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propriété littéraire, ainsi que la note présentée à l'Académic royale de Belgique par l'honorable président du Congrès.

Nous nous faisons un devoir de constater ici la part de collaboration de M. Jules Delalain, qui, après avoir été l'un des auxiliaires les plus zélés du Congrès, a bien voulu nous aider à réunir les textes que nous publions.

HISTOIRE ET TEXTES

DE LA

LÉGISLATION DES DIVERS ÉTATS

SUR LA

PROPRIÉTÉ LITTÉRAIRE ET ARTISTIQUE.

ANGLETERRE.

NOTICE HISTORIQUE SUR LA LÉGISLATION ANGLAISE (1).

En Angleterre, comme en France, en Allemagne et dans d'autres pays, la concession de priviléges précéda la reconnaissance formelle d'un droit de propriété des écrivains et des artistes sur leurs ouvrages. Le plus anciennement connu de ces priviléges fut obtenu par Robert Pynson, imprimeur royal, en 1518. On trouve de nombreux priviléges accordés ensuite, sous le règne de Henri VIII, pour une période de six, ou plus fréquemment, de sept ans. Ces priviléges étaient valables pour tous les ouvrages que les imprimeurs avaient publiés lors de l'octroi ou qu'ils feraient paraître par la suite. Un de ces priviléges fut concédé à Reginald Wolfe, avec défense de réimprimer tous livres énumérés dans ledit privilége ainsi que tous ouvrages que Wolfe propriâ suâ industriâ, diligentià atque labore conquisivit (qu'il avait acquis par son industrie, son zèle et son travail). Ces termes indiquent une production intellectuelle entièrement distincte de la mise en œuvre matérielle des moyens de produire. En 1550 nous trouvons un privilége accordé, en

(1) Les principaux ouvrages qui ont été consultés pour la rédaction de cette notice sont les suivants :

Études sur la propriété littéraire en France et en Angleterre, par Édouard Laboulaye. Paris, 1858

An historical sketch of the law of copyright, by John Lowndes London, 1842. The law of the international copyright between England and France, etc., by Peter Burke. London, 1851.

De la propriété littéraire, etc., en Angleterre, traduction de l'anglais par Théodore Regnault, Paris, 1826.

considération spéciale des titres de l'auteur à la propriété de son livre. Il est obtenu par « maistre Jehan Palsgrave, Angloys natif de Londres et gradué de Paris, » pour un livre destiné à l'enseignement de la langue française que ledit Palsgrave est dit avoir composé « avec grande et persévérante diligence. »

Ce système de priviléges continua jusqu'au règne de Philippe et Marie, lorsque l'autorité, s'alarmant du grand nombre de productions « à la fois hérétiques et séditieuses » qui voyaient le jour, résolut d'organiser les imprimeurs en une corporation, dont tous les membres seraient responsables les uns des autres, et pourraient être soumis à une surveillance plus facile. Telle fut l'origine de la stationers company, constituée par lettres patentes du 4 mai 1556. La compagnie des imprimeurs fut autorisée à faire des règlements pour ses membres, qui seuls étaient autorisés à pratiquer l'art de l'imprimerie dans toute l'étendue de l'Angleterre. En vertu de ces règlements, deux ou trois ans après sa formation, la compagnie obligea quiconque imprimerait un livre de le faire inscrire d'abord dans ses registres, acte pour lequel était perçue une certaine redevance, à titre d'octroi. Une amende était imposée à celui qui omettait de remplir cette formalité ou qui imprimait un livre appartenant à un confrère. De nouvelles restrictions furent apportées à l'exercice de la typographie, sous Élisabeth et sous Charles Ier, lequel réduisit à vingt le nombre des imprimeurs. Il fut défendu aussi, sous peine de confiscation et d'amende, d'importer de l'étranger aucun livre dont la propriété serait entre les mains des stationers.

Sous le règne d'Élisabeth, on vit également les imprimeurs obtenir des octrois, non plus pour tel livre spécialement, mais pour tous les ouvrages d'une certaine catégorie; ainsi, l'un put seul imprimer les textes des lois, les autres les abécédaires et les catéchismes, un troisième les almanachs et les livres de prophéties, un quatrième les compositions musicales; des particuliers étrangers à la corporation obtinrent aussi des priviléges pour certains ouvrages, dont ils cédaient ensuite le droit exclusif d'impression à des membres de la stationers company, moyennant des sommes considérab es. Ces monopoles pesaient d'une manière intolérable sur les imprimeurs les plus pauvres qui en vinrent à mettre en question le droit de la Reine de les accorder, et qui violèrent parfois ouvertement les priviléges. Un décret de la Chambre Étoilée, en 1566, le premier qu'elle ait rendu sur la matière, punit la désobéissance aux lois et règlements sur l'imprimerie, de la confiscation et d'un emprisonnement de trois mois, et interdit, en outre, aux contrevenants l'exercice de la profession d'imprimeur.

La révolution de 1640 laissa subsister l'organisation et le monopole de la compagnie. De nouveaux désordres s'étant introduits dans l'imprimerie, une ordonnance du parlement, qui fut publiée le 14 juin 1643, rappela et confirma les anciennes règles, prescrivit que tous les livres

fussent inscrits dans les registres de la compagnie, selon la coutume ancienne, » et nomma des commissaires (wardens) pour rechercher et saisir les contrefaçons, détruire les presses des contrefacteurs, et amener les compilateurs (compilers) et les imprimeurs devant l'une ou l'autre chambre pour qu'on leur y fit l'application des peines qu'ils auraient encourues. La même ordonnance soumettait tous les livres à l'autorisation préalable (licensing). L'établissement de cette censure provoqua l'éloquente indignation de Milton.

