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Il se borna à attaquer la rédaction, parce que, dit-il, dit-il, elle ne présentoit pas le sens qu'on venoit de lui donner, et qu'elle étoit trop générale; et il proposa de dire, avant la dissolution légale d'un premier mariage. déja atTAQUÉ (1).

On lui répondit «qu'un mariage peut être nul sans être attaqué, et que, conséquemment, si on contracte un second mariage, ce second mariage n'est annullé qu'autant qu'à l'époque où l'on réclame contre sa validité, on est autorisé à faire prononcer la nullité du premier »> (2).

La première objection, et l'amendement qui en étoit la conséquence, furent adoptés (3).

Dans la rédaction subséquente ( 4 ) qui est celle de l'article 184, on a exprimé la disposition en termes beaucoup plus généraux, en donnant indéfiniment le droit de faire valoir la nullité à tous ceux qui y ont intérét ; ce qui embrasse le bigame, l'autre époux et l'époux délaissé.

(1) M. Le Ministre de la justice, Procès-verbal du 4 vendémiaire an 10, t. I.er, p. 267. — (2) M. Portalis, ibid.

(3) Décision, ibid. (4) Rédaction présentée par M. Tronchet, ch. III, sect. II, art. 6, Procès-verbal du 6 brumaire an 10.

II, SUBDIVISION.

Des Tiers intéressés.

Tous ceux qui ont intérêt à attaquer le mariage, y sont admis par l'article 184. Le principe est clair; mais l'application peut présenter des difficultés, si l'on ne conçoit bien quel est cet intérêt qu'exige ici la loi.

Dans les autres affaires, elle n'a égard qu'à l'intérêt pécuniaire; seul il peut être la base d'une action:

Dans la matière du mariage, elle a égard,

A l'intérêt d'affection, d'honneur et de direction, qui se rencontre dans les ascendans et dans sa famille;

A l'intérêt de propriété, de moeurs et de devoir qu'a l'époux délaissé de venir revendiquer un nom, un titre, des droits qu'un second mariage lui enlève, et de ne pas souffrir que les moeurs et la loi continuent de recevoir des outrages dont le cours peut être arrêté par lui ;

Enfin, à l'intérêt pécuniaire d'héritiers que des enfans illégitimes privent d'une succession que la loi leur défère.

Je n'ai plus rien à dire sur l'époux du bigame, d'après les explications qui viennent d'être données dans la subdivision précédente; mais je dois m'arrêter sur les ascendans et la famille, et sur les collatéraux.

NUMERO I.er

Des Ascendans et de la Famille.

La loi feroit de la demande en nullité de mariage une action populaire, si elle l'accordoit à tous ceux qui prétendroient agir par un mouvement d'affection pour les époux : elle offriroit aux passions les plus basses, un masque sous lequel elles pourroient impunément se satisfaire.

Mais de même qu'elle ne permet qu'aux magistrats, à l'impartialité desquels elle confie les importantes fonctions du minisere public, de faire valoir contre les mariages la grande raison de l'intérêt général, elle ne permet aussi qu'aux personnes dont la tendresse pour les époux n'a rien de suspect, de faire valoir l'impulsion de ce sentiment.

Ces personnes sont le père, la mère, l'aïeul, l'aïcule toujours les Législateurs ont aimé à croire à leur tendresse.

:

C'est encore la famille en qui la loi, lorsqu'à défaut d'ascendans elle lui remet la direction de son parent mineur, suppose, sinon une affection aussi vive, aussi pure que dans un père, du moins l'attachement qu'une origine commune doit naturellement produire entre les hommes.

Ces nuances cependant ont fait établir une différence entre les ascendans et la famille quant au droit d'attaquer un mariage irrégulier.

La famille conserve ce droit tant qu'elle conserve la direction de l'époux ; il lui appartient de veiller sur lui, de réclamer pour lui, tant que la foiblesse de son âge, son inexpérience, l'égarement des passions, le font présumer incapable d'écouter toujours les conseils de la raison et de la prudence. Mais ce pouvoir de direction cesse avec la minorité qui l'a fait établir. De ce moment, la loi ne voit plus dans les membres de la famille des guides et des protecteurs d'un foible orphelin : elle n'y voit désormais que des adversaires, que des collatéraux, dont les intérêts sont opposés à ceux de l'époux ; et «< ces intérêts ne peuvent être que pécuniaires » (1). Dès-lors plus de droit pour eux d'attaquer, par voie d'autorité, le mariage: s'il est nul, ce n'est plus au nom de l'époux, c'est contradictoirement avec lui, c'est comme parties adverses, que les membres de la famille, ou plutôt chacun d'eux peut en demander la dissolution; l'article 187 trace, pour ce cas, les règles de leur conduite *.

(1) M. Tronchet, Procès-verbal du 5 vendémiaire an 10, t. I."',

page 270.

* Voyez pages 395 et suiv.

Il n'en est pas de même des ascendans; ils ont un intérêt d'une autre nature que les collatéraux (1). Sans doute, le pouvoir de direction est, pendant le premier âge de leur fils, uni en eux à l'intérêt d'affection; sans doute qu'il leur est permis, et même bien plus éminemment qu'à la famille, de le déployer contre un mariage vicieux. Cependant la minorité passe, et ce pouvoir s'évanouit: mais l'intérêt d'affection demeure; il est aussi indestructible que la qualité de père mais l'intérêt d'honneur subsiste; le chef d'une famille ne peut voir avec indifférence un de ses enfans la perl'inceste et par la bigamie.

pétuer par

Il s'agit d'examiner si le Législateur a jugé ces causes assez puissantes, pour attribuer au père ou aux autres ascendans qui tiennent sa place, le droit d'arracher son fils, même majeur, au scandale d'un engagement odieux, et à la réprobation de la loi; s'il a voulu comprendre l'ascendant d'un époux majeur dans la classe de ceux qui ont intérêt de faire rompre le mariage, et lui attribuer par suite le droit de l'attaquer, ou si ce droit ne subsiste que pendant la minorité du fils.

(1) M. Tronchet, Procès-verbal du 5 vendémiaire an 10, tome I.er, page 270.

Tome III.

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