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Ire DIVISION.

Par qui les Nullités résultant du défaut d'áge, d'un mariage existant, de la Parenté ou de l'affinité, peuvent être proposées.

ARTICLE 184.

Tour mariage contracté en contravention aux dispositions contenues aux articles 144, 147, 161, 162 et 163, peut être attaqué soit par les époux eux-mêmes, soit par tous ceux qui y ont intérêt, soit par le ministère public.

Les nullités qui dérivent du défaut d'âge, de l'existence d'un premier lien, et de l'empêchement de consanguinité, sont d'une autre nature que les nullités précédentes: elles intéressent l'ordre public et les bonnes moeurs; elles ne sont pas uniquement relatives à l'intérêt privé des époux; elles sont liées aux principes de l'honnêteté publique » (1).

En conséquence, l'article 184 ouvre l'action en nullité,

Aux époux,

Aux tiers intéressés,

Au ministère public.

(1) M. Portalis, Exposé des motifs, Procès-verbal du 19 ventôse an 11, tome II, page 538.

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IL

Ire SUBDIVISION.

Des Époux.

Il peut paroître étrange, au premier aspect, que la loi accorde aux époux qui l'ont violée,

le droit de se faire un titre de leur désobéissance, pour céder à l'inconstance ou à la légèreté.

Mais ce n'est ni l'inconstance ni la légèreté que la loi veut favoriser, c'est le repentir, c'est surtout l'ordre public.

De ce que des individus l'ont blessé, s'ensuit-t-il qu'il faille les réduire à le blesser toujours, les forcer de vivre à jamais dans un concubinage qui leur répugne, les exposer à donner le jour à des êtres malheureux dont la légitimité et l'état seront à jamais précaires? Et quand même ce seroit l'inconstance ou la légèreté qui les feroit revenir sur leurs pas, toujours est-il vrai que le scandale cesse; que l'outrage fait à l'ordre public se trouve réparé. Pourquoi scruter les motifs et sonder les coeurs, lorsqu'au dehors nous ne voyons que l'accomplissement d'un devoir?

Ces principes, qui s'appliquent à toutes les nullités absolues, ont été particulièrement établis à l'égard du mariage entaché de bigamie;

et l'on a eu occasion aussi d'expliquer comment la bigamie, qui est un crime dont les lois pénales déterminent le châtiment, peut cependant devenir la base d'une action en nullité qui, de sa nature, est purement civile.

La

En effet, dans sa première rédaction, la Section s'écartant du Projet de la Commission, qui donnoit aux deux époux le droit de faire valoir la nullité résultant de la bigamie (1), l'avoit réservé à l'époux qui étoit libre. L'article qu'elle proposoit étoit ainsi conçu nullité résultant de ce qu'un mariage auroit été contracté avant la dissolution légale d'un premier mariage d'un des époux, peut étre réclamée par l'époux qui étoit libre, par ses père et mère, ou aïeul et aïeule, et par le ministère public (2). Ni la Commission ni la Section ne s'étoient, au surplus, occupées de l'époux au préjudice duquel le second mariage auroit été contracté.

Au Conseil d'état, cette rédaction fut attaquée sous deux rapports différens.

On lui reprocha de « trop resserrer le droit de réclamer la nullité du second mariage; il doit appartenir non seulement à celui des époux

(1) Voyez Projet de Code civil, livre I.er, tit. V, art. 34, page 36. (2) 1. Rédaction, ch. III, sect. II, art. 5, Procès verbal du 4 vendémiaire an 10, tome I., page 266.

qui se trouvoit lié par le premier mariage, mais encore aux enfans qui en sont issus, et même au bigame; car il faut qu'il puisse réparer le délit qu'il a commis » (1).

On lui reprocha encore de donner à une nullité absolue le caractère d'une nullité relative. «<La bigamie est un crime, dit-on; on ne peut donc attribuer aucun effet au mariage contracté au préjudice d'un premier mariage légal subsistant. Ouvrir alors une action à telle ou telle personne, c'est supposer que ce second mariage a besoin d'être attaqué pour être nul: il l'est de plein droit » (2).

Ainsi, d'un côté, on pensoit que la Section n'avoit pas été assez loin en n'accordant pas au bigame lui-même et à ses enfans la faculté de faire annuller le mariage; de l'autre, on prétendoit qu'elle avoit été trop loin en supposant que le mariage d'un bigame subsiste tant qu'il n'est pas cassé, et peut devenir l'objet d'une autre procédure que d'une instruction criminelle.

La Section, pour répondre à la première objection, développason système. Elle dit « qu'il seroit inconvenant qu'une femme, que des en

(1) M. Bigot-Préameneu, Procès-verbal du 4 vendémiaire an 10, tome I.er, page 266. • (2) Le Ministre de la justice, ibid.

fans, eussent une action criminelle contre leur mari ou leur père; qu'il ne le seroit pas moins que le bigame pût venir arguer de sa propre turpitude; et que, pour éviter ces inconvé niens, elle avoit cru devoir autoriser le ministère public à intervenir, parce que toutes ces personnes à qui la pudeur semble interdire la faculté d'actionner, pourroient exciter la partie publique » (1).

Cette réponse et la seconde objection furent réfutées par le même raisonnement. On soutint que « l'action civile contre le second mariage doit être ouverte à tous ceux qui ont intérêt de l'attaquer. En effet, si le premier mariage étoit vicieux, le second seroit régulier; et le second n'est vicieux que lorsque le premier ne l'est pas; ainsi le débat peut s'ouvrir sur cette double question, qui, sous ce rapport, est purement civile. Le délit de celui qui est devenu bigame, du moins par l'intention, présente une question différente, laquelle seule appartient au droit criminel » (2). On ajouta ¶ que ces motifs justifioient la première objection et la proposition qui en est la suite ¶ (5).

L'auteur de l'objection combattue se rendit à ces raisons (4).

(1) M. Emmery, Procès-verbal du 4 vendémiaire an 10, t. I.or, page 266. —(2) M. Portalis, ibid. — (3) Ibid. — (4) Le Ministre de la justice, ibid.

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