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NUMÉRO III,

La nature de leur intérêt ne permet pas de leur donner Action du vivant de l'Epoux dont ils sont héritiers.

MAIS pour que les personnes dont il s'agit

ici puissent faire valoir cet intérêt, il faut qu'il existe; il faut, suivant l'expression de la loi, qu'il soit né et actuel.

Or il ne naît, il n'est actuel qu'au moment où la succession s'ouvre, c'est-à-dire, à la mort de l'époux à la succession duquel des collatéraux se trouvent appelés s'il ne laisse pas d'enfans légitimes; ou que recueillent les enfans du premier mariage, s'ils ont seuls l'avantage de la légitimité. La vocation à une succession est une espérance et non un titre. La qualité d'héritier n'est acquise qu'au moment où s'ou vre l'hérédité.

Les collatéraux et les enfans d'un premier lit n'ont donc ni titre ni qualité pour discuter le mariage, tant que vit l'époux auquel ils sont appelés à succéder.

A ce principe doivent céder les considérations qu'on a fait valoir pour les obliger à attaquer le mariage du vivant des époux. «Il est étonnant, a-t-on dit, qu'on admette les collatéraux à contester le mariage, seulement après

sa dissolution; c'est au contraire pendant la vie des époux, et lorsqu'ils peuvent se défendre, sur-tout dans le cas d'une union prétendue incestueuse, que les collatéraux pourroient réclamer; mais après la mort, peut-on être admis à attaquer l'état de celui qui ne peut se défendre; à priver de leur état des enfans qui le possèdent de bonne foi, qui certainement ne sont pas complices des fautes des auteurs de leurs jours, qui ignorent leurs moyens de défense? Si la nullité est fondée, le silence perfide qui l'a laissé naître, n'est-il pas une sorte de complicité? Si on admet l'action des collatéraux, si on admet une action quelconque en nullité de mariage, elle doit être exercée pendant sa durée, absolument éteinte et prohibée après sa dissolution » (1).

Ces raisons sont très-fortes elles devroient l'emporter, s'il étoit permis de se décider ici par des considérations. Mais ce sont les principes qui doivent guider : ils seroient intervertis, s'il étoit permis aux collatéraux de faire valoir un intérêt qui n'existe pas encore, qui peut-être n'existera jamais, car l'ordre de succéder peut changer avant la mort des époux. L'action des collatéraux changeroit de nature;

(1) Observations de la Cour d'appel de Lyon, page 24. Tome 111.

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elle ne seroit plus fondée sur leur intérêt, mais sur les raisons qui ont fait investir les ascendans et le ministère public du pouvoir d'attaquer le mariage, pouvoir trop imposant pour être remis à d'autres mains qu'à celles d'un père plein de tendresse, ou d'un magistrat dont le zèle est tempére par la plus entière impartialité.

Les collatéraux et les enfans issus d'un premier mariage «< ne doivent donc se montrer que lorsqu'il s'agit de savoir s'ils sont exclus d'une succession par des enfans légitimes, ou s'ils sont fondés à contester l'état de ces enfans, et à prendre leur part dans cette succession. Hors de là, ils n'ont point d'action » (1).

NUMERO IV.

La nature de leur intérêt ouvre l'action aussi

tôt après la mort de l'Époux dont ils héritent, quoique l'autre Époux soit vivant.

Le même principe répond à cette question: n'est-ce qu'après la mort des deux époux, ou seulement après celle de l'époux dont ils sont parens, que les collatéraux et les enfans d'un premier lit peuvent attaquer le mariage?

Si cette expression du texte, du vivant des

(1) M. Portalis, Exposé des motifs, Procès-verbal du 19 venlose an 11, tome II, page 529.

deux époux, peut laisser quelque incertitude aux personnes moins attentives, le doute disparoît devant ce qui suit, mais seulement lorsqu'ils ont un intérét né et actuel; car il est évident que l'intérêt de réclamer la succession, est né et actuel aussitôt après la mort du parent, et que la mort de l'autre époux n'influe ici pour rien.

Au reste, cette idée avoit été très-clairement exprimée par la Commission. Elle disoit :

Les héritiers directs ou collatéraux ne sont pas recevables à attaquer de nullité le mariage pendant la vie du conjoint dont ils sont parens; et ils ne le peuvent AU DÉCÈS DE CE CONJOINT, qu'autant qu'ils y ont un intérét civil et personnel (1).

La rédaction a changé, mais le système est resté le même, et la nouvelle rédaction le rappelle suffisamment.

NUMÉRO V.

Pourquoi l'article 187 ne comprend pas les Héritiers ascendans dans ses dispositions.

ENFIN, ce principe nous découvre pourquoi les ascendans n'ont pas été compris dans la disposition.

(1) Projet de Code civil, fiv. I.er, tit. V, art. 39, p. 36 et 37.

Ils peuvent aussi se trouver héritiers, et en cette qualité, avoir accidentellement un intérêt pécuniaire à faire annuller un mariage qui les empêche de succéder à leurs fils; mais, et je l'ai déjà dit*, ils ont en outre un intérêt permanent, ¶ et d'une autre nature↓ (1), un titre beaucoup plus respectable **, qu'il leur est permis de faire valoir du vivant des epoux, ou plutôt qu'ils ne peuvent faire valoir qu'alors; car si le mariage vient à se dissoudre, le scandale et l'infraction à la loi ayant cessé,

il

y a lieu d'appliquer cette règle, que l'action en nullité doit etre exercée pendant la durée du mariage, absolument éteinte et prohibée après sa dissolution; règle exacte en soi: mais à laquelle la Cour d'appel de Lyon donnoit trop d'étendue, en la faisant porter sur d'autres actions que sur celles qui sont accordées pour l'intérêt des mœurs et de l'ordre public ***.

On ne devoit donc pas confondre les ascendans avec ceux dont l'intérêt purement pécuniaire n'est ouvert que par la mort de l'un des conjoints, et qui, jusque là, ne sont point admis à réclamer. Il falloit, au contraire, ne

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(1) M. Tronchet, Procès-verbal du 5 vendémiaire an 10, t. I.",

page 270.

* Voyez p. 394. -** Voyez p. 36g.

***

Voyez p. 400 et suiv.

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