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rable d'ériger en règle ce qui est conforme à l'intérêt public, et de ne permettre que par une exception dont l'autorité publique seroit juge, ce qui ne sert que l'intérêt particulier » (1).

L'article proposé fut rejeté, et le conseil d'état décida que le mariage ne seroit permis qu'à dix-huit ans aux hommes, et à quinze ans aux femmes, à moins qu'ils n'obtinssent des dispenses pour le contracter plus tốt. (2), C'est sur cette décision que les articles 144 et 145 ont été formés.

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Le Gouvernement pourra néanmoins, pour des motifs graves, accorder des dispenses d'âge.

On vient de voir d'après quels principes les dispenses d'âge ont été établies. « Comme des circonstances rares à la vérité, mais impérieuses, peuvent exiger des exceptions à la règle générale, le Législateur a cru que la loi devoit

(1) Le Premier Consul, Procès-verbal du 26 fructidor an 9, tome Ier, page 233. — (2) Décision, ibid., pages 233 et 234.

laisser au gouvernement le droit d'accorder des dispenses »> (1).

«La faculté d'en obtenir remédie donc aux inconvéniens particuliers. Dans les colonies, par exemple, la puberté est en général plus prématurée que sur le continent: il faut que la règle générale puisse être tempérée par des dispenses à l'égard des filles de colons qui viennent se marier en France (2).

donc

On a observé que « ce droit accordé au gouvernement a quelque chose de bizarre, et présente une idée fausse; car l'autorité politique ne peut pas dispenser des lois de la nature » (3).

D'après cette réflexion, le mot d'âge, avoit été retranché de l'article (4).

Il a été établi depuis, parce qu'on a supposé que chacun comprendroit assez qu'il n'est pas dans l'intention du Législateur d'autoriser les dispenses des capacités nécessaires pour le mariage, mais de permettre à l'autorité de

(1) M. Portalis, Exposé des motifs, Procès-verbal du 19 ventôse an 11, tome II, page 507. —(2) M. Tronchet, Procès-verbal du 24 frimaire an 10. (3) Le Consul Cambacérès, ibid..

(4) Décision, ibid.

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dispenser de la condition de l'àge dans les cas rares où les motifs qui l'ont fait établir perdent leur force, et où la nature et la raison se trouvent développées avant l'époque fixée par la loi, d'après ce qui arrive au commun des hommes.

II. PARTIE.

Du Consentement libre des Contractans.
ARTICLE 146.

Il n'y a point de mariage, lorsqu'il n'y a point de consentement. CET article exige le consentement de ceux qui contractent mariage.

Il ne se contente pas d'un consentement quelconque; il veut un consentement libre.

Il décide enfin, non pas que le défaut de ces deux conditions rend le mariage nul, mais qu'il n'y a pas même de mariage.

Je suivrai dans la division de cette seconde partie la marche tracée par le texte, et qui vient d'être indiquée.

Dans une première division, je dirai dans quel cas il n'y a pas de consentement;

Dans une seconde, quelles circonstances empêchent qu'il y ait un consentement libre. Je ne parlerai cependant pas des suites que doit avoir l'oubli de l'une ou de l'autre condi

Tome III.

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tion , parce que la question de savoir s'il est des nullités qui dispensent de faire anéantir le mariage par les tribunaux, se rattache au chapitre IV, et y est traitée.

Ire. DIVISION.

Dans quels Cas il n'y a pas de Consentement.

Il ne s'agit pas ici du cas où le consentement est supposé, mais de celui où il existe un consentement apparent qui se trouve détruit par l'incapacité de l'individu qui a paru le donner.

Ces capacités sont ou morales, ou physiques. Les incapacités morales sont celles qui viennent de l'état de la raison. Le consentement doit être l'effet d'une volonté réfléchie : il ne

peut donc y avoir de consentement, ni de la part des individus en qui la raison n'est pas encore assez avancée pour comprendre ce qu'ils font, ni de la part de ceux en qui la raison est perdue.

J'ai parlé des premiers dans la partie précédente. Dans celle-ci, je m'occuperai des autres. Les incapacités physiques sont celles que produit la mauvaise conformation des organes, quand elle est telle qu'elle empêche l'individu de prendre une idée des engagemens où il entre, ou d'exprimer la volonté de s'y soumettre.

L'homme qui seroit privé tout-à-la fois de l'ouïe, de la vue et de la parole, se trouveroit certainement dans cette position. Ce cas est rare, sans doute, mais il en est un plus fréquent ; celui où un individu est sourd-muet de naissance; c'est le seul dont il ait été parlé dans la discussion.

La commission avoit annoncé ces incapacités dans autant d'articles séparés; celle de l'interdit dans l'article suivant : L'interdit pour cause de démence ou de fureur est incapable de contracter mariage (1); celle du sourd-muet de naissance dans un autre article ainsi conçu: Les sourds-muets de naissance ne peuvent se marier, qu'autant qu'il seroit constaté, dans les formes prescrites par la loi, qu'ils sont capables de manifester leur volonté (2).

La Section les avoit réunies dans un même article, et y avoit même joint l'incapacité de l'individu frappé de mort civile. La disposition était rédigée en ces termes: Sont incapables de contracter mariage, 1°. l'interdit pour cause de démence ou de fureur; 2°. les sourds-muets de naissance, à moins qu'il ne soit constaté qu'ils sont capables de manifester

(1) Projet de Code civil, livre I,**, titre V, article 6, page 31. ~ (2) Ibid. art. 7, page 32.

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