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prises des principes, de l'expérience et du dan

ger

des abus.

On dit qu'en principe « la loi doit régler seule tout ce qui concerne l'état civil, sans la coopération de l'homme, autrement que pour appliquer ce qu'elle a prescrit » (1).

On ajouta que l'expérience prouvoit qu'il n'y avoit pas d'inconvénient à s'en tenir aux principes. «< Depuis dix ans, disoit-on, on n'accorde plus de dispenses, et cependant on n'a ouï ni plaintes ni réclamations à ce sujet; on n'en trouve même aucune dans le travail des Tribunaux consultés sur le projet de Code civil, projet qui ne ressuscitoit point ce dan gereux système » (2).

On ne peut, au contraire, le rétablir sans redouter les abus. « Si, comme cela est probable, le Gouvernement, occupé des grands intérêts de l'État, délègue la faculté dont il s'agit, on doit craindre que ses préposés n'en abusent pour accorder indéfiniment des dispenses à tous ceux qui en solliciteront, et que par-là la plupart des mariages ne deviennent clandestins (3).

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Ces motifs furent réfutés.

(1) M. Berlier, Procès-verbal du 4 vendémiaire an 10, t. I.er, page 255.

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M. Regnaud, de St-Jean

· (2) Ibid., page 252; d'Angely, ibid., p. 24. (3) M. Berler, ibid., p. 252.

On opposa que le pouvoir de dispenser de la règle générale seroit inutile, si les lois pouvoient statuer matériellement sur tous les cas : mais comme jamais la loi ne pourra se plier à toutes les circonstances, il faut bien une main qui l'assouplisse↓ (1). « La loi qui n'a ni yeux ni oreilles, doit pouvoir être modifiée d'après ce que l'équité exige, suivant les circonstances et suivant les inconvéniens qu'elle produit dans les cas particuliers. On a vu des pays bien gouvernés par des hommes sans l'intervention des lois; on n'en a jamais vu régis par les lois sans le concours des hommes » (2); or « les dispenses sont nécessaires pour les mariages in extremis» (3), « pour un militaire, un ambassadeur, d'autres fonctionnaires qu'un ordre du Gouvernement force à partir sans délai, lorsqu'ils sont près de se marier » (4).

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<< L'utilité des dispenses, loin d'être contestée, a été reconnue dans tous les temps, dans tous les pays, dans tous les cultes ; il faut donc en maintenir l'usage » (5).

A l'égard des abus, ils ont sans doute existé. Autrefois on prenoit des dispenses par un sen

page 255.

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(1) M. Portalis, Procès-verbal du 4 vendémiaire an 10, t. I.“, (2) Ibid. (3) M. Tronchet, ibid., page 252. (4) M. Réal, ibid., page 253, (5) M. Portalis, ibid, p. 255.

Nota. Ils sont maintenant valables. Voyez page 282,

timent d'orgueil; on dédaignait de laisser prononcer publiquement son nom ces motifs avaient rendu très-ordinaires les dispenses de deux publications au moins » * (1); « mais ils n'existent plus » (2), « l'opinion a fait justice de la manie de prendre des dispenses par ton (3). D'ailleurs le projet prévient l'abus des dispenses indéfiniment et trop légèrement accordées, il exige des causes réelles et puissantes, lorsqu'il dit pour causes graves (4).

A

Le Conseil d'état décida qu'il y aurait dès dispenses (5).

2. QUESTION. Par qui les Dispenses devoientelles étre délivrées?

Si le Gouvernement seul eût délivré les dispenses, elles n'auroient pu être obtenues que par ceux qui l'approchent: cependant elles peuvent être nécessaires à toutes les classes de citoyens ; elles le sont partout où il y a urgence. Il ne faut donc pas rendre l'obtention des dispenses impossible au plus grand nombre de ceux qui en ont besoin. Par exemple, les marins doivent trouver dans les ports la facilité de contracter mariage avant un départ préci

(1) M. Tronchet, Procès-verbal du 4 vendémiaire an 10, t. I.er page 252. (2) Ibid. (3) M. Portalis, ibid., page 253.

(5) Décision, ibid., p. 255.

(4) M. Tronchet, ibid, page 252. * Il y avoit alors trois publications. Voyez tome II, page 108.

pité; les mœurs et l'honnêteté publique exigent aussi quelquefois qu'un mariage accéléré prévienne des scandales » (1).

Par ces raisons on proposait de déclarer « qu'au Gouvernement seul appartient le pouvoir de délivrer des dispenses dans tous les cas; mais que néanmoins il peut le déléguer » (2).

On lui auroit néanmoins « réservé exclusivement la dispense des deux publications, parce qu'elle ne doit être accordée que dans des cas très-rares et pour les plus puissantes considérations » (3); et ce réglement eût prévenu l'abus de favoriser la clandestinité des mariages, abus qu'on auroit pu craindre, si la dispense des deux publications eût été délivrée indéfiniment et à tous ceux qui l'auroient sollicitée (4).

Le pouvoir de déléguer n'auroit donc existé que pour la seconde publication (5), <«< la seule que pour l'ordinaire on solliciteroit, car rarement le mariage est assez pressé pour qu'on ne puisse pas faire une publication » (6).

Pouvant être plus souvent nécessaire, il est utile qu'elle soit accordée par des agens plus

(3) Ibid., p. 252 et 253.

(1) M. Portalis, Procès-verbal du 4 vendémiaire an 10, t. I.er, page 253. (2) M. Tronchet, ibid. (4) M. Boulay, ibid., page 252. M. Tronchet, ibid., page 253.

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(5) Ibid., page 254;

(6) Ibid., page 252.

rapprochés de ceux qui ont besoin de l'obte nir (1) elle pourroit être abandonnée au Préfet » (2).

Ces distinctions eussent été faites dans un réglement que la Section avoit l'intention de présenter (5).

Ce système fut attaqué. On trouva qu'il n'étendoit pas assez loin le droit de déléguer la concession des dispenses. « La question étoit de savoir s'il est utile que la loi ne donne qu'au Gouvernement seul le pouvoir de dispenser des deux publications » (4).

On objecta « que le cas où de telles dispenses sont nécessaires est rare sans doute; mais qu'il suffit qu'il soit possible pour que la loi doive y pourvoir » (5).

C'est surtout à l'égard des dispenses de la première publication qu'il est vrai de dire que si le Gouvernement seul les accorde, elles n'existeront réellement que pour ceux qui résident près du lieu où il siége ↓ (6); qu'elles deviendront inutiles aux autres, puisque « les délais ordinaires seroient moindres pour eux que le temps nécessaire pour les obtenir à

(1) M. Tronchet, Procès-verbal du 4 vendémiaire an 10 i. I.ex, , page 253.

- (2) Ibid., page 252. (3) M. Réal, ibid.,

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p. 253. (4) Le Consul Cambacérés, ibid., p. 254. — (5) M. Réal, ibid., page 253. (6) M. Berlier, ibid, p. 254; - Le Premier

Consul, ibid.

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