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tremis? Ici l'art conjectural de la médecine venoit ajouter aux doutes et aux incertitudes de la jurisprudence. A chaque instant un mariage légitime pouvoit être compromis, et il étoit difficile d'atteindre un mariage frauduleux. On trouve à peine, dans nos immenses recueils d'arrêts, deux ou trois jugemens intervenus sur cette matière; et ces jugemens ne font qu'attester les embarras qu'éprouvoient les Tribunaux dans l'application de la loi.

» Est-il d'ailleurs certain que cette loi fût bonne et convenable? l'équité comporte-t-elle que l'on condamne au désespoir un père mourant, dont le coeur, déchiré par le remords, voudroit, en quittant la vie, assurer l'état d'une compagne qui ne l'a jamais abandonné, ou celui d'une postérité innocente dont il prévoit la misère et le malheur? Pourquoi des enfans qui ont fixé sa tendresse, et une compagne qui a mérité sa reconnaissance, ne pourroient-ils pas, avant de recueillis ses derniers soupirs, faire un appel à sa justice? Pourquoi le forceroit-on à être inflexible, dans un moment où il a lui-même besoin de faire un appel à la miséricorde? En contemplant la déplorable situation de ce père, on se dit que la loi ne peut ni ne doit aussi cruellement étouffer la nature » (1).

(1) M. Portalis, Exposé des motifs, Procès-verbal du 19 tome II, page 225.

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IV. SUBDIVISION.

Mariage de l'Individu frappé de Mort civile.

L'ARTICLE 25 du Code décide que le condamné frappé de mort civile, devient incapable de contracter un mariage qui produise aucun effet civil *.

La Section avoit cru devoir ajouter ici une disposition pour régler la manière dont ces sortes de mariages peuvent être attaqués, c'està-dire, pour indiquer à quelles personnes il appartient où il n'appartient pas d'en demander la nullité (1).

Elle présentoit l'article suivant: La nullité résultant de ce qu'un mariage aurait été contracté par une personne frappée de condamnation emportant mort civile, peut être réclamée par l'autre époux (2).

La discussion eut d'abord pour objet de décider si le droit de faire valoir la nullité, devoit, comme le supposoit le projet de la Section, être borné à l'époux qui jouiroit de la vie civile, ou appartenir à tout tiers intéressé.

Voici les raisons par lesquelles la Section défendoit son système; le rapporteur dit que « la nullité n'est établie que pour l'intérêt de

(1) M. Tronchet, Procès-verbal du 5 vendémiaire an 10, t. I.o1, p. 269. — (2) 1,re Redaction, ch. III, sect. II, art. 7, ibid., p. 268. * Voyez tome 1.o, pages 39: et 393.

l'époux qui a été induit en erreur. L'action en nullité ne peut en effet être refusée à celui des contractans qui, croyant s'unir à un individu jouissant de ses droits, et non flétri, auroit été trompé ; mais il semble que la justice et la morale ne peuvent accorder à d'autres cette action. Si la femme, par exemple, apprend trop tard que l'époux qu'elle a accepté est un condamné mort civilement; et si cependant sa conscience, si ce qu'elle croira son honneur, celui de ses enfans, si une généreuse compassion, si un sentiment plus tendre et que la survenance d'enfans aura exalté, commandent à cette femme de rester attachée à cet époux malheureux, donnera-t-on à des collatéraux, même à des ascendans, le droit de briser des noeuds que tant d'intérêts semblent serrer? Pourroit-on surtout donner ce droit au mari? Etneregarderoit-on pas comme un infâme sacrilège l'homme dépravé qui, dans ce cas, oseroit ainsi se faire un droit de sa honte et de sa flétrissure » (1).

Il fut répondu que « la nullité du mariage étant absolue, elle peut être invoquée par tous » (2). « Un homme mort civilement ne

(1) M. Réal, Procès-verbal du 4 vendémiaire an 10, tome I.er, page 268. (2) M. Tronchet, ibid., page 269.

-

peut communiquer les droits de famille, ni par conséquent donner à ses enfans le droit de succéder à des collatéraux : il est donc inconséquent de supposer que son mariage aura des effets vis-à-vis de tiers » (1). Ainsi la restriction proposée «< contrediroit les principes adoptés sur la mort civile, laquelle retranche tellement un homme de la société, que la loi ne reconnoît pas ses enfans >>

» (2).

A la vérité il peut arriver que « l'état des enfans soit assuré par la bonne foi de l'autre époux » (3).

Mais les effets de cette bonne foi sont une exception à la règle générale. Ils sont d'ailleurs bornés à celui des deux époux qui a été trompé et à ses enfans » (4). Ainsi la possibilité d'une telle exception ne détruit pas la règle qui, rendant la nullité absolue, permet à tous ceux qui y ont intérêt de la faire valoir ↓ * (5). On fit d'un autre côté deux propositions. La première « de ne pas déterminer d'une manière absolue, par qui et dans quels délais

(1) M. Tronchet, Procès-verbal du 5 vendémiaire an 10, t. I.er, p. 268. (2) M. Regnaud ( de St.-Jean-d'Angely), Procès-verbal du 5 vendémiaire an 10, t. I.er,, p. 269. (3) M. Réal, ibid.

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*NOTA. Voyez page 288, l'usage qu'on peut faire de cette discussion.

l'action

peut

être exercée, et de laisser tous ces points à l'arbitrage du juge » (1).

Elle fut combattue par la considération ¶ qu'il ne fallait pas laisser de lacune dans un chapitre qui étoit destiné à classer et à distinguer les nullités, précaution qui, au surplus, étoit devenue indispensable, parce que les nullités n'étant plus les mêmes, les questions auxquelles donnoit lieu la distinction des nullités absolues et des nullités relatives, ne pouvoient pas, comme autrefois, être résolues par la jurisprudence (2).

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Mais ces considérations tombèrent devant les motifs sur lesquels étoit fondée la seconde proposition, qui tendoit à retrancher entièrement l'article. On observa en effet « que cet article paroissoit supposer un mariage quelconque de la part de l'individu mort civilement; qu'il seroit donc possible que ce mariage subsistat s'il n'étoit pas attaqué; qu'ainsi, il valoit mieux ne pas parler de ces sortes de mariages »> (5).

Ces réflexions frappèrent le Conseil d'état. On reconnut qu'en effet « le mariage des individus morts civilement étant privé de tout effet

(1) Le Consul Cambacérés, Procès-verbal du 5 vendémiaire an 10, t. I.er, page 269. (2) M. Tronchet, ibid. Premier Consul, ibid.

(3) Le

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