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Pour pénétrer les intentions de la loi, recourons à la discussion.

La Commission avoit résolu affirmativement la question qui nous occupe; elle disoit : Les père, mère, aïeul et aïeule, peuvent demander la nullité du mariage DANS LE CAS OU LEUR CONSENTEMENT N'ÉTOIT PAS NÉCESSAIRE et où il n'a pas été donné (c'est-à-dire dans le cas de la majorité), si le mariage a été contracté en contravention aux articles 8, 17 et 18*. Ils le peuvent encore dans le cas de l'article 4** (1).

La Section s'expliquoit d'une manière non moins précise; elle disoit : La nullité résultant de ce qu'un mariage auroit été contracté avant la dissolution légale d'un premier mariage d'un des époux, peut étre réclamée par l'époux qui étoit libre, par ses père et mère, ou aïeul et aïeule, et par le ministère public (2).

La nullité résultant de ce qu'un mariage auroit été contracté entre parens ou alliés aux degrés prohibés, peut étre réclamée par les époux ou l'un d'eux, par leurs père et mère, ou aïeul et aïeule, par leurs frères et sœurs, et

(1) Projet de Code civil, liv. I.er, tit. V, art. 38, p. 36. (2) 1. Rédaction, chap. III, section II, article 5, Procès-verbal du 4 vendémiaire an 10, tome I.**, page 266.

* Nota. C'étoient les articles qui établissoient l'empêchement résultant d'un mariage qui subsiste encore, et celui de la consanguinité.

** Nota. C'étoit l'article qui prescrivoit le mariage de l'impubère.

méme par le ministère public, dans le cas où il n'échoit pas d'accorder des dispenses (1).

Le Conseil d'état adopta les deux articles (2). On observera

Qu'ils ne faisoient aucune distinction entre le mariage du mineur et celui du majeur;

Qu'ils accordoient le droit de l'attaquer aux aïeuls et aïeules, à qui l'on n'a jamais même proposé de donner la puissance paternelle.

Il suffit de peser ces deux circonstances pour découvrir le système que le Conseil d'état admit, en adoptant les deux articles de la Section.

Il décida évidemment que le droit d'attaquer le mariage dans les cas dont il s'agit, ne dérive pas de la puissance que le père exerce sur son fils mineur; qu'il est une prérogative essentiellement inhérente à la qualité d'ascendant, prérogative fondée sur l'intérêt d'affection; que dès-lors il subsiste même après la majorité du fils; qu'ainsi les ascendans peuvent dans tous les temps faire valoir les nullités qui résultent de l'existence d'un premier mariage et de la consanguinité *.

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(1) Art, 6, Procès-verbal du 4 vendémiaire an 10, t. Ier, p. 2671 ̧ ̧ (2) Décision, ibid.

* Nota. Je n'ai pas parlé de la nullité produite par l'impuberté, parce que la question ne sauroit se présenter sous ce rapport. Il est impossible en effet que cette nullité s'étende jusqu'à la majorité z puisqu'elle commence avant dix-huit ans au plus tard, elle ne peut, d'après l'art. 185, subsister au-delà de dix-huit ans et demi.

A la vérité, dans ce dernier cas, le même droit étoit accordé aux frères et sœurs.

Mais cette disposition, qui, d'ailleurs ne s'étendoit pas à toutes les hypothèses où la faculté d'attaquer le mariage étoit assurée aux ascendans, prouveroit seulement qu'on avoit d'abord considéré les frères et soeurs comme ayant aussi cet intérêt d'affection qui fait agir les pères et mères, aïeuls et aïeules: elle ne ruineroit donc pas les conséquences qu'on doit tirer de l'article.

Au reste, le Législateur l'a dans la suite formellement retranchée, en exigeant par l'article 187 que nuls collatéraux ne seroient admis à se prévaloir de l'article 184, s'ils n'avoient un intérêt pécuniaire à attaquer le mariage. Et prenons garde que cette condition n'est pas exigée pour les ascendans.

Mais depuis, la rédaction des deux articles. a été changée. On s'est réduit à cette formule générale: Le mariage peut être attaqué par tous ceux qui y ont intérêt. S'ensuit-il que le Conseil d'état ait également changé de système, et voulu refuser aux ascendans, après la majorité du fils, l'action qu'il leur avoit d'abord accordée ?

Le texte n'indique pas ce changement d'intention, mais il ne l'exclut pas non plus; il

laisse la question indécise; en s'arrêtant à la lettre, on ne voit pas si l'intention des auteurs de la loi a été de comprendre les ascendans dans la classe de ceux auxquels ils supposent un intérêt, ou de les en retrancher.

La vérité est qu'on n'a changé la rédaction que pour la simplifier; que la crainte de ne pas rappeler tous ceux qui peuvent avoir intérêt à attaquer le mariage, a fait supprimer l'énumération des personnes à qui l'action seroit ouverte, et qu'on s'est borné à les désigner d'une manière générale; mais que le Conseil d'état n'a pas entendu déroger aux principes qu'il avoit précédemment adoptés.

Au surplus, cette question n'est pas, dans l'application, d'un aussi grand intérêt qu'elle le paroît au premier coup d'oeil. Le père n'a pas besoin d'une autorité qui lui soit propre, pour retirer son fils d'un mariage incestueux ou entaché de bigamie: il peut mettre en mouvement le ministère public, qui est obligé d'agir aussitôt que les faits lui sont déférés par qui que ce soit.

NUMÉRO II.

Des Héritiers.

LA Commission avoit rendu la disposition

commune aux héritiers directs et aux héritiers collatéraux (1).

Ces héritiers directs ne pouvoient être que les ascendans et les enfans issus d'un premier mariage, car ceux qui étoient nés d'un mariage irrégulier, n'avoient intérêt qu'à le défendre.

Les ascendans peuvent sans doute contester le mariage comme ascendans; mais ils peuvent aussi l'attaquer comme héritiers, si, à défaut d'enfans légitimes de leurs fils, ils se trouvent en tour de lui succéder.

Ce droit devoit leur être réservé, sur-tout dans le cas où ils ont gardé le silence pendant la vie de leurs enfans, et où cependant ils se présentent après leur mort pour recueillir leur

succession.

Il est nécessaire encore à ceux des ascendans qui n'ayant pas pu réclamer pendant la vie du fils, se trouvent appelés à sa succession. Par exemple, le père et l'aïeul vivent tous deux; le père meurt sans avoir demandé la nullité du mariage: l'aïeul, qui acquiert par cet événement qualité pour l'attaquer comme ascendant, se dispose à user de son droit; mais la mort précipitée du fils prévient les poursuites : l'aïeul ne peut plus alors faire valoir la nullité que dans la qualité d'héritier.

(1) Voyez Projet de Code civil, liv. Ier, tit. V, art 39, p. 56.

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