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question! Sur ce point, pas un mot! Le code ici a des scrupules, et il se tait. Il laisse impunément commettre cet abus de la violence morale !

S'agit-il d'une jeune fille de seize ou dix-sept ans, enlevée, sans fraude ni violence, par son séducteur? Le code ferme les yeux, dit aux gendarmes « Laissez faire! Laissez passer! » et les gardiens de l'ordre public laissent passer le ravisseur la loi ne punit ni cette séduction, ni même cet ENLÈVEMENT !...

Peut-être direz-vous qu'une jeune fille de seize ou dix-sept ans est précisément à l'âge qui a besoin d'appui; qu'à ce moment au printemps de la vie - l'imagination s'éveille, la passion éclot, et que l'inexpérience d'une enfant, l'innocence d'une vierge méritent aide et protection? Peut-être direz-vous que cette jeune fille est sans défense, et que sa beauté qui s'épanouit, sa pureté, sa pudeur, sa virginité même excitent les désirs des séducteurs et l'entourent de dangers?

- Le législateur vous répondra qu'il faut assurément écarter ces périls et protéger l'honneur des vierges contre les escrocs du libertinage, mais que la loi doit « abandonner » les jeunes personnes à la garde de la religion et à la censure de l'opinion publique, ce qui revient presque à dire que le seul moyen de les défendre est de les abandonner!

Voilà, sur ce point, nos lois pénales!

2.

LOI CIVILE

L'œuvre la Convention.- Le Code civil. - La recherche de la

paternité est interdite. Pourquoi? Rapport du tribun

Duveyrier et du tribun Lahary.

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Une exception à la règle.

Opinion du Premier Consul sur le

rapt et le viol. - Liberté de la séduction.

Nous savons que la recherche de la paternité était admise autrefois, en France, sous l'empire de l'ancien Droit.

L'action en déclaration de paternité» était. accordée à la fille séduite et à l'enfant.

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La Convention, qui déjà avait effacé la fameuse maxime-Creditur virgini parturienti - refusa aux filles-mères le droit de demander les « frais de gésine à l'auteur de leur grossesse ; mais elle leur accorda un bénéfice, en proclamant cette loi nouvelle << Toute fille qui, pendant dix ans, soutiendra, avec le fruit de son travail, son enfant illégitime, aura droit à une récompense publique. »

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en

La Convention refusa aussi aux enfants naturels le droit de rechercher leur père; mais, compensation, elle les plaça presque sur le même pied que les enfants légitimes, en matière de succession. (Loi de brumaire an 11).

Le Code civil survint. Napoléon avait peu de commisération pour les femmes - en général — et pour les pauvres êtres qu'on appelle « enfants naturels. »

Le législateur de 1803 détruisit, en partie, l'œuvre de la Convention: il n'accorda point de récompense publique »> aux filles-mères qui avaient le mérite d'élever seules leurs enfants. D'autre part, il montra beaucoup moins de bienveillance à l'égard des enfants naturels ; il diminua singulièrement leurs droits dans la succession de leurs père et mère (1).

La Convention en interdisant, d'une manière absolue, la recherche de la paternité, avait du moins essayé de tempérer cette règle rigoureuse. Le Code, sans pitié pour les filles-mères et pour leurs malheureux enfants, maintint la règle dans toute sa rigueur. « La recherche de la paternité est interdite,» dit l'article 340.

Cette interdiction est, aujourd'hui, un principe fondamental du droit français.

(1) Art. 756 et suiv. du Code civil.

Aussi bien, on comprend que le législateur moderne ait édicté cette maxime juridique. La paternité, en dehors du mariage, est quelque chose de fort incertain; c'est un fait naturel enveloppé de ténèbres. Le tribun Duveyrier disait, avec quelque raison, au Corps législatif : « La nature ayant dérobé ce mystère à la connaissance de l'homme, à ses connaissances morales et physiques, aux perceptions les plus subtiles de ses sens, comme aux recherches les plus pénétrantes de sa raison; et le mariage étant établi pour donner à la société, non pas la preuve matérielle, mais, à défaut de cette preuve, la présomption légale de paternité; il est évident, lorsque le mariage n'existe pas, qu'il n'y a plus ni signe matériel, ni signe légal. Il n'y a plus rien qui puisse faire supposer même la fiction conventionnelle et sociale. La paternité reste ce qu'elle était aux yeux de la loi comme aux yeux de l'homme, un mystère impénétrable; et il est en même temps injuste et insensé de vouloir qu'un homme soit convaincu, malgré lui, d'un fait dont la certitude n'est ni dans les combinaisons de la nature, ni dans les institutions de la société. C'est ainsi qu'en remontant à une vérité fondamentale, nous arrivons naturellement et sans efforts à cette règle première, à l'impossibilité de ces déclarations de paternité conjecturales et arbitraires, à la répression irrévocable de ces inquisitions scan

daleuses qui, peu secourables pour l'enfant abandonné, portaient toujours la discorde dans les familles et le trouble dans le corps social. »

Il est certain que des abus se sont produits sous l'ancien régime et devaient nécessairement se produire à une époque où la recherche de la paternité était admise comme une règle générale, et où l'on accueillait, comme preuve irréfragable, les déclarations de la première fille venue. C'était, il ne faut guère s'en étonner, une source de procès immoraux.

« Rien de plus fréquent autrefois, disait le tribun Lahary, que ces réclamations d'état dont on assiégeait de toutes parts les tribunaux. Que de femmes impudentes osaient publier leur faiblesse, sous prétexte de recouvrer leur honneur! Combien d'intrigants, nés dans la condition la plus abjecte, avaient l'inconcevable hardiesse de prétendre s'introduire dans les familles les plus distinguées et surtout les plus opulentes! On peut consulter à cet égard le recueil des causes célèbres, et l'on ne saura trop ce qui doit étonner davantage, ou de l'insuffisance de nos lois sur cet important objet, ou de la témérité de ceux qui s'en faisaient un titre pour égarer la justice et troubler la société. Elle cessera enfin cette lutte scandaleuse et trop funeste aux mœurs: La recherche de la paternité est interdite ! »

A cette règle, édictée par l'article 340, les rédac

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