Une autre ordonnance du parlement, du 20 septembre 1649, dispose que toute personne imprimant ou réimprimant des livres inscrits dans les registres de la stationers company, sans l'assentiment du propriétaire de ces livres, encourra la peine de la confiscation, plus une amende de 6 sch. 8 pence par exemplaire.

Après la Restauration, un bill de Charles II, du 8 novembre 1671, renouvela la défense de réimprimer des ouvrages faisant l'objet d'un privilége ou dûment inscrits sur le registre des stationers; ce bill renferme aussi une clause qui oblige l'imprimeur à donner trois exemplaires de l'ouvrage, l'un à la bibliothèque du Roi, les deux autres aux universités d'Oxford et de Cambridge.

Ce bill fut prorogé plusieurs fois et il demeura en vigueur jusqu'au mois de mai 1679. L'acte ayant alors perdu force législative, et aucune protection légale ne couvrant plus la propriété des ouvrages enregistrés au stationers hall, des membres peu scrupuleux de la corporation entreprirent de contrefaire les ouvrages de prix qui appartenaient à leurs confrères.

Les principaux imprimeurs se réunirent alors et prirent, le 17 août 1681, une décision par laquelle toute personne qui, au détriment du véritable propriétaire, imprimerait, importerait, mettrait en vente, brocherait ou relierait un ouvrage dûment inscrit dans les registres de la compagnie, serait condamné à une amende de 12 pence pour chaque exemplaire ainsi imprimé ou importé. Cet acte reçut force exécutoire le 7 octobre suivant, après approbation par le lord chancelier et les lords grands-juges, approbation requise et efficace en vertu d'un statut passé dans la 19° année du roi Henri VII.

A l'avénement du roi Jacques II, le bill de Charles II, du 8 novembre 1671, fut remis en vigueur; il fut maintenu sous le règne suivant. La dernière fois qu'il fut renouvelé, une opposition assez vive se manifesta, opposition dirigée non moins contre le principe d'autorisation préalable (licensing) qu'il consacrait que contre le système de monopoles « destructifs de la propriété des auteurs sur leurs livres, » comme il est dit dans la protestation d'un certain nombre de lords contre le bill.

En 1694, la chambre des communes rejeta la proposition de donner nouvelle force au bill, et nomma une commission à l'effet de préparer un projet de loi pour une meilleure et plus libérale réglementation de l'im

primerie. Un projet fut soumis à la chambre, mais il paraît qu'il n'arriva point à maturité. En même temps, la chambre des lords ayant eu à décider également la question de la prorogation du bill de Charles II, se prononça pour l'affirmative. Le bill ayant été renvoyé à la chambre des communes, pour recevoir son approbation, cette assemblée demanda une conférence avec la chambre haute; dans cette conférence, qui eut lieu le 18 avril 1694, les communes exposèrent les raisons de l'opposition qu'elles faisaient au bill. Le principal motif de cette opposition était que cet acte donnait à la compagnie des stationers un privilége exagéré, qui nuisait même au droit de publicité des deux chambres du parlement, privilége dont les imprimeurs profitaient pour accaparer à leur profit et au profit de leurs amis, ce qui « appartenait au travail et au droit d'autrui. » Les lords se rendirent à ces raisons, et l'acte de Charles II prit fin définitivement le 25 avril 1694.

La compagnie des stationers se trouvant alors, de nouveau, dépourvue de toute protection, recourut encore une fois au moyen qu'elle avait déjà pratiqué en 1681. Mais, sa résolution, quoique revêtue des formes légales, n'eut pas tous les résultats que la compagnie en attendait; des personnes même étrangères à la corporation imprimèrent des livres dont elles n'avaient point la propriété, et les imprimeurs lésés s'adressèrent au parlement en 1703, 1706 et 1709, afin d'obtenir des garanties efficaces.

La plupart de ces pétitions reposent sur l'idée que la protection est nécessaire pour assurer au propriétaire la paisible jouissance de sa propriété; mais elles ne réclament point cette protection pour donner la propriété même. Le droit est incontestable, disent les pétitionnaires... La propriété d'auteurs anglais a toujours été regardée comme sacrée parmi les marchands et généralement respectée jusqu'au moment de sa violation..

Le 11 janvier 1709, M. Wortley, qui devint plus tard l'époux de la celèbre lady Mary Wortley Montague, présenta à la chambre des communes un bill « pour encourager la science et pour garantir la propriété des livres entre les mains de ceux qui en sont les légitimes possesseurs (owners). »

Ce bill subit la troisième lecture le 14 mars suivant, devint loi en 1710 et figure parmi les statuts sous le chiffre de 8 Anne, chap. 19, c'està-dire comme la dix-neuvième loi votée par le parlement dans la hui1ième année du règne de la reine Anne.

« Considérant, dit la loi, que des imprimeurs, libraires, et autres « personnes ont pris dernièrement la liberté d'imprimer, réimprimer, publier ou faire publier des livres et autres écrits, sans le consente<< ment des auteurs ou propriétaires des susdits livres ou écrits, au très« grand détriment de ces derniers, et trop souvent à leur ruine et à «celle de leurs familles ; — qu'il est nécessaire de prévenir de tels abus

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