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mère et autres ascendans qui sont dans le besoin; cette obligation est réciproque de la part 'des ascendans. Mais l'aïeul et l'aïeule ne doivent des alimens à leurs petits-enfans, que lorsque leurs père et mère ne peuvent absolument en fournir; il en est de même des alimens dus par les petits-enfans à leurs aïeuls et autres ascendans (1).

L'addition réclamée n'a pas été faite; la contexture de l'article ne le comportoit pas. Mais il n'en résulte point que l'obligation ait été bornée aux pères et mères.

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D'abord, le texte n'est point exclusif; il n'exprime aucune limitation: ainsi, dans le silence de la loi, la jurisprudence constante qui étendoit aux ascendans le devoir de fournir des alimens, conserveroit sa force d'après les explications qui ont été données de l'article 7 de la loi du 30 ventôse an 12, quoique les Tribunaux pussent s'en écarter sans craindre la cassation de leurs jugemens *.

Ensuite, l'article 205 suppose implicitement cette obligation, car il l'établit pour les descendans: or on sait que ces sortes d'obligations sont, de leur nature, essentiellement réciproques.

(1) Observations de la Cour d'appel de Grenoble, page 8.
Voyez tome I.er, pages 140 et suiy.

II. SUBDIVISION.

Exclusion de l'action en constitution de Dot.

ARTICLE 204.

L'ENFANT n'a pas d'action contre ses père et mère pour un établissement par mariage ou autrement.

CETTE disposition a été présentée par la Commission (1) et par la Section (2).

Elle donna lieu à des réclamations de la part des Cours d'appel de Bruxelles, Grenoble et Montpellier.

Celle de Bruxelles vouloit que les enfans des deux sexes eussent dans tous les cas l'action en constitution de dot contre leurs père et mère. «La dot, disoit-elle, étant regardée comme une obligation naturelle des père et mère, en tant qu'ils doivent des alimens à leurs enfans, il paroît équitable de ne pas refuser à ceux-ci une action dont le mérite est toujours apprécié par le juge» (3).

Celle de Grenoble ne proposoit pas d'accorder l'action au fils: il lui suffisoit qu'elle fût ouverte à la fille, et encore sous deux conditions: la première, que la fille seroit âgée de

(1) Voyez Projet de Code civil, livre I.er, tit. V, art. 51, p. 39. (2) 1. Rédaction, chap. IV, art. 1.er, Procès-verbal du

ге

5 vendémiaire an 10, tome I.er, p. 277:

Cour d'appel de Bruxelles, page 5.

(3) Observations de la

vingt-cinq ans accomplis; la seconde, qu'elle n'auroit point de biens (1).

Celle de Montpellier disoit : « L'obligation des père et mère d'élever leurs enfans, devroit comprendre aussi celle de leur procurer une profession ou métier, qui se dit assez souvent un établissement. Il faudroit au moins accorder à la fille une action pour demander contre son père ou sa mère une dot proportionnée à leurs facultés, sans laquelle elle ne pourroit se marier» (2).

C'est dans ces termes que la question s'est présentée au Conseil d'état.

Il ne s'agissoit pas, au surplus, d'examiner si, comme le demandoit la Cour d'appel de Montpellier, les pères et mères seroient obligés de faire apprendre à leurs enfans une profession ou un métier; ce point étoit déjà fixé par l'article 203: l'obligation de mettre les enfans en état de pourvoir, par le travail, à leur sub; sistance, rentre dans celle de les élever. Ce n'est pas là ce que l'article 204 appelle un établissement. Pour bien saisir le sens qu'il attache à ce mot, il faut prendre garde que l'esprit de l'article est de dispenser les pères de détacher une portion de leur fortune au profit des enfans,

(1) Observations de la Cour d'appel de Grenoble, page 7. (2) Observations de la Cour d'appel de Montpellier, page 11.

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et d'exclure tous les prétextes que ceux-ci
pourroient faire valoir pour exiger du vivant
des pères celte espèce d'avancement d'hoirie.
Le projet de se marier étoit un premier pré-
texte; mais il étoit possible aussi que les en-
fans prétendissent que l'intention où ils étoient
de demeurer dans le célibat, ne devoit pas les
priver de ce qu'ils eussent obtenu à titre de dot
s'ils se fussent mariés; que dans l'un et l'autre
cas, le père devoit leur faire part de ses biens
pour
leur former un établissement.

C'est là ce que l'article 204 tend à prévenir.

La question étoit donc de savoir si l'on de voit admettre ou repousser la demande de l'enfant qui réclame un avancement d'hoirie pour son établissement par mariage ou de toute autre manière, ou du moins s'il n'étoit pas juste d'accorder cette action à la fille dans certaines circonstances, et sous quelques condi

tions.

NUMÉRO I.er

Des deux Systèmes qui existaient en France sur l'action en constitution de dot.

On trouvoit en France deux systèmes établis:

>> Dans les pays coutumiers, on tenoit pour maxime que ne dote qui ne veut (1).

» Dans les pays de droit écrit, au contraire; la fille avoit une action contre son père pour demander une dot » (2).

Lequel étoit préférable?

NUMÉRO II.

Motifs de préférer le Système des pays cou

tumiers.

ON fit valoir en faveur du système coutumier le besoin de se conformer aux habitudes de la majorité des François, et surtout l'intérêt des mœurs qui réclame le maintien de la puissance paternelle.

1.er MOTIF. Le besoin de se conformer aux habitudes les plus généralement formées. « Les Rédacteurs du Projet, dit-on, se sont déterminés par le principe que la loi doit, autant qu'il est possible, ne pas déranger les habitudes des hommes; en conséquence, ils ont préféré la règle du droit coutumier, lequel régit la majorité de la France. La preuve qu'ils ne se sont pas trompés à cet égard, c'est que peu de Tribunaux ont réclamé contre la disposition. Que l'on compte ces Tribunaux, qui sont tous des

(1) M. Tronchet, Procès-verbal du 5 vendémiaire an 10, t. I., page 278. (2) Ibid.

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