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ples barbares. Le Franc aimait sa compagne, la respectait et, au besoin, la faisait respecter; il lui demandait conseil; il la consultait volontiers avant de commencer une entreprise.

Les mœurs en général étaient pures; les femmes avaient une légitime influence: ce furent elles qui, sous Clovis, à l'aurore du Christianisme, firent connaître à leurs époux les lumières de l'Evangile; ce furent elles qui propageant les saines traditions de la religion nouvelle, adoucirent les mœurs des farouches conquérants; ce furent elles qui, plus tard, grâce à leur vertu, à leur générosité, à leur grandeur d'âme, surent inspirer aux hommes les plus nobles sentiments et les plus belles actions. Les chevaliers » juraient alors de protéger, d'honorer, de respecter les femmes, et, les entourant sans cesse d'une platonique vénération, ils n'avaient garde d'oublier leur serment.

Il ne faut donc pas s'étonner si, chez nos ancêtres, les outrages et les attentats commis contre les femmes étaient punis avec une implacable sévérité.

Childebert, dans une de ses constitutions, s'exprimait ainsi : « Qu'aucun de nos grands, après avoir commis un rapt, ne pense nous fléchir; mais qu'il soit poursuivi comme un ennemi de Dieu, quel que soit le bourg où il se trouve; que le juge du lieu assemble des hommes d'armes et le tue;

s'il se réfugie dans une église, que l'évêque le livre. et qu'on le tue ! »

Plus tard, la loi canonique punit avec rigueur la séduction. Aux termes de cette loi, le séducteur était condamné ou à épouser. la fille séduite, ou à lui donner une dot, si le père ne consent it pas à l'accepter pour gendre; et si le coupable ne remplissait pas l'une ou l'autre de ces conditions, il était frappé de verges; il était ensuite excommunié et enfermé dans un monastère pour y subir une peine perpétuelle.

Toutefois, cet usage, qui s'était maintenu dans plusieurs provinces de la France, ne tarda pas à causer de nombreux abus. Cette coutume, enfantée par le Droit canon, fut abolie par une Déclaration du 22 novembre 1730.

L'article 497 de la Coutume de Bretagne condamnait à mort ceux qui avaient « suborné » des enfants mineurs.de vingt-cinq ans, .sous prétexte de mariage ou autrement. En conséquence, on punissait non-seulement les individus qui avaient enlevé des mineurs, à l'insu de leurs parents, mais encore ceux qui avaient eu un « commerce illicite » avec une jeune fille; et l'on donnait alors un si grand avantage au sexe faible que la seule plainte de la fille et la preuve d'une simple fréquentation étaient regardées comme un motif suffisant pour faire condamner l'accusé au dernier supplice! On reculait cependant devant cet

excès de rigueur lorsque la fille séduite demandait à épouser son « suborneur. » Si celui-ci préférait le mariage à la mort et il devait souvent le préférer ! un commissaire du Parlement le conduisait à l'église, les fers aux mains; et là, sans publication de bans, sans le consentement du curé, sans la permission de l'évêque, on procédait au mariage par la seule autorité des juges séculiers (1). Ce singulier usage fut aboli par la Déclaration de 1730, enregistrée au Parlement de Rennes.

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Mais il faut se garder de croire que cette Déclaration, en abolissant ces anciennes coutumes, permettait à tous les séducteurs de se jouer impunément des femmes ! Ce serait là une profonde erreur. Cette ordonnance, plus rigoureuse que la loi romaine, - atteignait même la fornicatio: les personnes reconnues coupables d'avoir entretenu un commerce illicite, étaient condamnées, suivant les cas, à diverses peines, qui généralement consistaient en « aumônes » et dommagesintérêts. Mais lorsqu'il s'agissait de la séduction d'une fille ou femme honnête, et, lorsque cette séduction était accompagnée d'intrigues frauduleuses, de manoeuvres criminelles, le coupable était frappé de peines rigoureuses (2).

(1) Guyot. Recueil de Jurisprudence, vo Rapt, p 454 (édition de 1785).

(2) Muyard de Vouglans. Lois criminelles, p, 212. Fournel, p. 361.

Lorsque la séduction était aggravée par certaines circonstances, lorsqu'elle était suivie d'enlèvement, par exemple, elle pouvait entraîner la peine capitale. Ce crime, dans l'ancien droit, s'appelait rapt de séduction. La Déclaration de 1730,d'accord en cela avec l'ordonnance de Blois, punissait très-sévèrement le rapt de séduction. Ce crime consistait dans le fait d'avoir séduit et suborné « par artifices, intrigues ou mauvaises voies >> des filles, ou même des veuves, mineures de vingtcinq ans, pour parvenir à un mariage, à l'insu ou sans le consentement des pères, mères ou tuteurs (1).

Le rapt de séduction était, on le voit, un attentat à l'autorité des parents, attentat dont le but principal était de contracter avec un enfant de famille un mariage avantageux, contre le gré ou à l'insu de ses père et mère. Ce crime avait donc pour mobile l'ambition ou la cupidité, plutôt que la passion ou la volupté. Aussi bien, quel que fût le but du coupable, l'attentat contre l'autorité paternelle aggravait singulièrement la séduction.

Rigoureusement, le ravisseur ne pouvait échapper à la peine de mort. Mais les juges commençaient à avoir le sentiment des « circonstances atténuantes, » car la chronique judiciaire nous apprend que la peine capitale était appliquée seu

(1) Le rapt de séduction pouvait s'appliquer aux mineurs des deux sexes; mais, d'ordinaire, les jeunes filles en étaient seules victimes.

lement lorsque le ravisseur avait eu recours à des moyens abominables. »

Quand la force brutale avait été employée par le ravisseur, les juges étaient inexorables; le rapt de violence était toujours puni du dernier supplice.

D'autres circonstances pouvaient donner à la séduction un caractère de gravité exceptionnelle : lorsque le coupable avait quelque autorité sur la fille séduite, lorsqu'il était son tuteur, par exemple, son médecin, son précepteur ou son maître, il pouvait être puni de mort.

En voici un exemple :

Un professeur, Louis La Bruyère de Maillac, convaincu de séduction « en la personne d'une fille mineure, » son écolière, fut condamné à mort par arrêt du Parlement de Paris, du 20 avril 1758. L'arrêt fut exécuté: le coupable fut pendu et « étranglé. »

On voit par là que notre ancien Droit était vraiment sévère à l'endroit des séducteurs!

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Ce n'est pas tout le droit coutumier admettait, comme règle générale, la recherche de la paternité.

Une fille séduite n'avait pas seulement le droit de former contre son séducteur une action criminelle appelée plainte en gravidation, elle pouvait en outre intenter une action civile et se faire allouer « les frais de gésine, » et une prestation

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