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truite; dans toutes les hypothèses le devoir d'obéissance, qui ne s'attache qu'à la personne, existe, et, par suite, la nécessité de l'autorisation.

La Cour d'appel de Montpellier n'avoit pas saisi ce principe lorsqu'elle disoit : « On ne voit pas pourquoi l'autorisation et le consentement du mari seroient nécessaires, même dans le cas où la femme est lîbre dans ses biens, les droits n'étant pas alors réciproques entre ellé et son mari. Alors la femme mariée ne peut-elle pas disposer comme celle qui n'est point mariée »(1)?

La Cour d'appel de Bruxelles se trompoit également sur l'esprit de la loi dans l'observation suivante: «La séparation de biens prononcée en justice, disoit-elle, étant essentiellement fondée sur l'inconduite ou la mauvaise administration du mari, ne seroit-il pas plus simple de rendre à la femme l'exercice de tous les droits qui concernent ses biens, sans recours à l'assistance de son mari, soit pour ester en jugement, soit pour contracter? On préviendroit ainsi des formalités qui sont souvent des sujets de discussion entre les époux, et qui entraînent toujours des frais. En tout cas, la femme séparée devroit avoir par elle-même, et sans l'assistance de son

(1) Observations de la Cour d'appel de Montpellier, page 12.

mari, l'exercice des actions mobilières, et l'administration de ses biens » (1).

Ce n'est pas sur ces circonstances que la loi se règle pour exiger l'intervention du mari: elle ne distingue pas entre la femme commune et la femme séparée de biens *;

Ce n'est pas non plus sur l'état où se trouve la raison du mari: qu'il soit mineur ou interdit, la puissance maritale lui est acquise par le mariage, et elle dure en lui autant que le mariage même **.

L'impossibilité même où l'absence met le mari d'user de son pouvoir, n'en affranchit pas momentanément la femme ***.

Mais il est des actes qui, par leur nature, ne peuvent être l'ouvrage que d'une volonté entièrement indépendante. Il est aussi des actes qui ne doivent être connus que de leur auteur: tels sont les testamens. Il faut ou les interdire à la femme, ou lui laisser son secret; lui défendre de tester, ou n'interposer personne entre les mouvemens, soit de sa bienveillance, soit de sa justice, et ceux qui en sont l'objet. Sans ces conditions il n'y a pas de dernière volonté libre, et la faculté de disposer par testament devient aussi dangereuse qu'abusive.

(1) Observations de la Cour d'appel de Bruxelles, page

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6.

Voyez les

** Voyez les articles 215 et 217, pages 505 et 508.

art. 222 et 224, pages 537 et 538.

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Voyez l'art. 222, p. 557.

Il est aussi des positions où l'autorisation du mari, une fois donnée, doit avoir et a toujours ses effets; où l'intérêt public, l'intérêt du mari lui-même veulent qu'elle ne soit pas répétée à chaque pas que fait la femme: c'est le cas où la femme est marchande publique. Distinguons toutes ces choses.

I. SUBDIVISION.

Pour quels actes l'Autorisation du mari est nécessaire. (Articles 215 et 217.)

La femme peut être appelée ou appeler elle-même des individus devant les Tribunaux; La femme peut vouloir contracter:

La loi la suit dans l'une et l'autre position.

NUMÉRO I.er

De l'Autorisation pour ester en Jugement.

ARTICLE 215.*

LA femme ne peut ester en jugement sans l'autorisation de son mari, quand même elle seroit marchande publique, ou non commune, ou séparée de biens.

DANS les procès civils, la femme ne peut ni demander ni défendre sans être autorisée de son mari. L'article est absolu, et ne distingue pas entre les deux cas.

* Voyez l'observation de la page 501, et l'art, 216, page 517.

Il ne fait au surplus que consacrer le droit antérieurement reçu.

La Commission et la Section l'avoient présenté (1).

Sa disposition est étendue même à la femme marchande publique.

La Cour d'appel de Rouen réclama contre cette extension. Elle disoit : « Le consentement que donne le mari au commerce de sa femme, n'est-il pas une autorisation suffisante pour que cette dernière este en jugement sur les actions qui sont la suite et l'effet de ce commerce? Combien de cas où l'on ne peut exiger, sans les plus graves inconvéniens, que le mari autorise sa femme et soit assigné conjointement avec elle, surtout quand il n'est pas avec elle en communauté pour son commerce » (2)?

Le principe que l'autorisation spéciale du mari est nécessaire pour tous les actes où elle est possible, a prévalu sur ces considérations. Nous verrons à l'article 220, que, vu la nature des affaires de commerce et la manière dont elles se traitent, la femme ne pourroit s'en mêler, si elle étoit forcée de prendre, à chaque

(1) Voyez Projet de Code civil, liv. I.er, tit. V, art. 65, p. 41; — 1. Rédaction, chap. V, sect. I.re, art. 3, Procès-verbal du

5 vendémiaire an 10, t. I.er, page 288. Cour d'appel de Rouen, page 9.

(2) Observations de la

fois qu'elle s'oblige, l'autorisation de son mamari*; mais quand il faut plaider, rien ne s'oppose à ce qu'elle rende cet hommage à la puissance maritale. Les délais de la procédure lui en laissent le temps et les moyens.

Du reste il n'y a pas d'inconvénient à faire assigner son mari avec elle, si elle est défenderesse; car ou ils sont communs en biens, et alors le mari, en autorisant la femme à faire le commerce, s'est soumis très-librement aux suites d'un tel consentement; ou ils ne sont pas communs, et alors il n'est pas tenu des engagemens de sa femme **; et il ne paroît dans l'instance que pour l'autoriser à défendre.

Ces réflexions lèvent aussi la contradiction

que la Cour d'appel de Montpellier croyoit

exister entre cet article et l'article 220. «< Suivant l'article 215, disoit-elle, la femme, marchande publique, ne peut ester en jugement sans l'autorisation de son mari; cependant, suivant l'article 218, elle peut s'obliger sans le consentement de son mari, en ce qui concerne son négoce; elle peut donc, à cet égard, ester et contracter en jugement: ces deux articles ne paroissent-ils pas contraires l'un à l'au» (1) ?

tre »

(1) Observations de la Cour d'appel de Montpellier, page 12. * Voyez pages 518 et suiv. Voyez article

**

220, ibid.

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