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porter, qu'il a aimé long-temps à donner à sa compagne, doivent céder, lorsqu'il n'y a pas d'acte de célébration, à des considérations supérieures, à l'intérêt des moeurs, à l'ordre public; rien au contraire ne balance leur force, quand il existe un acte quelconque de mariage. Que des tiers ne soient pas obligés de s'en contenter, s'il est irrégulier, ils le peuvent sans blesser la bonne foi; mais que des époux, dont après tout l'intention de s'unir est du moins attestée dès qu'il existe un acte quelconque aussi vicieux qu'il puisse être ; que des époux qui ont confirmé cette intention en se donnant mutuellement les noms de mari et de femme, se prévalent de quelques défauts de forme, qui d'ailleurs sont de leur fait, pour nier la foi jurée, pour rompre un noeud en soi iudissoluble, c'est un scandale et une perfidie que la loi ne peut pas favoriser: trop heureux pour ces par jures qu'elle s'abstienne de les punir!

Cette facilité accordée à la mauvaise foi << seroit dangereuse sur-tout après une longue révolution, pendant le cours de laquelle beaude François se sont mariés en pays étranger: beaucoup ont négligé de remplir les formes prescrites pour les actes de l'état civil » (1).

coup

(1) Le Consul Cambacérés, Procès-verbal du 6 brumaire an 11, tome II, page 110.

Tome 111.

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11. SUBDIVISION.

Comment et sous quelles conditions la Posses sion d'état des Époux profite à leurs enfans.

ARTICLE 197.

Si néanmoins dans le cas des art. 194 et 195, ilexiste des enfans issus de deux individus qui ont vécu publiquement comme mari et femme, et qui soient tous deux décédés, la légitimité des enfans ne peut être contestée sous le seul prétexte du défaut de représentation de l'acte de célébration, toutes les fois que cette légitimité est prouvée par une possession d'état qui n'est point contredite par l'acte de naissance.

Le principe que la possession d'état des pères et mères doit, dans des circonstances quelconques, assurer la légitimité de leurs enfans, avoit été reconnu par la Commission (1) et par l'auteur de la seconde rédaction (2).

Ils dispensoient donc les enfans de rapporter l'acte de célébration du mariage; mais c'étoit à des conditions beaucoup plus sévères que ́celles qui sont exigées par l'article 197: les enfans ne pouvoient exciper de la possession que lorsqu'elle étoit appuyée de « titres que les tiers quiattaquent le mariage ne pussent récuser» (3), c'est-à-dire, d'actes authentiques ou d'actes

(1) Voyez Projet de Code civil, liv. I., tit. V, art. 44, p. 38. − (2) Rédaction présentée par M. Tronchet, chap. III, sect. II, art. 16, Procès-verbal du 6 brumaire an 10. (3) M. Tronchel, Procès-verbal du 6 brumaire an 10.

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privés, émanés de ceux qui contestent l'état des enfans (1).

La Cour d'appel d'Aix s'éleva contre cette condition : «< elle lui parut trop rigoureuse. La possession d'état, disoit-elle, est une sorte de notoriété de fait qui se prouve par la publique renommée, autant et mieux encore que par des titres. Vicinis et aliis scientibus » (2).

Au Conseil d'état, la disposition fut aussi attaquée. « A la vérité, dit-on, l'état des enfans doit être appuyé sur l'acte de mariage de leurs père et mère, quand ceux-ci sont vivans; mais quand ils n'existent plus, l'état des enfans est suffisamment établi par leur acte de naissance, appuyé d'une possession d'état. Telle était l'ancienne jurisprudence » (3). « La loi seroit injuste si elle étoit plus sévère pour eux que la jurisprudence ancienne. Elle doit entrer dans la situation des enfans, et ne pas exiger qu'ils représentent des titres qui leur sont inconnus, puisque ces titres, s'ils existent, sont antérieurs à leur naissance. L'équité ne permet d'exiger d'eux que les titres qu'ils peuvent exhiber. On

-

38;

(1) Projet de Code civil, liv. I.er, tit. V, art. 44, page Rédaction présentée par M. Tronchet, chapitre 3, sect. II, art. 16, Procès-verbal du 6 brumaire an 10. (2) Observations de la Cour d'appel d'Aix', page 6. · (3) M. Portalis, Procèsverbal du 6 brumaire an ie.

n'a qu'à voir l'affaire de Bourgela, plaidée par le célèbre Cochin » (1). « Dans cette matière, toute la faveur doit être pour les enfans. Il ne convient point de compromettre leur sort pour atteindre quelques désordres ordinaires » (2)..

les.

peu

Le Conseil d'état décida que les enfans dont parens sont décédés, seroient admis à étaleur acte de naissance, appuyé

blir leur état

par

d'une possession d'état (3).

Au reste, et d'après ces motifs, trois conditions sont exigées pour l'application de l'ar

ticle 197.

La première, que les deux époux soient décédés ;

La seconde, qu'il y ait possession d'état de la part des pères et mères;

La troisième, que l'acte de naissance des enfans soit conforme à cette possession.

On a fait quelques observations sur la première condition. On a dit « qu'elle exposoit l'état des enfans, dans le cas où l'un des époux seroit décédé, et que l'autre ne pourroit représenter l'acte de son mariage. La possession d'état qu'ils auroient, quelque certaine qu'elle

(1) M. Portalis, Procès-verbal du 6 brumaire an 10. Consul Cambacérés, ibid. (3) Décision, ibid.

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fùt, ne pourroit l'emporter sur l'exclusion que leur donneroit une disposition aussi absolue » (1).

Mais le principe que l'enfant seul doit profiter de la disposition, que seul il est excusable d'ignorer le lieu du mariage, a prévalu.

Voici au surplus comment l'Orateur du Gouvernement a exposé l'ensemble de la théorie adoptée par le Conseil d'état :

« On a distingué les temps, a-t-il dit: autre chose est de juger des preuves d'un mariage pendant la vie des époux, autre chose est d'en juger après leur mort, et relativement à l'intérêt des enfans. Pendant la vie des époux, la représentation du titre est nécessaire. Des conjoints ne peuvent raisonnablement ignorer le lieu où ils ont contracté l'acte le plus important de leur vie, et les circonstances qui ont accompagné cet acte; mais après leur mort, tout change. Des enfans souvent délaissés dès leur premier âge par les auteurs de leurs jours, ou transportés dans des contrées éloignées, ne connoissent et ne peuvent connoître ce qui s'est passé avant leur naissance. S'ils n'ont point reçu de documens, si les papiers domestiques man

(1) Le Consul Cambacérés, Procès-verbal du 6 brumaire an 11, tome II, p. 110.

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