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BULLETIN DES LOIS

DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

N° 993.

N° 16,347.

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LIBRA

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.

DÉCRET portant distraction du Ministère de la Marine et des Colonies et rattachement au Ministère des Affaires étrangères des Pays placés sous le protectorat de la France.

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LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE,

Sur la proposition du président du Conseil, ministre des affaires étran gères, du ministre de la guerre et du ministre de la marine et des colonies,

DÉCRÈTE :

ART. 1". Les pays placés sous le protectorat de la France sont distraits du ministère de la marine et des colonies et rattachés au département des affaires étrangères.

2. Des arrêtés concertés entre les ministres compétents régleront les dates à partir desquelles ces dispositions entreront en vigueur dans les divers pays dont il s'agit.

3. Les ministres des affaires étrangères, de la guerre et de la marine et des colonies sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret.

Fait à Paris, le 7 Janvier 1886.

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RAPPORT et DÉCRET relatifs à l'organisation du Protectoral de l'Annam et du Tonkin.

Du 27 Janvier 1836.

[ (Promulgués au Journa! officiel du 28 janvier 1886.)

RAPPORT AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.

Monsieur le Président,

La pacification de l'Annam et du Tonkin est assez avancée pour qu'il soit possible de placer désormais ce pays sous l'autorité civile et d'organiserie protectorat sur des bases définitives. Le projet de décret ci joint tend à ce double but. Il s'est inspiré des idées de simplicité et d'économie qui ont été recommandées par le Parlement et sans lesquelles le pays ne verrait pas avec faveur l'extension de notre domaine colonial.

Le principe de la future organisation peut se résumer en quelques

mots:

Le protectorat de l'Annam et du Tonkin est considéré comme un service distinct et indépendant, ayant ses lois propres, son budget, ses moyens et ne conservant avec le gouvernement de la métropole d'autres liens que ceux qui résultent de la nomination du Résident général et de quelques hauts fonctionnaires et de l'allocation d'une subvention qui sera nécessaire pendant quelques années encore pour équilibrer les recettes et les dépenses. De la sorte, l'administration sera transportée tout entière dans l'Annam et le Tonkin, et le contrôle seul sera réservé à la métropole. La responsabilité du Résident général sera considérable et de son habileté dépendra en grande partie le succès de cette laborieuse entreprise.

Le système administratif prévu pour le protectorat est des moins compliqués; il est conforme d'ailleurs aux traités qui ont été conclus avec la cour de Hué.

Il s'agit d'utiliser l'organisme relativement perfectionné qui existe dans le royaume annamite et de le faire fonctionner dans le sens de nos idées et des progrès que nous voulons faire réaliser à ces pays. Le Résident général devra donc appliquer tous ses soins à imprimer une impulsion décisive au siège même du gouvernement, à Hué, et à vérifier ensuite, à l'aide de ses divers agents, sur place, comment cette impulsion se répercute dans les provinces. Il ne paraît pas douteux que, par ce moyen, l'appareil administratif propre du protectorat se réduira à de très faibles proportions et n'exigera le concours que d'un petit nombre de fonctionnaires européens.

J'ajoute que, selon mes prévisions, les seuls services sur lesquels le Résident général devra tout d'abord exercer une action directe, parce qu'ils n'existent actuellement qu'à l'état rudimentaire, sont les

douanes et les travaux publics. Ce sont les instruments nécessaires de notre développement commercial, et l'on ne saurait attendre leur mise en œuvre de l'initiative annamite. Ces services réclament une unité de direction et un ensemble de vues que la métropole seule peut avoir.

Plus tard, à mesure que noire autorité s'asseoira et que l'influence de notre civilisation pénétrera davantage le pays placé sous notre tutelle, nous serons conduits à exercer notre action dans un certain nombre de branches, dans la justice, l'instruction, les impôts, etc. Mais tous ces progrès doivent s'effectuer successivement, sans secousse et sans froisser les mœurs des populations auxquelles ils sont destinés. Ils suivront d'ailleurs un développement parallèle aux ressources, car il faut que tous ces avantages soient obtenus sans entraîner de nouveaux sacrifices pour la métropole.

Telle est, dans ses lignes générales, la conception que le présent décret a pour but de réaliser. Nous croyons qu'elle répond aux vues du Parlement et au sentiment du pays. Elle a eu également votre approbation lorsque le projet de décret ci-annexé a été délibéré en conseil des ministres : je vous prie donc de vouloir bien revêtir ce projet de votre signature.

Agréez, monsieur le Président, l'hommage de mon respectueux dévouement.

Le Président du Conseil,
Ministre des Affaires étrangères,

Signé C. DE FREYCINET.

DÉCRET.

LE PRÉSIDENT De La République française,

Vu le décret du 7 janvier 1886;

Sur la proposition du président du Conseil, ministre des affaires étrangères,

DÉCRÈTE:

ART. 1". Le protectorat de l'Annam et du Tonkin constitue, au regard de la métropole, un service spécial, autonome, ayant son crganisation, son budget et ses moyens propres.

Toutes les dépenses des troupes de terre et de mer, de la flottille et des administrations civiles et militaires employées en Annam et au Tonkin sont supportées par le budget du protectorat.

