Page images
PDF
EPUB

Le texte l'en exclut formellement, et dans le cas de la violence et dans celui de l'erreur.

La nullité n'étant relative qu'à l'intérêt de celui qui a été trompé ou forcé de consentir, elle ne peut, d'après les principes généraux qui ont été établis, être réclamée que par lui.

L'autre d'ailleurs a librement consenti; il a consenti avec une connoissance entière; il est donc irrévocablement lié.

Enfin, il est difficile que cet époux ne soit pas complice de la violence ou de l'erreur, lorsque ces moyens n'ont été employés que pour former un mariage qui étoit dans ses vues. Quoique le contraire ait pu arriver *, du moins est-ce là une présomption naturelle. Or, dans le doute, pourroit-on lui permettre de se faire un titre de son propre crime pour se dégager d'un mariage que d'abord il avoit voulu, et dont il ne peut desirer s'affranchir que par gèreté, intérêt ou dégoût? Les mœurs et l'honneur des familles se trouveroient compromis par une indulgence aussi funeste: elle encourageroit les hommes dépravés en leur offrant le moyen de se préparer une nullité pour repousser l'objet de leur affection, après que leur passion seroit éteinte.

* Voyez page 81.

Toutes ces considérations sont tellement évidentes, qu'on n'a pas même cru nécessaire de les rappeler, soit dans la discussion, soit dans l'exposé des motifs.

III. SUBDIVISION.

L'article 180 concerne les Époux mineurs, comme les Époux majeurs.

CETTE intention du Législateur a été clairement expliquée dans la discussion, et a même fait changer la première rédaction de l'article.

On l'avoit présenté dans les termes suivans: Le mariage qui a été contracté sans le consentement libre des deux époux, ou de l'un d'eux, ne peut être attaqué que par les époux, ou par celui des deux dont le consentement a été forcé, si ces époux ou cet époux étoient majeurs (i).

Au Conseil d'état, on demanda « pourquoi l'article ne statuoit pas sur le défaut de consentement des époux mineurs » (2).

L'auteur de la rédaction répondit que « ce cas étoit réglé par l'article 182 » ( 3 ), lequel autorise le père, dont le consentement n'est

(1) Rédaction présentée par M. Tronchet, chap. III, sect. II, art. I.er, Procès-verbal du 6 brumaire an 10. (2) Le Consul

[ocr errors]
[merged small][ocr errors][merged small][merged small]

pas intervenu, à attaquer le mariage de son fils mineur.

On lui observa « que l'article 182 parle du défaut de consentement des père et mère, et l'article 180, du défaut de consentement des époux eux-mêmes; qu'ainsi ces deux articles ont un objet différent » (1).

Alors il développa en entier son systême.

Il posoit sur le principe que « le mineur n'a pas réellement de volonté, puisqu'il lui faut le consentement de son père» (2): ou que du moins, si sa volonté doit aussi agir pour la formation du mariage, « elle est subordonnée à la loi qui ne lui permet pas de se pourvoir seul et par lui-même contre le mariage » (3); que, « lorsque le père n'a pas donné son consentement, il est fondé à attaquer le mariage; que, lorsqu'il l'a donné, il est non - recevable à exciper du défaut de consentement de son fils » (4).

On attaqua d'abord cette doctrine dans son principe on dit que « la loi suppose au mineur une volonté propre, puisqu'elle lui met de refuser son consentement » (5).

per

On la combattit ensuite dans ses consé

(1) Le Consul Cambacérés, Procès-verbal du 6 brumaire an 10. (2) M. Tronchet, ibid.

fermon, ibid.

[ocr errors]

(3) Ibid. — (4) Jbid. — (5) M. De

quences. « Les mineurs dont le consentement æété forcé, doivent avoir un recours quelconque» (1): autrement ils seroient obligés de porter malgré eux, jusqu'à leur majorité, les liens d'un mariage qu'ils regarderoient comme nul, et qu'ils se proposeroient d'attaquer aussitôt qu'ils seroient devenus leurs maîtres. Le père, en effet, peut être l'auteur ou le complice de la violence; on est même convenu dans la discussion que cette coaction, que j'ai nommée contrainte, vient le plus communément des familles *. Si cette complicité existe, le père. se gardera bien de détruire son ouvrage, et alors l'inaction à laquelle le mineur est réduit; perpétue l'oppression et la violence.

Il y a plus; dans cette hypothèse, il n'est plus au pouvoir du père de dégager son fils; car ce père a dû nécessairement consentir, et alors il devient non-recevable.

Cette circonstance du consentement du père peut aussi se rencontrer sans que le père ait d'ailleurs coopéré à l'erreur ou à la violence. Sa bonne volonté se trouveroit donc paralysée dans tous les cas.

Ainsi, la conséquence du systême seroit de

(1) Le Premier Consul, Procès-verbal du 6 brumaire an 10.

Vyez page 66.

laisser communément le mineur sous un joug odieux, soit que le père voulût, soit qu'il ne voulût pas le briser. Il n'obtiendroit de secours de la protection paternelle que dans l'espèce très-rare, où, d'après les précautions prises pour empêcher la clandestinité, et d'après la nature des choses, le mariage infecté de violence ou d'erreur auroit pu être contracté sans le consentement du père.

Le Conseil d'état a donc rejeté la disposition qui ne rapportoit l'article qu'aux majeurs. On a observé qu'en rayant les mots, si ces époux ou cet époux étoient majeurs, l'article embrasseroit tous les cas » (1); et ces mots ont été rayés (2).

C'est aux lois sur la procédure à régler comment le mineur peut se pourvoir directement et malgré le refus de son père.

(1) Le Consul Cambacérés, Procès-verbal du 6 brumaire an 10. (2) Décision, ibid.

« PreviousContinue »