente un exposé clair de ces deux affaires, elle renferme des observations et des points de doctrine qui intéressent vivement le service consulaire, et, par cela même, dirons-nous, le droit maritime lui-même.

Lettre écrite par S. E. le ministre secrétaire d'État au département des affaires étrangères de France, à S. E. M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

<< Paris, le 25 mai 1819.

<< Mons. le garde des sceaux! Au mois de juillet dernier les courtiers-interprètes du Hâvre intentèrent un procès devant le tribunal correctionnel de cette ville, contre le S' Covel, capitaine américain, Taylor, chancelier du consulat des États-Unis, et Touret, secrétaire du consul, pour raison de contravention aux lois relatives aux fonctions des courtiers-interprètes.

<< M. Beasley, consul des États-Unis au Havre, voulut intervenir au procès, déclarant prendre fait et cause pour les Srs Taylor et Touret, qui avaient agi par ses ordres.

« Le tribunal correctionnel du Hâvre rendit, le 26 août, un jugement où, en refusant d'admettre l'intervention du consul, il fut fait défense aux Srs Taylor et Touret d'immiscer à l'avenir dans les fonctions des courtiers, les condamne aux frais et dépens et les met hors de cause.

« Le consul et les S's Taylor et Touret ont appelé de ce jugement, devant la cour royale de Rouen, qui, par arrêt du 30 novembre, forme le jugement du tribunal du Hâvre, pour raison d'incompétence, admet l'intervention dans la cause du consul américain et le renvoie, ainsi que les S's Taylor et Touret, devant l'autorité compétente, pour y faire statuer, sur les questions suivantes :

<< 1° Si M. Beasley, en sa qualité de consul des États-Unis, au Hâvre, a le droit d'exercer, à l'égard des gens de sa nation, les fonctions de courtiers-interprètes, conducteurs de navires, concurremment avec ceux nommés par le gouvernement français ?

« 2o Si, dans le cas de l'affirmative, ce consul a le droit de déléguer ces fonctions à son chancelier, à son secrétaire ou à tous autres ?

<< L'arrêt dispose, de plus, que les parties seront tenues de justifier de la décision, à intervenir dans le délai de trois mois, faute de quoi les poursuites seront reprises.

« Cet arrêt a été attaqué en cassation, par les courtiers-interprètes ; mais la cour a rejeté le pourvoi le 26 mars dernier.

« En ce moment, M. le ministre plénipotentiaire des États-Unis réclame auprès de moi, la décision exigée par la cour royale de Rouen et qui doit être produite par le consul, d'ici au 26 juin, terme de l'expiration du délai à compter du 26 mars, date de l'arrêt de la cour de cassation.

« Le ministère de V. E. a été informé par plusieurs lettres, que lui adressa mon prédecesseur, au mois d'août de l'année dernière, des

contestations qui s'élevèrent à cette époque, entre les courtiers-interprètes des ports et les consuls étrangers, relativement aux droits de leurs offices respectifs, droits qu'ils fondaient, les premiers, sur les loix de leur institution, les seconds, sur leur commission consulaire et sur les lettres d'exéquatur du Roi, qui les admet à protéger et assister les négociants et navigateurs de leur nation. Les consuls avaient à faire valoir en outre une circulaire du ministère de l'intérieur, donnée sous la date du 25 octobre 1817, et qui, sur l'objet en question, s'exprime en ces termes : « Cependant les consuls étrangers, agissant par eux<< mêmes, ou par leurs vice-consuls, ou chanceliers accrédités, ont ré<«< clamé le droit d'assister les capitaines et autres individus de leur na«<tion, de leur servir même de truchement, et il a été convenu que telle << est précisément l'une des principales vues de leur institution; en vertu << de ce droit réciproque, tout capitaine étranger est censé agir par lui« même, quand il est accompagné par les agents consulaires de sa na<<<tion et cela soit qu'il parle, ou non, la langue française. >>

<< Les courtiers-interprètes réunirent leurs efforts pour échapper à cette disposition, qui blessait leur privilège et leur intérêt; ils se pourvûrent par la voie judiciaire et par la voie de pétition auprès du gouvernement.