Les fonctionnaires et agents de tous ordres, mis par la métropole à la disposition du protectorat, sont considérés comme étant en service détaché et ont leur situation réglée, à ce titre, d'après les lois et règlements en vigueur.

2. Le chef du protectorat porte le titre de Résident général. Il est le représentant de la République française auprès de la cour de Hué et relève du ministre des affaires étrangères.

Il est nommé par décret du Président de la République, rendu en conseil des ministres.

3. Le résident général est le dépositaire des pouvoirs de la Répu blique en Annam et au Tonkin.

Il exerce toutes les attributions prévues par les conventions et les traités conclus avec le souverain de l'Annam.

Il préside aux relations extérieures de l'Annam ainsi qu'aux rapports entre les autorités annamites et les autorités françaises.

Il contresigne, pour les rendre exécutoires, les actes et décrets du roi d'Annam qui sont destinés à être appliqués par les tribunaux français.

Il a sous ses ordres le commandant des troupes de terre et de mer, de la flottille, et tous les services du protectorat.

Il organise les services et règle leurs attributions par des arrêtés qui sont portés à la connaissance du ministre des affaires étrangères.

Il nomme à tous les emplois civils, à l'exception de ceux de résident supérieur, résident et chef des services principaux, qui sont à la nomination du ministre des affaires étrangères. Il peut, en cas d'urgence, pourvoir à ces derniers emplois ou prononcer la suspension des titulaires, par des décisions provisoires qui sont soumises à l'approbation du ministre.

4. Le résident général a sa résidence officielle à Hué, mais il peut séjourner dans toute autre ville de l'Annam et du Tonkin où les besoins du service l'appellent.

Il est assisté par deux résidents supérieurs, l'un à Hué, l'autre à Hanoi.

En cas d'absence ou d'empêchement, le résident général est suppléé auprès de la cour de Hué par le résident supérieur de Hué.

Les attributions des deux résidents supérieurs sont déterminées par des arrêtés du résident général, soumis à l'approbation du ministre des affaires étrangères.

5. Un conseil du protectorat est institué auprès du résident général, qui le préside.

Il siège, suivant les besoins du service, soit à Hué, soit à Hanoi. En cas d'absence ou d'empêchement du résident général, le conseil est présidé par le résident supérieur du lieu où il est réuni.

La composition et les attributions de ce conseil seront détermi nées par un décret spécial rendu sur la proposition du ministre des affaires étrangères, après avis du résident général.

6. Le résident général a seul le droit de correspondre avec le Gou vernement de la République.

Il communique avec les divers départements ministériels par l'intermédiaire du ministre des affaires étrangères. Il peut, avec l'autorisation de ce ministre et dans les limites fixées par lui, correspondre directement avec les autres ministres. En tout cas, les questions d'ordre politique, d'organisation et d'administration générale, celles qui ressortissent à la fois à plusieurs départements ministé

riels, celles qui tendent à modifier les prévisions budgétaires, sont exclusivement traitées par l'intermédiaire du ministre des affaires étrangères.

Le résident général est autorisé à correspondre directement avec le gouverneur de la Cochinchine et le représentant de la République à Pékin, mais il ne peut engager d'action politique ou diplomatique en dehors du ministre des affaires étrangères.

7. Par dérogation au premier paragraphe de l'article qui précède, le commandant des troupes de terre et de mer et de la flottille peut correspondre directement avec les ministres de la guerre et de la marine pour les questions techniques et dans les limites autorisées par le ministre des affaires étrangères ou, dans le cas de force majeure, quand il y a impossibilité de communiquer en temps utile par l'intermédiaire du résident général. Celui-ci est toujours tenu au courant de ces communications directes.

de

8. Aucune opération militaire, sauf le cas d'urgence où il s'agirait repousser une agression, ne peut être entreprise sans l'assentiment du résident général.

La conduite des opérations appartient à l'autorité militaire, qui rend compte au résident général.

Le caractère et le but d'une opération engagée ne peuvent êtrè changés sans l'assentiment du résident général.

9. Des territoires pourront être déterminés par le résident général, après avis de l'autorité militaire, pour être soumis à la juridiction militaire.

Dans ces territoires, le commandant du corps d'occupation exercera par délégation les pouvoirs du résident général, auquel il sera tenu de rendre compte.

Ces territoires rentreront sous le régime normal par décision du résident général.

Les décisions portant établissement ou cessation du régime militaire seront immédiatement portées à la connaissance du ministre des affaires étrangères.

10. Le résident général dresse chaque année, en conseil du protectorat et après avoir pris l'avis des services compétents, le budget des recettes et des dépenses du protectorat pour l'année suivante. Parmi les recettes figure la subvention à réclamer, s'il y a lieu, de la métropole pour assurer l'équilibre du budget.

Le projet de budget et les documents explicatifs sont adressés au ministre des affaires étrangères.

Le budget est approuvé par décret du Président de la République, rendu en conseil des ministres, et devient exécutoire à partir du 1 janvier.

dans la même forme, le compte des résultats obtenus pendant l'exer11. Chaque année, après le 31 mars, le résident général dresse, cice écoulé et le fait parvenir, avec documents justificatifs, au ministre des affaires étrangères dans le cours du deuxième trimestre.

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