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de la part des ayants droit, ou la preuve offerte par les contrevenants que le préjudice est moins considérable.

VI. Dispositions communes.

§ 55. Il n'y aura point de droit de retour au fisc ou d'autre dévolution sur les successions des ayants droit en ce qui concerne les ouvrages de littérature et d'art.

§ 56. A l'expiration du délai de la loi, ou antérieurement, lorsqu'il n'existe pour un ouvrage aucun auteur, héritier ou ayant cause, qui ait droit à la protection de la loi, les œuvres de littérature et d'art tombent dans le domaine public, et peuvent étre réimprimées ou reproduites dans telle forme que l'on voudra, pourvu qu'elles soient réimprimées et reproduites avec l'étendue et la disposition de l'édition qui a paru originairement trente ans avant l'expiration de la protection légale.

Cependant, les changements et les additions d'une édition nouvelle sont protégés par la loi pendant le temps qui sera déterminé ci-dessous, que le nouveau coopérateur soit nommé ou non.

Tant qu'un ouvrage n'est point encore tombé dans le domaine public, toute annonce ayant pour objet sa réimpression sera interdite sous peine d'une amende de cinquante à mille thalers, et donnera à la personne lésée le droit de réclamer du contrevenant l'entière indemnité, à dire d'experts.

§ 57. La présente loi sera également applicable en faveur de tout ouvrage de littérature et d'art mis au jour antérieurement à sa publication en Allemagne.

Quant à l'auteur d'un ouvrage ayant paru avant le 9 novembre 1837, qui serait décédé avant ce jour, toute protection plus longue prendra fin le 31 décembre 1867.

§ 58. La disposition du § 57 s'applique aussi aux ouvrages qui, d'après les lois actuellement en vigueur dans chaque État de l'Allemagne, sont tombés dans le domaine public. Toutefois, si en vertu de ces lois un de ces ouvrages est déjà réimprimé au moment de la mise en vigueur de la présente loi, il pourra encore être vendu à l'avenir.

§ 59. Pour assurer l'exécution de la disposition du § 58 les gouvernements des États de la Confédération germanique feront dresser par leurs autorités, conformément aux instructions qui seront données à cet égard, un inventaire des livres dont il vient d'être fait mention et des exemplaires de ces ouvrages qui existent encore en magasin, et ils feront apposer un timbre pareil sur les livres compris dans cet inventaire.

§ 60. Après l'expiration du délai fixé pour l'apposition du timbre prescrit par le § 59, tous les exemplaires des reproductions interdites de ces ouvrages qui ne seront pas revêtus de ce timbre seront passibles de confiscation et de saisie, tant chez l'éditeur que chez les libraires détaillants et les commissionnaires.

§ 61. Le possesseur d'un privilége valablement concédé avant la publication de la présente loi, par la Confédération germanique ou par les divers gouvernements de la Confédération, aura la faculté d'en faire usage ou d'invoquer la protection de la présente loi.

Le bénéfice d'un semblable privilége ne peut néanmoins être invoqué que sur le territoire de l'État qui l'a concédé.

Il ne pourra d'ailleurs être invoqué que pour autant que sa teneur ou sa substance soit imprimée à la suite de l'ouvrage, et mentionnée sur le titre ou à la suite du titre. Lorsque, par la nature des circonstances, cette formalité ne pourra pas être remplie, le privilége doit, sous peine de déchéance, être publié par l'enregistrement dans le registre d'inscription pour l'Allemagne (§§ 66-74) et annoncé publiquement par le curatorium dans les trois mois à partir de la publication de la présente loi.

§ 62. La présente loi entrera en vigueur dans toute l'étendue de la Confédération germanique le.....

Elle remplacera les résolutions prises antérieurement pour la protection des œuvres de science et d'art, ainsi que les lois de chaque pays de l'Allemagne sur cette matière, qui seront abrogées.

§ 63. Les ouvrages d'un auteur étranger, multipliés sur le territoire de la Confédération germanique et publiés par un éditeur qui y est domicilié, jouiront de la protection de la présente loi.

Les éditions de ces ouvrages, qui ont paru hors du territoire de la Confédération germanique, ne peuvent en aucun cas être répandues sur le territoire :

a. Lorsqu'il s'agit de l'édition d'une composition musicale qui a paru en pays étranger, et que l'auteur a cédé à un éditeur allemand le droit de l'éditer;

b. Lorsque l'auteur étranger de tout autre ouvrage a transmis à un éditeur allemand le droit exclusif de l'éditer.

