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On opposa à ces raisons les principes de notre législation, les inconvéniens de la doctrine proposée, son inutilité.

I. Les principes seroient blessés, dit-on; 1.° « Le consentement du père et le droit de réclamer contre le mariage de son fils mineur, lorsqu'il n'y a pas consenti, sont une précaution établie, non pour l'intérêt du père, mais pour l'intérêt du fils; elle est inutile au fils devenu majeur, puisqu'alors la loi suppose qu'il est en état d'agir par lui-même, et de connoître ce qui lui est avantageux : le droit de réclamer contre son mariage ne doit donc appartenir qu'à lui seul » (1) depuis sa majorité;

2.o & Comment la loi pourroit-elle permettre au père d'attaquer le mariage après la majorité de son fils » (2), c'est-à-dire dans un temps où la puissance paternelle a cessé?

II. On ajoutoit que la doctrine proposée auroit deux inconvéniens très-graves : l'un de prolonger indéfiniment l'incertitude du mariage; « un père pourroit faire rompre le mariage de son fils, quoique celui-ci fût déjà d'un âge avancé, et marié depuis long-temps » (3):

(1) Le Premier Consul, Procès-verbal du 5 vendémiaire an 10, t. I.er,, p. 274. (2) M. Réal, Procès-verbal du 6 brumaire an 10. (3) Ibid.

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l'autre, de rétablir une cause de divorce qui devoit être proscrite; car, si les époux ne vivent plus en bonne intelligence, si le mari est devenu inconstant, on lui offre une ressource équivalente au divorce par incompatibilité ; et ce qui ajoute à l'inconvénient, c'est qu'une telle ressource n'existe que pour le mari et pour sa famille, puisque cette sorte de divorce, qui laisse la mère et les enfans dans la misère et dans l'opprobre, ne sera jamais demandée par elle ni par ses parens (1).

III. On observoit enfin que l'action du père seroit inutilement prolongée au-delà de la majorité du fils, parce que celui-ci à qui le consentement du père n'est plus alors nécessaire, rétabliroit son mariage en le contractant de nouveau : or cette même loi qui donne tant de facilités pour empêcher les mariages déraisonnables, se montre au contraire très-sévère quand il s'agit de rompre des liens formés ; elle se refuse surtout à un mal, à un scandale qui seroient inutiles dès-lors que les époux, s'ils sont en bonne intelligence, peuvent renouer le lendemain les noeuds brisés la veille, et faire ainsi un double outrage à la puissance paternelle (2): « il est dangereux et contraire aux

(1) M. Réal, Procès-verbal du 5 vendémiaire an 10, tome I.**, page 274. (2) Ibid, pages 273 et 274.

PART. Nullité par défaut de consentement du Père, etc. 357 moeurs de permettre la cassation d'un mariage qui seroit ensuite contracté de nouveau » (1).

Les adversaires du système de la Section répliquèrent,

Au premier des deux principes allégués, que « l'époux ne doit pas être reçu à revenir contre le consentement qu'il a donné étant mineur; car la loi qui admet son consentement, le répute majeur, et suppose qu'il savoit par luimême ce qui lui étoit avantageux » (2);

Au second, « qu'il faut se reporter à l'époque où le consentement étoit nécessaire. L'autorité paternelle a été blessée alors, et il en est résulté pour le père un droit que la majorité de son fils ne peut lui faire perdre » (3).

Aux autres objections, « que les inconvéniens qu'on redoute et qui seront toujours rares, ne doivent pas l'emporter sur l'utilité de maintenir le respect dû à l'autorité paternelle »> (4).

Cependant parmi ces inconvéniens il en étoit un auquel il falloit pourvoir; c'étoit celui de laisser planer une incertitude éternelle sur le sort du mariage et des enfans.

Aussi ne s'opposoit-on pas à ce que l'excep

(1) M. Réal, Procès-verbal du 5 vendémiaire an 10, tome I.er, page 274. — (2) Ibid. — (3) M. Regnier, Procès-verbal du 6 brumaire an 10. (4) M. Portalis, ibid.

tion résultant de la majorité pût être invoquée contre les ascendans et contre la famille : ¶ on vouloit seulement qu'elle ne fût pas acquise du jour où l'époux seroit devenu majeur, et que la nullité subsistât encore pendant un délai assez long pour que les ascendans et la famille eussent le temps de réclamer ↓ (1).

Mais le Conseil d'état ayant en général et dans tous les cas, soit celui de la majorité, soit celui de la minorité, limité l'action au terme d'un an, l'incertitude se trouvoit bien plus promptement dissipée que si l'on n'eût fait courir le délai qu'à partir de la majorité.

Le Conseil se borna donc à décider que la majorité de l'époux n'éteindroit pas l'action des ascendans ni de la famille, et la soumit d'ailleurs au délai dont il vient d'être parlé.

On demandera pourquoi la disposition est étendue à la famille? Elle n'a plus à s'occuper des intérêts de l'époux dès qu'il est devenu majeur; elle n'a pas, comme le père, à maintenir et à venger une autorité dont la durée morale va beaucoup plus loin que la durée civile, ou plutôt est indéfinie.

Mais ce n'est pas par les mêmes motifs que

(1) M. Maleville, Procès-verbal du 5 vendémiaire an 10, 1. I.er, page 273; Le Consul Cambaçérés, ibid, page 274.

l'exception ne peut lui être opposée ; c'est parce que dès qu'on avoit jugé nécessaire d'exiger son consentement à défaut d'ascendans, on ne devoit pas plus rendre cette disposition illusoire à son égard qu'à l'égard du père, et que cependant, comme il a été observé, elle le fût devenue si l'avènement de la majorité avoit anéanti l'action, même à l'égard du mariage contracté peu de jours auparavant,

III. PARTIE,

DES NULLITÉS RÉSULTANT DU DÉFAUT D'AGE, D'UN MARIAGE ENCORE EXISTANT DE LA PA

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RENTÉ OU DE L'AFFINITÉ. (Articles 184, 185, 186, 187, 188, 189 et 190.)

Les articles compris dans cette troisième partie déterminent trois choses:

Par qui les nullités auxquelles ils se rapportent, peuvent être proposées;

Quelles fins de non-recevoir sont admises contre ces nullités;

Dans quel temps et dans quelles circonstances les diverses personnes qui ont le droit de faire valoir les nullités, sont reçues à les invoquer.

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