<< Les courtiers de l'île de Rhé intentèrent un procès au consul de Suède, comme ceux du Hâvre au consul des États-Unis. Cependant la réclamation des courtiers ayant été examinée au département des affaires étrangères, fut reconnue juste au fond. On a pensé que si le consul étranger a le droit, par son mandat et en vertu de l'exéquatur royal, d'assister ses nationaux, ce droit ne comprend pas celui de leur servir de truchement et de l'interprète, lorsque la loi du pays a institué des offices, auxquels cette fonction est exclusivement attribuée; que, dans ce cas, l'assistance des consuls se borne à une intervention, dont l'objet est seulement d'empêcher que les intérêts de leurs nationaux ne soient compromis par les irrégularités, ou les exigences abusives, que se permettraient les courtiers dans l'exercice de leur ministère. On a pensé, enfin, qu'il ne devait y avoir d'exception à ce principe qu'en faveur des consuls étrangers, auxquels le droit d'exercer quelques-unes des fonctions des courtiers-interprètes, aurait été attribué par un traité, ainsi que cela a lieu pour les consuls espagnols en vertu d'une convention.

<< Cette opinion ayant été communiquée au ministère de l'intérieur, M. le comte de Cazes, par une circulaire du 17 février dernier, a annulé, quant au point en question, celle du 25 octobre 1817; de sorte que les courtiers se trouvent rétablis dans la pleine jouissance de leurs attributions, à l'exclusion des consuls qui adresseront, s'il y a lieu, leur réclamation, par voie diplomatique.

<< Les courtiers n'ont donc plus de motif réel pour suivre le procès intenté contre le consul des États-Unis ; la collision de droits qui y avait donné lieu a cessé d'exister, par l'effet de la nouvelle décision du département de l'intérieur. V. E. jugera s'il n'y aurait pas, dans cette circonstance, un moyen d'éteindre la contestation pendante

à la cour royale de Rouen et de satisfaire ainsi, d'une manière implicite, à la demande que me fait M. le ministre des États-Unis.

<< Si cette voie n'était pas praticable j'aurais à consulter V. E. relativement aux questions posées dans l'arrêt de la cour royale de Rouen.

<< Quant à la première, il me semble incontestable que le consul des États-Unis était autorisé au mois de juillet 1818, à remplir, à l'égard des gens de sa nation, la fonction de courtier-interprète, concurrement avec ceux nommés par le gouvernement; aux termes de la circulaire de 1817, le capitaine étranger, accompagné de son consul, était censé agir par lui-même, et, agissant ainsi, il était dispensé de l'assistance du courtier-interprète. Le consul tenait donc lieu de courtier et se trouvait autorisé à en remplir la fonction.

« Sur la seconde question, qui est de savoir si le consul avait le droit de déléguer cette fonction à son chancelier, à son secrétaire et à tous autres, je pense qu'il avait ce droit à l'égard du chancelier, dont l'office est reconnu et autorisé par l'exéquatur royal, et qui, selon l'usage général, est admis à suppléer son consul; la même raison n'existerait pas pour le S' Touret secrétaire, parcequ'il n'est pas compris dans l'exéquatur royal, titre indispensable pour l'exercice de toute fonction consulaire. Mais il est à considérer que, selon l'exposé de M. le ministre plénipotentiaire et du consul, le S' Touret aurait été reconnu par les autorités locales du Havre; s'il en était ainsi, l'irrégularité devrait être imputée à ces autorités et non au consul, ni au Sr Touret.

« Je prie V. E. de vouloir bien m'éclairer de son avis, tant sur le fonds, que sur la forme de la décision réclamée par le ministre plénipotentiaire des États-Unis et qu'il me parait impossible de ne pas lui donner, si le procès doit avoir son cours.

« J'adresse cijoint à V. E. le mémoire du consul américain, avec onze pièces à l'appui, que je la prierai de me renvoyer, après qu'elle en aura pris connaissance.

« M. le ministre plénipotentiaire des États-Unis, entre cette décision spéciale, en demande une, qui statue en général, que les consuls américains, munis des lettres d'exéquatur du Roi, ne pourront être mis en jugement pour leurs actes officiels, devant les tribunaux correctionnels et criminels.

«

<< M. le Duc de Richelieu, à l'occasion d'un semblable procès, intenté contre le consul de Suède, par les courtiers de l'île de Rhé, a, dans une lettre écrite au prédecesseur de V. E., le 18 août dernier, émis une opinion conforme à la demande que fait actuellement M. le ministre des États-Unis. Je prie V. E. de vouloir bien se faire représenter cette dépêche, où la question me parait avoir été suffisamment éclaircie et dont j'adopte les conclusions; il me semble, qu'en considérant les consuls étrangers, soit comme agents politiques, ainsi qu'ils le sont en vertu de la commission, émanée de leur souverain, soit comme fonctionnaires publics en France, et ils le sont en vertu des lettres d'exéquatur du Roi, on ne peut leur contester cette immunité consacrée d'ailleurs, par notre jurisprudence. Si cette jurisprudence avait cessé d'être applicable,

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