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célébré par l'officier de l'état civil, c'est sur ce dernier que doit retomber la peine » (1).

Le Grand-juge défendit sa proposition par les considérations suivantes :

Il dit que «< la formalité de l'acte respectueux est tellement importante, qu'il avoit cru ne devoir négliger aucune des précautions capables d'en prévenir l'omission.

» Il est évident que les ministres des cultes sont obligés de se conformer aux lois : il n'y a donc aucune difficulté à énoncer cette obligation; et c'est un avantage de se ménager une garantie de plus pour le cas où l'officier de l'état civil auroit été surpris ou négligent. Les parties osent moins se hasarder à s'écarter de la loi, lorsqu'elles savent qu'elles rencontreront un double obstacle à masquer leur fraude.

» Au surplus les ministres des cultes ne seroient pas appelés à juger des actes de mariage: leur fonction se borneroit à vérifier si une formalité prescrite par la loi a été remplie.

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Quelle que soit la responsabilité qu'on leur impose pour les forcer à se faire représenter les actes de mariage, elle ne conduiroit jamais à faire réparer l'omission de la formalité dont

(1) Le Premier Consul, Procès-verbal du 21 pluviôse an 12 tome IV, page 445.

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on veut assurer l'effet. Puisque la loi ne prévient pas les contraventions en imposant une peine aux parties, elle ne peut plus les empêcher qu'en s'appesantissant sur les fonctionnaires >> (1).

» On objecte, continuoit le Grand-juge, que ce seroit donner lieu à une résistance mal fon. dée de la part du ministre du culte, qui peutêtre s'ingéreroit à juger de la validité du mariage, et même contrarieroit l'officier de l'état civil. Mais il faut observer qu'il ne s'agit ici que d'un fait sur lequel il ne peut pas y avoir contradiction» (2).

L'avis de la Section a prévalu.

2.* QUESTION. Quelle Peine devoit étre imposée.

Le Grand-juge proposoit « d'établir tout-à-la fois des peines pécuniaires, et la peine correctionnelle de la réclusion pendant un an au moins, et de cumuler ce double châtiment dans tous les cas » (3).

La Section n'établissoit par le Code civil et pour tous les cas, que la peine de l'amende : elle autorisoit cependant à prononcer des peines correctionnelles, mais seulement suivant les

(1) Le Grand-juge, Procès-verbal du 21 pluviôse an 12, t. IV, page 444. (2) Ibid., pages 445 et 446. — (3) Voyez la rédaction proposée par le Grand-juge (art. 6), ibid., page 442.

cas. Elle laissoit au Code correctionnel le soin de les déterminer (1).

On objecta contre le systême de la Section, que « si la loi n'impose qu'une peine pécuniaire, elle sera impunément violée par les particuliers opulens, qui indemniseront l'officier de l'état civil de l'amende qu'il aura encourue» (2). << Il est contre la dignité de la loi, ajoute-t-on, d'offrir elle-même un moyen de la violer impunément, ou du moins sous une peine tellement légère qu'elle ne punît pas réellement le prévaricateur. Il faut donc menacer l'officier de l'état civil de châtimens graves, et non d'une foible amende de deux cent cinquante francs, dont il seroit indemnisé sans difficulté par ceux qui auroient payé sa complaisance à un prix beaucoup plus considérable » (3).

¶ Du moins, concluoit-on, faudroit-il prononcer la nullité du mariage (4), non la nullité relative qui existe déjà ↓ (5), mais ¶ la nullité absolue ↓ (6).

Il fut répondu « que l'officier civil, convaincu

(1) Voyez la rédaction proposée par la Section (art. 6), Procès-verbal du 21 pluviôse an 12, tome IV, page 443. — (2) M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély), ibid., page 448. (3) Le Grand-juge, ibid., page 449. (4) M. Regnaud ( de SaintJean-d'Angély), ibid., page 448. — (5) M. Bigot-Préameneu, ibid. (6) M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély), ibid., p. 449.

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d'avoir manqué à son devoir pour de l'argent, seroit puni comme prévaricateur, et par conséquent avec beaucoup plus de sévérité que par une peine purement pécuniaire. Au reste, si l'on suppose qu'il soit capable de se laisser séduire, même un emprisonnement d'un an ne l'arrêtera pas, lorsqu'il en résultera pour lui des avantages considérables, et que sa fortune sera à ce prix » (1).

Le Conseil d'état adopta la disposition présentée par le Grand-juge Ministre de la justice (2), en fixant cependant à six mois, au lieu d'une année, le minimum de l'emprisonnement.

Mais où la disposition devoit-elle être pla

cée?

3. QUESTION. La Peine correctionnelle devoitelle étre établie par le Code civil?

« LA Section avoit cru devoir renvoyer au Code correctionnel pour la fixation de la peine, attendu que le délit est susceptible de différentes nuances, d'après lesquelles la peine doit être graduée» (5). « Toutes les parties de la pénalité, disoit-on, doivent être coordonnées entre elles, afin que le châtiment soit toujours

t. IV,

(1) M. Treilhard, Procès-verbal du 21 pluviôse an 12, page 449. (2) Décision, ibid., page 450. (3) M. BigotPréameneu, ibid., page 448.

mesuré sur le plus ou le moins de gravité du délit ; il seroit donc possible, si l'on fixoit par le Code civil la peine de la contravention, que cette peine fût ou plus forte ou plus foible qu'elle ne devroit l'être dans le systême général de législation criminelle » (1). D'ailleurs 1 cette matière des peines est étrangère au Code civil: elle est l'objet de lois d'une autre nature ↓ (2).

Au reste, il n'y a pas tellement urgence, qu'il soit nécessaire de négliger les considérations, et de consacrer une disposition que peut être il faudra changer, lorsqu'on s'occupera du Code criminel et correctionnel, pour former un système général de pénalité. On a très-peu d'exemples d'enfans qui se marient sans avoir requis le consentement de leurs ascendans (3).

Il fut répondu que si l'on attendoit la confection du Code criminel pour assurer l'exécution de la loi par une sanction pénale, « la contravention demeureroit jusque-là impunie, puisqu'il n'existe pas de peine dans la législation actuelle » (4) ; « que dès-lors la loi seroit inutile pendant un temps; mais que déjà le

(1) M. Treilhard, Procès-verbal du 21 pluviôse an 12, t. IV, page 448. (2) M. Berlier, ibid. (3) M. Treilhard, ibid.,

page 449.—(4) M. Regnaud ( de Saint-Jean-d'Angély), ibid., page 448.

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