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Du reste, s'il est désagréable aux individus qui séduisent des mineures, de passer sur la sellette correctionnelle et d'y étaler leurs turpitudes, tant pis pour eux! Nous ne saurions les plaindre. Les hommes ont un moyen bien simple d'éviter semblables désagréments: c'est de se bien conduire, c'est de respecter les femmes, et surtout les mineures!

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S'il y a une personne à plaindre ici, au milieu. de ce scandale, c'est la jeune fille séduite; car, si, après avoir été détournée de ses devoirs, elle devient enceinte, et c'est l'ordinaire, elle est bien forcée, elle, d'afficher sa conduite aux yeux de tous! Elle est bien forcée de dévoiler sa honte, elle qui pourtant désirait rester dans le chemin de l'honneur, elle qui résistait, elle qui ne voulait point consentir!... Eh bien, si cette pauvre enfant est publiquement déshonorée, pourquoi donc, s'il vous plaît, aurait-on des égards pour « la vie privée » d'un damoiseau qui est la cause directe de cette chute et de ce déshonneur?

VII.

On prétend qu'une jeune fille vraiment honnête, qui aura eu tort de se laisser séduire, ne voudra pas se plaindre et hésitera à publier son déshonneur dans une salle d'audience!

Qui, si la faute est ignorée, la jeune fille,

conservant encore ses sentiments de pudeur, sera portée à garder le silence, et elle aura raison ! Mais s'il y a déjà eu scandale; s'il y a eu flagrant délit; s'il y a eu grossesse ; si la victime a été publiquement compromise par les indiscrètes fanfaronnades de son séducteur ce qui n'est pas rare elle pourra avoir intérêt à se plaindre et à se placer sous l'égide des magistrats. Se sentant appuyée par le ministère public, sachant que la loi frappera l'homme qui l'a trahie, voyant qu'elle pourra trouver quelque appui, cette malheureuse fille sera moins portée à attenter à ses ses jours ou à ceux de son enfant !

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Aussi bien, nous ferons observer à nos contradicteurs que, dans le projet de réforme que nous venons de soumettre au public, nous avons laissé la jeune fille séduite libre de se plaindre ou de garder le silence. C'est seulement sur sa plainte directe, sur la plainte de ses parents ou tuteurs, -- que l'action publique serait mise en jeu. Ici, comme en matière d'adultère ou d'injure, la personne offenséc aurait la faculté de pardonner l'outrage ou d'en demander la répression.

VIII.

Enfin, on répète à l'envi que « les procès de séduction ne peuvent revivre,» parce que les filles malhonnêtes feront du « chantage, »

D

et spéculeront sur l'honneur des hommes irréprochables!

on.

Mon Dieu ! au point où nous en sommes, il est inutile d'insister sur cette vulgaire objection. Les procès de séduction ne peuvent revivre! ditEst-ce que, par hasard, nous demandons la résurrection de l'ancienne loi française? Est-ce que nous demandons un retour pur et simple aux abus de l'ancien régime? En aucune façon ! Nous ne demandons pas aux membres du Parquet d'accueillir les demandes de toutes les filles, de toutes les courtisanes, de toutes les intrigantes qui prétendraient être victimes d'une séduction, mais de recevoir seulement les plaintes faites au nom de jeunes filles mineures, vraiment dignes d'intérêt. Et, certes, nous avons trop de confiance dans la perspicacité et dans les lumières des magistrats, pour croire que d'aucuns accueilleraient ces plaintes, sans éléments de décision, sans preuves sérieuses, et favoriseraient ainsi des spéculations interlopes !

Au surplus, il ne faut point oublier que déjà, aux termes de l'article 373 du Code pénal, la dénonciation calomnieuse est un délit, et que nous proposons de punir, plus spécialement encore, les personnes qui, en matière de séduction, dirigeraient des imputations calomnieuses contre des hommes honorables.

Nous pensons donc que si, à l'avenir, la loi con

sidérait comme un délit la séduction frauduleuse des jeunes filles mineures, ce délit, strictement spécifié et circonscrit, n'engendrerait pas les abus que devaient forcément amener les règles élastiques et imprudentes de notre ancienne législation.

Sans doute, la preuve du délit ne sera pas toujours palpable, évidente, manifeste; mais c'est le droit commun: il en est ainsi en toute matière, - et particulièrement en matière d'adultère, d'attentat à la pudeur sans violence, d'excitation à la débauche, d'infanticide et d'avortement! Est-ce là une raison pour laisser impunis tous ces actes criminels? Non. Lorsque les faits ne paraissent pas suffisamment établis, l'affaire n'est pas « poursuivie, » ou bien, si elle est poursuivie, les magistrats ou les jurés font comme le sage: dans le doute, ils s'abstiennent de condamner. Voilà tout! Mais, lors même que, dans tous les cas de séduction, il n'y aurait pas des preuves irréfragables, un flagrant délit, par exemple, ou bien des déclarations, des aveux, des billets et des lettres du séducteur, ce n'est pas, selon nous, un motif pour s'abstenir de promulguer une loi d'intérêt général, qui serait marquée au coin de la justice et de la moralité !

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La

cherche de la paternité ramènera les abus d'autrefois. certitude est impossible. - On ne peut admettre ici des présomptions légales. Une objection de Zacharice.

Le projet de réforme que nous avons tracé, au sujet de la loi civile, peut faire naître aussi certaines objections. Ces objections, les voici :

I.

On prétend que si la loi donne positivement aux filles séduites le droit de réclamer des dommages-intérêts à leurs séducteurs, elle exposera beaucoup d'hommes honorables, particulièrement injustes.

les riches.

à une foule de réclamations

Nous ne voulons point revenir sur tout ce que nous avons dit, à ce propos, dans le cours de cet ouvrage. Nous rappellerons seulement ce que M. Ancelot répondait, avec raison, à M. Bertauld (page 102). Ce ne sont pas des filles tombées au

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