Page images
PDF
EPUB

Mais il est encore d'autres intérêts qui donnent aussi le droit de demander la nullité des mariages: je les ai définis ailleurs *.

1

Tous ne procèdent pas d'une cause également favorable; quelquefois ils n'existent pas encore, quelquefois ils n'existent plus on pourroit douter du moins à quel moment ils doivent être écoutés. Il falloit des règles sur toutes ces choses, et le Code Napoléon les donne en fixant les époques et les circonstances où il est permis aux collatéraux, aux enfans d'un premier mariage, à l'époux délaissé et à la partie publique, de présenter leurs réclamations.

1.re SUBDIVISION.

A quelle époque les Collatéraux et les Enfans issus d'un premier mariage peuvent proposer les Nullités.

ARTICLE 187.

DANS tous les cas où, conformément à l'article 184, l'action en nullité peut être intentée par tous ceux qui y ont un intérêt, elle ne peut l'être par les parens collatéraux, ou par les enfans nés d'un autre mariage, du vivant des deux époux, mais seulement lorsqu'ils y ont un intérêt né et actuel.

L'ARTICLE 187 ne concerne que les collatéraux et les enfans issus d'un premier mariage.

* Voyez pages 366 et suiv.

D'autres tiers, cependant, sont appelés par l'article 184 à faire valoir les mêmes nullités.

On conçoit facilement pourquoi l'article qui nous occupe ne parle pas de l'époux délaissé : ce qui le regarde est réglé par les deux articles suivans.

Mais par quel motif ne comprend-il pas les ascendans dans sa disposition!

La distinction qu'il fait entre eux et les individus auxquels il s'applique, vient de la différence de l'intérêt qui peut mettre en mouvement les uns et les autres, et qui peut être la base de leur action.

La nature de l'intérêt qui autorise les collatéraux, ou les enfans issus d'un premier mariage, à réclamer, est aussi la cause qui empêche d'admettre leur demande du vivant des époux.

Enfin, c'est par le même principe qu'on parvient à discerner s'ils sont obligés d'attendre le décès des deux époux, ou s'ils peuvent former leur demande après la mort de celui dont ils sont parens.

Ainsi, pour résoudre ces difficultés, et aussi pour dévoiler l'esprit de l'article, il est nécessaire de bien définir d'abord la nature de l'intérêt qui est écouté dans des collatéraux et dans des enfans issus d'un premier mariage.

NUMERO I.er

L'intérêt pécuniaire est le seul qui puisse faire valoir les Collatéraux ou les Enfans d'un premier lit pour attaquer le mariage.

L'INTÉRÊT d'affection, de direction et d'honneur ne peut être invoqué par eux. «Ils n'ont point de magistrature domestique à exercer sur des individus qui ne sont pas confiés à leur sollicitude; ils n'ont pour eux ni l'autorité de la loi, ni le préjugé de la nature » (1);

Ils ne revendiquent pas, comme l'époux délaissé, leur état et des droits sacrés;

Ils ne sont pas chargés du maintien de l'ordre public: ce n'est point aux particuliers, c'est à des magistrats de son choix que la loi remet le soin de l'intérêt social.

Reste donc l'intérêt pécuniaire; et en effet, cet intérêt est le seul qui fasse agir les collatéraux et les enfans issus d'un premier mariage: « l'espérance d'accroître leur patrimoine ou leur fortune, est le seul mobile de leur démarche ; cette espérance seule les anime » (2); ¶ c'est aussi le seul intérêt que la loi leur permette de faire valoir (3).

(1) M. Portalis, Exposé des motifs, Procès-verbal du 19 ventôse an 11, tome II, page 529. — (2) Ibid. ·(3) M. Tronchet, Procès-verbal du 5 vendémiaire an 10, t. I., page 270.

<< Ils ne peuvent, sans doute, être écoutés favorablement »>(1) « dans une question d'état»(2); mais comme la loi leur doit du moins une stricte justice, elle est obligée d'empêcher que la succession, qu'elle les appelle à recueillir, ne soit envahie par des enfans nés d'un mariage irrégulier, et qui, à ses yeux, sont étrangers à la famille (3).

NUMERO II.

La nature de cet intérêt oblige de leur accorder l'Action en nullité, méme lorsqu'il y a des Enfans issus du mariage.

On voit maintenant pourquoi la proposition faite par la Cour de cassation n'a pas été

admise.

Cette Cour vouloit que les collatéraux et les enfans d'un premier lit ne fussent pas reçus à attaquer le mariage, s'il existoit un enfant qui en fût issu. «< Lorsqu'un mariage est dissous, disoit-elle, le scandale qui peut résulter de la cause qui le rendoit nul étant cessé, l'intérêt de la légitimité de l'enfant, s'il y en a, ne doit pas permettre la réclamation des héritiers, et

(1) M. Portalis, Exposé des motifs, Procès-verbal du 19 ventôse an 11, t. II, p. 529. (2) M. Bouteville, Tribun. Tome 1., page 375. (3) Ibid.

[ocr errors]

la mort de cet enfant ne peut la faire revivre ; car il ne peut avoir été légitime, et ensuite, l'union à laquelle il a dû sa naissance, être déclarée nulle. Ainsi, l'époux survivant peut seul être attaqué par des héritiers directs ou collatéraux de l'époux décédé; et il ne peut l'être qu'autant qu'il n'y a point d'enfans au moment du décès» (1).

La Cour de cassation « admettoit cependant une exception pour le cas où l'héritier se trouve un ascendant, sans le consentement nécessaire duquel le mariage a été célébré. Il ne faut pas qu'il ait un descendant, un héritier qui lui auroit été donné sans son consentement que requéroit la loi » (2).

Mais loin que l'existence d'un enfant doive éteindre l'action des héritiers, c'est au contraire parce qu'il existe ; c'est parce qu'ils ont intérêt à lui contester la succession pour défaut de légitimité, qu'ils sont reçus à faire prononcer la nullité du mariage; car ils n'ont pas qualité pour le critiquer en lui-même. Si donc il n'y avoit pas d'enfant, si le mariage ne changeoit pas l'ordre dé leur vocation et leurs droits, ils n'auroient pas intérêt de l'attaquer, et dèslors ils n'y seroient pas reçus.

(1) Observations de la Cour de cassation, p. 70.

(2) Ibid.

« PreviousContinue »