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LA Commission avoit proposé de maintenir la nullité prononcée par l'ancienne législation quant à ces sortes de mariages. L'article qu'elle présentoit étoit ainsi conçu : Le mariage fait à l'extrémité de la vie est privé des effets civils. Il est considéré comme tel lorsqu'un des conjoints se trouve atteint, à l'époque de la célébration, d'une maladie dont il meurt dans les vingt jours qui suivent. (1).

Les Cours d'appel se partagèrent entre trois opinions :

Celle d'admettre la prohibition,

Celle de la modifier par des conditions,
Celle de la rejeter.

La Cour de cassation et la Cour d'appel d'Orléans embrassoient la première (2).

Les Cours d'appel de Bordeaux et de Toulouse proposoient des modifications.

La première vouloit qu'on ne considérât pas le mariage comme fait in extremis, lorsqu'il seroit prouvé par écrit, ou du moins établi

par un commencement de preuve écrite, que, dans le temps où il jouissoit de sa santé et du libre exercice de sa raison, l'époux dé

(1) Projet de Code civil, liv. I.er, tit. V, art. 19, page 53. (2) Observations des Cours d'appel de Bordeaux, p. 61′et 62; d'Orléans, page 8.

cédé a voulu contracter le mariage, et qu'il en a été empêché par des obstacles invincibles qui subsistoient encore au moment où il s'est vu atteint de sa dernière maladie. Cette exception aux édits de 1659 et 1697, avoit été établie par la jurisprudence, adoptée par les juriscoňsultes, et paroissoit à la Cour d'une justice évidente» (1).

La seconde demandoit «que la disposition fût restreinte aux personnes qui vivoient dans le concubinage» (2).

Enfin les Cours d'appel de Bruxelles et de Lyon rejetoient purement et simplement la prohibition. « Sur quel fondement, disoit la Cour d'appel de Lyon, la législature peut-elle s'arroger le droit d'empêcher un citoyen de se marier à telle époque de sa vie qu'il veut, pourvu qu'il remplisse les formalités qu'elle prescrites? La morale, l'équité, bases nécessaires de toutes les lois, ne lui ordonnent-elles pas, au contraire, de réparer au moins, dans les derniers momens, l'injustice et l'immoralité de sa vie antérieure ? Comment, d'ailleurs, déterminer si l'homme étoit atteint ou non, à l'époque du mariage, de la maladie dont il est mort? Si elle n'a commencé que dans l'inter

(1) Observations de la Cour d'appel de Bordeaux, page 8. (2) Observations de la Cour d'appel de Toulouse, page 5.

valle des publications où le mariage étoit déjà conclu et arrêté, où il n'y manquoit que les formes, seroit-il nul ? N'est-il pas possible que le mariage lui-même ait déterminé la maladie et hâté la mort? Et que deviendra l'enfant conçu dans l'intervalle du mariage au décès?

>> Pourquoi ravir aux enfans légitimés par ce mariage, l'état que leur devoit leur père et qu'il leur a donné? La loi doit-elle livrer à des consultations de médecins, toujours conjecturales et souvent contradictoires, le sort si intéressant des individus innocens qui survivent?

>>

» Il n'est plus en France de considérations tirées de l'inégalité des rangs: on ne peut pas en faire résulter de l'inégalité des fortunes.

» Y eût-il eu concubinage antérieur, l'intérêt des mœurs est qu'il soit réparé. Peut-on le rappeler lorsqu'il est effacé par les noeuds sacrés du mariage? Peut-on l'opposer quand il n'existe plus? Est-il un seul instant où la loi qui autorise, favorise et doit favoriser la légitimation des enfans par un mariage subséquent, puisse l'annihiler? Est-il un seul instant où il puisse être prohibé d'être juste, de rendre hommage aux bonnes moeurs, de suivre le voeu de la nature, de toutes les lois, de tous les cultes

Ainsi, dans un pays libre, quand un mariage a été contracté par des personnes capables, avec les formalités voulues par la loi, on ne peut rien exiger de plus ; et le mariage est toujours valable, à quelque époque qu'il soit fait.

» Ce principe est d'autant plus admissible dans le Code, que les formalités prescrites par le Projet pour les publications des mariages, entraînent environ vingt jours d'intervalle entre la convention du mariage et sa célébration *: si l'on adoptoit l'article, il y en auroit quarante. La Cour demandoit en conséquence la suppression de l'article » (1).

La Cour d'appel de Bruxelles, en préférant la suppression de l'article, demandoit que du moins les effets civils du mariage, quant aux enfans, dépendissent de l'examen et de l'arbitrage des tribunaux, qui décideroient suivant la nature et les circonstances du fait ¶ (2). Elle observoit « qu'une foule de circonstances pourroient rendre très-injuste l'application de cet article les inconvéniens qui en résulte

(1) Observations de la Cour d'appel de Lyon, pages 22 et 23. (2) Observations de la Cour d'appel de Bruxelles, page 4.

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les

*Il faut prendre garde que la Commission n'admettoit pas dispenses, et proposoit de mettre une distance de dix jours entre chaque publication. Voyez Projet de Code civil, liv. Ior, tit. II, art 25, p. 15; - tit. V, chap. II, p. 33 et 34.

roient seroient supérieurs aux considérations qui le feroient admettre. Un tel mariage a souvent pour objet d'acquitter un engagement, de conserver l'honneur d'un des époux, et de légitimer un enfant conçu ou né sur la foi de l'union conjugale » (1).

La Section du Conseil d'état étoit unanimement d'avis que les mariages in extremis fussent déclarés valables toutes les fois qu'ils n'auroient pas été précédés de concubinage: mais ses membres différoient entre eux sur le cas où il y auroit eu un concubinage antérieur; les uns vouloient qu'alors il fût nul, les autres qu'il fût valable ↓ (2).

Au surplus, la Section ne présenta ni l'article de la Commission, ni aucun autre équivalent.

La disposition ne fut pas réclamée au Conseil d'état, et le Code Napoléon admet les mariages in extremis.

« Ce n'est pas que la considération des dangers qui les avoient fait interdire n'eût quelque poids; mais les observations de la Cour d'appel de Lyon n'admettoient pas de réponses.

» Qu'étoit-ce en effet qu'un mariage in ex

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(1) Observations de la Cour d'appel de Bruxelles, page 4. (2) M. Réal, Procès-verbal du 4 vendémiaire an 10, t. I.er, p. 253.

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