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La nature en fournit les premiers élémens; c'est d'elle que vient ce désir général qui porte un sexe vers l'autre, et qui suffit pour opérer leur rapprochement *.

Mais la nature avoit-elle tout fait, et la loi civile n'avoit-elle plus rien à faire?

Qu'on prenne garde que « les familles sont la pépinière de l'État, et que c'est le mariage qui forme les familles » (1); et l'on sentira toute l'importance qu'a ce contrat dans nos sociétés politiques. Il faut se rappeler également que, les lois et les institutions naturelles, du moins tant qu'elles demeurent dans leur forme primitive, ne peuvent s'adapter exactement à l'état de civilisation *, et l'on concevra « qu'il étoit impossible d'abandonner le mariage à la licence des passions. Les animaux sont con duits par une sorte de fatalité; l'instinct les pousse, l'instinct les arrête : leurs désirs naissent de leurs besoins, et le terme de leurs besoins devient celui de leurs désirs. Il n'en est pas ainsi des hommes: chez eux l'imagination

(1) M. Portalis, Exposé des motifs, Procès-verbal du 19 ventôse an 11, tome II, page 503.

* Voyez page 10.

**Voyez tome I.er, Introduction, pages 44 et suiv.

parle quand la nature se tait. La raison et la vertu qui font et assurent la dignité de l'homme, en lui laissant le droit de rester libre, et en lui ménageant le pouvoir de se commander à luimême, n'opposeroient souvent que de bien foibles barrières à des désirs immodérés et à des passions sans mesure. Ne craignons pas de le dire : si dans des choses sur lesquelles nos sens peuvent exercer un empire tyrannique, l'usage de nos forces et de nos facultés n'eût été constamment réglé par des lois, il y a longtemps que le genre humain eût péri par les moyens même qui lui ont été donnés pour se conserver et pour se reproduire » (1).

Mais comme les lois positives n'interviennent que pour assurer, en les réglant, les institutions naturelles *, il en résulte que ¶ les Législateurs n'ont pas détruit l'essence ni l'objet du mariage ¶ (2); qu'ils l'ont pris tel qu'il est institué par la nature; que leurs soins se sont bornés à en constituer les formes, les conditions et la preuve ; ¶ à protéger les engagemens qu'il suppose; à régulariser les effets qui le suivent ¶ (3).

(1) M. Portalis, Exposé des motifs, Procès-verbal, du 19 ventôse an 11, tome II, pages 505.— (2) Ibid. — (3) Ibid.

* Voyez tome I.er, Introduction, pages 50 ct suiv.

Telle est l'influence des lois positives sur le mariage; tel est le rapport sous lequel le contrat naturel devient un contrat civil.

A l'égard de la religion, voici la part qu'elle prend aux mariages.

Tous les peuples ont fait intervenir le ciel dans un contrat qui doit avoir une si grande influence sur le sort des époux, et qui, liant l'avenir au présent, semble faire dépendre leur bonheur d'une suite d'événemens incertains, dont le résultat se présente à l'esprit comme le fruit d'une bénédiction particulière, C'est dans de telles occurrences que nos espérances et nos craintes ont toujours appélé les secours de la religion, établie entre le ciel et la terre pour combler l'espace immense qui les sépare » (1).

Mais la religion ne forme ni le contrat naturel ni le contrat civil; elle se borne à les bénir. « Elle se glorifie elle-même d'avoir été donnée aux hommes, non pour changer l'ordre de la nature « (2), ni l'ordre de la société

<< mais pour les ennoblir et pour les sanctifier» (3).

(1) M. Portalis, Exposé des motifs, Procès-verbal du 19 ventôse an 11, t. II, p. 505 et 506. — (2) Ibid., p. 506.

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(3) Ibid.

Il a existé des temps où l'on n'avait pas des notions aussi précises relativement à l'influence de la religion sur le mariage; et c'est alors qu'est née l'idée que c'étoit un contrat purement ecclésiastique.

Cette erreur ne doit être imputée qu'à la forme de la législation d'alors. « Sous l'ancien régime', les institutions civiles et les institutions religieuses étoient intimement unies. Les magistrats instruits reconnoissoient qu'elles pouvoient être séparées; ils avoient demandé que l'état civil des hommes fût indépendant du culte qu'ils professoient. Ce changement rencontroit de grands obstacles *. Depuis, la liberté des cultes a été proclamée. Il a été possible alors de séculariser la législation. On a organisé cette grande idée, qu'il faut souffrir tout ce que la Providence souffre ; et que la loi, qui ne peut forcer les opinions religieuses des citoyens, ne doit voir que des François, comme la nature ne voit que des hommes» (1),

(1) M. Portalis Exposé des motifs, Procès-verbal du 19 ventôse an 11, tome II, page 506.

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Voyez tome I., Introduction, pag. 76 et suiv.

Pourquoi ces Notions n'ont pas été fixées par le Code Napoléon.

On s'étonnera peut-être de ce que le Législateur n'a pas fixé lui-même, par une définition nette et précise, ces idées sur lesquelles il y avoit eu tant de confusion et d'incertitudes.

J'ai exposé ailleurs les motifs qui ont décidé le Conseil d'état à retrancher de la loi les définitions, et à les renvoyer à l'enseignement *. Mais la question a été traitée spécialement à l'égard du mariage.

La Commission avoit proposé deux articles: L'un déterminoit le rapport sous lequel la loi considère le mariage. Il étoit ainsi conçu : La loi ne considère le mariage que sous ses rapports civils et politiques (1).

L'autre définissoit ainsi le mariage : Le mariage est un contrat dont la durée est, dans l'intention des époux, celle de la vie de l'un d'eux : ce contrat peut néanmoins étre résolu avant la mort de l'un des époux, dans les cas ou pour les causes déterminés par la loi (2).

(1) Projet de Code civil, livre I.er, titre V, article 1. page 31. (2) Ibid., article 3.

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* Voyez tome I., Introduction, pag. 132 et suiv.

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