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Le premier bienfait de l'éducation dont on n'hésite pas de faire un devoir au père, deviendroit un malheur de plus pour le fils, s'il devoit ensuite être abandonné à lui-même ; dans tous les cas,<«< il seroit révoltant de laisser à un père riche la faculté de chasser de sa maison ses enfans après les avoir élevés, et de les envoyer pourvoir par eux-mêmes à leur subsistance, fussent-ils même estropiés. Il faudroit donc aussi défendre aux pères de donner de l'éducation à leurs enfans; car rien ne seroit plus malheureux pour ces derniers, que de s'arracher aux habitudes de l'opulence et aux goûts que leur auroit donnés leur éducation, pour se livrer à des travaux pénibles ou mécaniques auxquels ils ne seroient pas accoutumés. Pourquoi, si le père étoit quitte envers eux lorsqu'il les a élevés, ne les priveroit - on pas aussi de sa succession ? Les alimens ne se mesurent pas seulement sur les besoins physiques, mais encore sur les habitudes : ils doivent être proportionnés à la fortune du père qui les doit, et à l'éducation de l'enfant qui en a besoin » (1).

pas

déclarer que

Cependant la loi ne devoit les alimens sont toujours dus : le devoir d'en

(1) Le Premier Consul, Procès-verbal du 5 vendémiaire an 10, tome I.er, page 284.

donner cesse quand l'insuffisance de fortune en rend l'accomplissement impossible au père, ou ne lui permet d'y satisfaire qu'imparfaite ment. « La loi ne pouvoit donc ni poser une règle générale d'application puisque l'obliga tion des pères varie suivant leur fortune et leur état » (1), « ni déterminer précisément la quotité des alimens qui seroient dus» (2).

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On proposa donc de « consacrer le précep+ te» (3), de ne pas le limiter (4), et de « laisser le juge l'appliquer suivant les circonstançes » (5). « Le juge, n'avoit pas même besoin dẹ loi pour empêcher un père opulent de chasser son fils lorsque son éducation est achevée. Mais le juge doit avoir égard à la position du père. Il est possible, par exemple, qu'un père ait un grand nombre d'enfans et ait beaucoup dépensé pour leur éducation. Si l'on descend dans les classes les moins opulentes, l'obligation du père se réduit à mettre ses enfans en état de travailler. Le juge saura faire toutes ces distinctions » (6).

Ce système prévalut, et en conséquence le Conseil d'état adopta la rédaction suivante: Le

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(1) M. Tronchet, Frocès-verbal du 5 vendémiaire an 10, t. I., page 284. (2) Le Premier Consul, ibid. (3) M. Tronchet, (4) M. Crétet, ibid, p. 285.- (5) M. Tronchet, ibid., page 284.

ibid.

(6) Ibid.

père est tenu de nourrir ses enfans toutes les fois qu'ils sont dans le besoin, et que ses facultés le lui permettent (1).

Dans la suite on a généralisé la disposition, et la séparant de l'article 203, on en a fait l'article 208.

Mais quoique l'article 205 ait conservé sa rédaction première, il n'a plus le sens que lui prêtoit la Section : la discussion l'explique. ¶ Il suffit d'ailleurs qu'après avoir établi le principe général, il ne porte pas de limitation pour que ces sortes de questions demeurent abant données à la prudence du juge (2), qui, guidé par l'article 208, ne l'article 208, ne doit pas avoir égard à l'âge du fils, mais à ses besoins, à ses ressources, et aux facultés du père.

La Cour d'appel de Grenoble demandoit une addition à cet article. Elle disoit : « L'équité naturelle et la justice veulent que les alimens soient fournis par tous les ascendans à leurs descendans pauvres, et réciproquement; pourquoi, dans le projet, n'y soumettre que les époux vis-à-vis de leurs enfans, et borner l'obligation de ceux-ci à leurs père et mère» (5) ?

Cette Cour proposoit la rédaction suivante: Les enfans doivent des alimens à leurs père et

(1) M. Tronchet, Procès-verbal du 5 vendémiaire an 10, t. I... page 285, (2) M. Crétet, ibid. (3) Observations de la Cour d'appel de Grenoble, pages 7 et 8.

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mère et autres ascendans qui sont dans le besoin; cette obligation est réciproque de la part 'des ascendans. Mais l'aïeul et l'aïeule ne doivent des alimens à leurs petits - enfans, que lorsque leurs père et mère ne peuvent absolument en fournir; il en est de même des alimens dus par les petits-enfans à leurs aïeuls et autres ascendans (1).

L'addition réclamée n'a pas été faite; la contexture de l'article ne le comportoit pas. Mais il n'en résulte point que l'obligation ait été bornée aux pères et mères.

D'abord, le texte n'est point exclusif; il n'exprime aucune limitation: ainsi, dans le silence de la loi, la jurisprudence constante qui étendoit aux ascendans le devoir de fournir des alimens, conserveroit sa force d'après les explications qui ont été données de l'article 7 de la loi du 30 ventôse an 12, quoique les Tribunaux pussent s'en écarter sans craindre la cassation de leurs jugemens *.

Ensuite, l'article 205 suppose implicitement cette obligation, car il l'établit pour les descendans: or on sait que ces sortes d'obligations sont, de leur nature, essentiellement réciproques.

(1) Observations de la Cour d'appel de Grenoble, page 8. Voyez tome I.er, pages 140 et suiv.

II. SUBDIVISION.

Exclusion de l'action en constitution de Dot.

ARTICLE 204.

L'ENFANT n'a pas d'action contre ses père et mère pour un établissement par mariage ou autrement.

CETTE disposition a été présentée par la Commission (1) et par la Section (2).

Elle donna lieu à des réclamations de la part des Cours d'appel de Bruxelles, Grenoble et Montpellier.

Celle de Bruxelles vouloit que les enfans des deux sexes eussent dans tous les cas l'action en constitution de dot contre leurs père et mère. «La dot, disoit-elle, étant regardée comme une obligation naturelle des père et mère, en tant qu'ils doivent des alimens à leurs enfans, il paroît équitable de ne pas refuser à ceux-ci une action dont le mérite est toujours apprécié par le juge» (3).

Celle de Grenoble ne proposoit pas d'accorder l'action au fils: il lui suffisoit qu'elle fût ouverte à la fille, et encore sous deux conditions: la première, que la fille seroit âgée de

(1) Voyez Projet de Code civil, livre I.er, tit. V, art. 51, p. 39. · (2) 1. Rédaction, chap. IV, art. 1.er, Procès-verbal du 5 vendémiaire an 10, tome I.er, p. 277. (3) Observations de la Cour d'appel de Bruxelles, page 5.

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