Dans tous les autres cas, l'éditeur allemand ne peut empêcher en Allemagne la distribution de l'édition légale de l'éditeur étranger.

§ 64. L'éditeur, établi à l'étranger, d'un auteur étranger ne jouit de la protection de la présente loi que pour autant qu'elle lui soit assurée par un traité conclu avec l'État auquel il appartient.

§ 65. Le droit de protection assuré par le § 65 à l'éditeur, domicilié en pays étranger, d'un auteur étranger, commence à produire ses effets quand la loi des États étrangers (non-allemands) ou le traité qui établit la réciprocité est porté publiquement par une ordonnance du gouvernement allemand à la connaissance des habitants de ce pays.

VII. Registre d'inscription de l'Allemagne.

$ 66. Il sera établi à Leipzig, un registre d'inscription pour les écrits imprimés, y compris les dessins dont il est fait mention dans le § 35, ainsi

que pour les œuvres musicales et les œuvres d'art, sous le nom de Registre d'inscription de l'Allemagne, qui sera publié de temps à

autre.

Il sera déterminé par les traités conclus par la Confédération germanique avec les États étrangers, si les productions littéraires et artistitiques paraissant en pays étranger doivent y être enregistrées et jusqu'à quel point elles doivent l'être.

§ 67. L'enregistrement dans le registre d'inscription de l'Allemagne d'un ouvrage de littérature ou d'art confère, jusqu'à preuve du contraire, à l'auteur qui y est nommé, à l'éditeur ou à celui qui le publie, le droit d'actionner en payement d'une indemnité ou de poursuivre la répression de la contrefaçon.

§ 68. L'administration du registre d'inscription est régie par un curatorium; ce curatorium est présidé par un commissaire du royaume de Saxe, et composé en outre d'un savant nommé par l'université de Leipzig et du président de l'union de la Bourse (Boerse-Verein) des libraires allemands.

Le président du curatorium doit nommer, pour le suppléer en son absence, un libraire domicilié à Leipzig.

§ 69. L'enregistrement ne doit avoir lieu pour les productions littéraires ou artistiques qui sont multipliées par la voie de l'impression, que lorsqu'un exemplaire de l'ouvrage aura été produit.

Pour les tableaux, les sculptures, etc., il suffira qu'une description soit envoyée par l'auteur. Néanmoins l'enregistrement peut dans tous les cas être effectué séparément par la production d'une représentation graphique, et il sera permis à l'auteur en tout temps de la produire.

§ 70. La livraison d'exemplaires fournis gratis ne peut être exigée pour l'enregistrement dans le registre d'inscription.

§ 71. Le curatorium du registre d'inscription pour l'Allemagne est tenu de procéder dans chaque cas à l'inscription et de délivrer, s'il en est requis, un certificat qui la constate.

S'il surgit une difficulté de quelque nature qu'elle soit, ou si un tiers signifie une réclamation, le certificat sera délivré sous la réserve et avec la mention de la difficulté ou de la réclamation.

§ 72. Les certificats délivrés d'après le registre d'inscription pour l'Allemagne auront l'autorité d'un acte public sur tout le territoire de la Confédération germanique.

§ 73. Il sera pourvu aux frais de l'administration du registre d'inscription au moyen des droits de taxe perçus pour l'inscription et la délivrance des certificats.

§ 74. Les ordonnances et les instructions qui seront nécessaires pour l'exécution des §§ 66-73 seront publiées par le ministère de l'intérieur du royaume de Saxe sur la proposition du curatorium du registre d'in scription pour l'Allemagne.

DISCUSSION DE LA SOCIÉTÉ D'ÉCONOMIE POLITIQUE DE PARIS SUR LA QUESTION DE LA PROPRIÉTÉ LITTÉRAIRE ET ARTISTIQUE.

La Société d'économie politique de Paris, formée des hommes les plus éminents dans les sciences administratives et politiques, a discuté d'une manière approfondie, dans ses séances du 5 juillet, du 5 octobre et du 5 novembre 1858, la question de principe qui a occupé la plus large place dans les délibérations du Congrès. Nous pensons que l'intérêt de notre publication ne peut que gagner beaucoup à la reproduction de cette discussion instructive, dont nous empruntons le compte rendu au Journal des Économistes (1).

