Page images
PDF
EPUB

tel attentat dégénéreroit en rapt ou en viol; il

y

auroit plus que nullité, il y auroit crime. Communément les faits de crainte qui opèrent le défaut de liberté sont des faits graves sans doute, et capables d'ébranler une ame forte, mais plus cachés et combinés avec plus de prudence que ne l'est un acte caractérisé de violence. C'est conséquemment à la personne qui se plaint de n'avoir pas été libre, à dénoncer sa situation. Quel est celui qui auroit le droit de soutenir qu'une personne n'a pas été libre, quand, malgré les apparences, elle assure l'avoir été ? Dans une affaire aussi personnelle, son témoignage ne seroit-il pas supérieur à tout autre témoignage? Le sentiment de sa liberté n'en deviendroit-il pas la preuve?

« Il y a plus, une volonté d'abord forcée, ne l'est pas toujours: ce que l'on a fait dans le principe par contrainte, on peut dans la suite le ratifier par raison et par choix. Qui seroit donc autorisé à se plaindre, quand cette personne ne se plaint pas ? Son silence ne repousse-t-il pas tous ceux qui voudroient inconsidérément parler quand elle se tait?

» Il est incontestable que le défaut de liberté peut être couvert par un simple consentement tacite. Cela étoit vrai même pour les voeux monastiques. Après un certain temps, le silence

faisoit présumer le consentement, et l'on refusoit d'écouter le religieux qui réclamoit contre son engagement. Aucun tiers n'étoit admis dans aucun temps à exercer l'action du religieux qui gardoit le silence, lorsqu'il auroit pu le rompre s'il l'avoit voulu. Or, si dans l'hypothèse du vou monastique, où il ne s'agissoit de l'intérêt du religieux, on eût craint, en donnant action à des tiers, de troubler un engagement imparfait dans son origine, mais confirmé dans la suite, au moins par le silence de la partie intéressée, comment permettroiton à des tiers de venir troubler un mariage existant, au préjudice des enfans, au préjudice des deux familles, au préjudice des époux eux-mêmes qui ne réclament pas » (1)?

que

Ce qui vient d'être dit du défaut de liberté, s'applique également à l'erreur. Il n'y a que l'époux qu'on prétend avoir été trompé, qui sache si réellement il l'a été, qui sache si, depuis, sa volonté mieux éclairée a effacé cette tache originaire.

1

(1) M. Portalis, Exposé des motifs, Procès-verbal du 19 ventôse an 11, tome II, pages 525 et 526.

NUMERO II.

La Nullité est-elle tellement restreinte aux Epoux, qu'il ne soit permis à personne de la faire valoir pour eux ou de leur chef?

POUR réduire cette question à des termes précis; il importe d'observer que les époux peuvent être mineurs, et par conséquent dans l'impossibilité d'agir; que, mineurs ou majeurs, ils peuvent venir à décéder.

Dans le premier cas, il s'agit de savoir si ceux sous la conduite desquels ils se trouvent, ont le droit de proposer de leur propre mouvement la nullité.

Dans le second, leurs héritiers qui les représentent, pourront-ils attaquer le mariage?

Examinons quelle a été l'intention du Législateur, dans l'un et dans l'autre cas.

Le mariage de mineurs qui ne réclament pas, peut-il, à défaut de consentement libre de leur part, être attaqué par leurs père, mère, aïeul ou aïeule?

La question n'est pas de savoir si, lorsque les mineurs veulent réclamer, le père peut poursuivre la nullité du mariage devant les Tribunaux; il n'y a pas de doute qu'il le peut, puisque la loi lui donne éminemment le ca

ractère de tuteur *; si le père est mort, ce droit passe à la mère avec la tutelle **; et à défaut de la mère, à l'aïeul ***.

Mais supposons que le mineur ne veuille pas réclamer. Le père, la mère, l'aïcul, auront-ils le droit de faire annuller le mariage malgré lui, et de leur propre autorité?

Le texte suffiroit pour répondre à cette question: il ne permet qu'aux époux de faire valoir la nullité ; et nous verrons dans un moment que cette limitation est pour les époux mineurs comme pour les époux majeurs.

S'il pouvoit laisser quelques doutes, ils seroient levés par le retranchement qu'on a fait d'une disposition proposée pour donner cette faculté aux ascendans.

En effet, la Section, dans la première rédaction qu'elle présenta, avoit dit que la nullité pourroit être invoquée, soit par les époux, soit par leurs père, mère, aïeul ou aïeule (1). Cette dernière phrase fut supprimée dans

la seconde rédaction (2).

(1) 1. Rédaction, chap. III, sect. II, art. 2, Procès-verbal du 4 vendémiaire an 10, tome I.er, p. 261 — (2) Rédaction présentée par M. Tronchet, chap. III, sect. II, art. 1.er, Procèsverbal du 6 brumaire an 10.

* Voyez l'art. 372 au titre De la Puissance paternelle, et l'article 389 au titre De la Minɔrité, de la Tutelle et de l'Émancipation.

[ocr errors]

Voyez l'art. 372, et l'art. 390.-*** Voyez l'art. 402.

A la vérité, son auteur supposoit que le père ne pourroit invoquer la nullité, que dans le cas où il n'auroit pas consenti lui - même au mariage.

Mais d'abord, en subordonnant à cette condition le droit de faire valoir la nullité, il étoit inutile de l'accorder au père, car l'article 182 lui offre un autre moyen de faire anéantir le mariage.

Ensuite et en général, des considérations plus puissantes encore ont décidé à le lui refuser: c'eût été s'écarter des motifs sur lesquels la restriction est fondée *.

Passons au second cas.

Au Conseil d'état, on a distingué entre l'hypothèse où les époux mourroient en minorité, et celui où ils ne décéderoient qu'après être devenus majeurs; dans cette dernière hypothèse, on refusoit aux héritiers le droit de faire valoir la nullité: dans la première, on le leur accordoit.

Voici comment cette opinion fut exposée:

<< Certainement, dit-on, tous ceux qui sont intéressés à faire annuller un mariage, ont droit de proposer les nullités dont il est affecté, et par conséquent celle qui résulte du défaut de

Voyez page 319.

« PreviousContinue »