Réunion du 5 juillet 1858.

DE LA PROPRIÉTÉ LITTÉRAIRE (INVITATION DU CONGRÈS DE LA PROPRIÉTÉ LITTÉRAIRE ET ARTISTIQUE DE Bruxelles).

La réunion est présidée par M. L. Wolowski, membre de l'Institut.

M. le secrétaire perpétuel donne communication d'une lettre de MM. C. Faider et Romberg, président et secrétaire du comité d'organisation du Congrès de la propriété littéraire et artistique convoqué à Bruxelles pour le 27 septembre prochain, et sur lequel il avait appelé l'attention de la société dans la séance précédente.

Par cette lettre, les membres de la société d'économie politique sont gracieusement invités à se rendre à Bruxelles pour concourir à cette solennité littéraire et scientifique.

La réunion donne avec empressement son adhésion au Congrès de la propriété littéraire et artistique. Quelques membres manifestent le désir d'y assister; ils représenteront, ainsi que d'autres membres absents qui pourront encore se rendre à Bruxelles, la société d'économie politique au sein de cette assemblée, dont les travaux auront un vif intérêt.

Sur la proposition de M. Esquirou de Parieu, la conversation générale s'engage sur le sujet de la propriété littéraire.

Plusieurs membres y prennent part: MM. Wolowski, Esquirou de

(1) Journal des Économistes. Paris, Guillaumin et compagnie, livraisons de juillet, octobre et novembre 1858.

Parieu, Villiaumé, Joseph Garnier, Quijano, Pellat, Fréd. Passy, Magne. de Fontenay, Courtois, Jules Pautet, Victor Mannequin, Levasseur.

Divers arguments sont énoncés en faveur d'un privilége temporaire et contre la propriété absolue, particulièrement par M. Wolowski.

La propriété perpétuelle est surtout défendue par MM. de Parieu et Joseph Garnier.

M. Villiaumé signale les bienfaits de la loi de 1793 qui a constitué pour la première fois un droit de propriété pour tous les auteurs, et qui a donné à ces derniers une indépendance et un bien-être que n'ont pas connus les auteurs des siècles précédents.

MM. Levasseur, professeur au collège Saint-Louis, et Wolowski discutent sur divers faits relatifs à ce genre de propriété chez les anciens. M. LEVASSEUR répond à cet argument contre la propriété littéraire que les jurisconsultes anciens ne l'ont pas reconnue, puisqu'ils n'en parlent pas, -qu'il n'y avait pas, dans l'antiquité, matière à propriété littéraire et artistique. Les copistes étaient nombreux : Cicéron, par exemple, en entretenait un grand nombre, et Atticus employait à cette besogne cinq cents esclaves; mais il n'y avait pas là matière à commerce. Au surplus, les copies pouvaient se vendre, mais les auteurs étaient trop heureux d'avoir des lecteurs pour songer à revendiquer un droit de copie. Il y avait bien à Athènes et à Rome des professeurs tirant profit de leurs leçons, mais ils vivaient de leurs leçons orales et non de leurs écrits. Les choses se passèrent à peu près de même au moyen âge. Les lecteurs étaient peu nombreux, et si les troubadours, par exemple, parvenaient à vivre de leurs poésies, c'était en en tirant parti par la récitation. Ce n'est qu'avec l'imprimerie qu'ont surgi les éléments de la propriété littéraire, laquelle pourtant ne s'est produite que lentement. Au dix-septième siècle encore, les écrivains acquéraient de la réputation, mais ils vivaient des pensions de la cour ou au moyen d'une place chez les grands seigneurs. Leur indépendance, par le produit de leurs ouvrages, commence au dix-huitième siècle, et, de nos jours, ce sont de véritables producteurs, vivant du commerce de leurs œuvres.

M. WOLOWSKI croit, au contraire, que la propriété littéraire existait chez les Romains et rappelle que Martial parle positivement des bénéfices des auteurs.

En terminant, M. le secrétaire de la société rappelle que le Congrès de la propriété littéraire et artistique se réunira à Bruxelles le 27 septembre 1858; que sa durée sera de quatre à cinq jours et que les adhésions et les communications doivent être adressées à M. Édouard Romberg, directeur des affaires industrielles au département de l'intérieur, rue Royale, 58, à Bruxelles.

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