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Il n'y a pas de contradiction, dès qu'on se règle sur la possibilité et sur l'impossibilité pour exiger ou pour ne pas exiger, suivant la nature des actes, l'autorisation du mari.

NUMÉRO II.

De l'Autorisation pour contracter.

ARTICLE 217.

La femme même non commune ou séparée de biens, ne peut donner, aliéner, hypothéquer, acquérir, à titre gratuit ou onéreux, sans le concours du mari dans l'acte, ou son consentement par écrit.

La femme ne peut disposer de ses biens ni à titre onéreux, ni à titre gratuit, sans l'autorisation de son mari;

Elle ne peut, sans la même autorisation, les hypothéquer;

Il lui est également défendu, si elle n'est autorisée, d'acquérir soit à titre onéreux, soit à titre gratuit.

J'exposerai les motifs de ces dispositions. J'examinerai ensuite,

Si elles s'appliquent aux meubles comme aux immeubles,

Si elles mettent la femme dans l'incapacité de s'obliger et de contracter sans le concours de son mari,

Incapacité de la femme pour disposer sans l'Autorisation du mari.

L'INCAPACITÉ d'aliéner, résultat nécessaire du devoir d'obéissance, comme toutes les autres qui sont imprimées à la femme, a encore un autre motif: le mari, qu'il existe ou non une communauté entre les époux, est toujours le chef de leur société, et chargé de pourvoir aux charges du ménage. Il y doit sans doute contribuer de ses propres facultés, mais la femme y doit aussi contribuer*. C'est au mari à pourvoir à ce que cette obligation soit fidèlement remplie; la qualité de chef de l'association lui en fait un devoir, et, par une suite nécessaire, lui donne tous les pouvoirs dont il a besoin pour satisfaire à cet engagement. Or son pouvoir seroit insuffisant, lorsqu'il n'y a pas de communauté, s'il se réduisoit à faire rapporter à la masse la portion des revenus de la femme qui doit fournir aux charges communes; il faut encore que ce pouvoir aille jusqu'à empêcher que la femme, par des aliénations indiscrètes, ne tarisse la source de ses revenus, et ne s'ôte les moyens de contribuer aux dépenses du ménage; le mari devient donc le

* Voyez les articles 1537 et 1575 au titre Du Contrat de Mariage et des Droits respectifs des époux.

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surveillant des dispositions que la femme, pendant sa vie, veut faire de ses biens.

Je dis pendant la vie de la femme, parce que les dispositions qu'elle fait par testament et qui ne peuvent avoir leur effet qu'après la mort, c'est-à-dire, à une époque où le mariage commun sera dissous, ne peuvent intéresser le mari sous le mêine rapport ↓ (1). b

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On a opposé à ce système l'usage des pays de droit écrit. « Dans ces pays, a-t-on dit, la femme avoit des biens paraphernaux dont elle disposoit sans le consentement de son mari» (2).

On ajoutoit que si c'étoit la crainte des dissipations qui faisoit préférer le système des pays coutumiers et exiger l'autorisation du mari, on opposoit aux abus une bien foible barrière, <«<le mari pouvant aussi dans le pays coutumier dissiper les biens de sa femme, puisqu'ils deviennent aliénables avec son consentement; que du moins en pays de droit écrit, le mari ne peut toucher à la dot » (3).

On pensoit enfin que le seul moyen « de ménager une ressource assurée pour la subsistance de la femme et des enfans, c'étoit déclarer une quote des biens de celle-ci inaliéna

(1) M. Portalis, Exposé des motifs, Procès-verbal du 19 ventôse an 11, t. II, page 537. —(2) M. Maleville, Procès-verbal du 5 vendémiaire an 10, t. F.er, page 289. — (3) Ibid.

ble; et que tel étoit aussi l'objet de la loi romaine» (1).

K

Il fut répondu que le droit écrit se contredit lui-même lorsqu'il établit d'un côté cette maxime: Interest reipublicæ mulieres indotatas non relinquere ; et que de l'autre il permet aux femmes de disposer de tous leurs biens, pourvu qu'elles leur donnent le caractère de biens paraphernaux. Il faut que le mari puisse

veiller à la conservation des biens de son épouse » (2).

On observa que d'ailleurs l'usage du pays de droit écrit exposoit la femme à un danger de plus : non seulement il la livroit à sa propre foiblesse, mais il abandonnoit encore ses biens aux dilapidations de son mari; ↑ la disposition ་ libre qu'elle avoit de ses biens paraphernaux étoit un abus qui donnoit au mari plus de facilité de les dissiper, car il n'étoit pas retenu par la nécessité de donner une autorisation pu blique ↳ (3) qui fit retomber le blâme des dissipations sur celui qui n'avoit pas voulu les empêcher.

L'usage des pays coutumiers, continuoit-on, n'est pas, comme on l'a prétendu, un remède insuffisant ¶ là le mari se trouve contenu par

(1) M. Maleville, Procès-verbal du 5 vendémiaire an 10, t. I.er, p. 289. (2) M. Tronchet, ibid. (3) M. Portulis, ibid.

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l'obligation de répondre des aliénations qu'il autorise ↓ (1).

A l'égard de la proposition de déclarer inaliénable une partie quelconque des biens de la femme, elle gêneroit trop les stipulations entre les époux. «Il vaut mieux leur laisser la liberté de régler, comme ils le jugent convenable, les conditions de leur mariage » (2).« Le Code civil a été rédigé dans cet esprit : les époux sont entièrement libres dans leurs conventions matrimoniales, quoique la loi règle les effets des stipulations les plus ordinaires et les plus connues; mais elle exige, comme une garantie contre les aliénations désavantageuses des biens de la femme, l'autorisation du mari» (3).

Incapacité d'hypothéquer.

L'INCAPACITÉ d'hypothéquer est la suite de celle d'aliéner, car l'hypothèque n'est en quelque sorte qu'une aliénation éventuelle.

La Commission avoit omis d'exprimer cette incapacité (4). La disposition fut ajoutée par la Section (5), sur la demande de la Cour de cassation (6).

page 289.

(1) M. Cretet, Procès-verbal du 5 vendémiaire an 10, t. I.er, (2) M. Portalis, ibid. (3) M. Tronchet, ibid., p. 289 et 290. · (4) Voyez Projet de Code civil, liv. I.er, tit. V, art. 66, p. 41. (5) 1. Rédaction, chap. V, sect. I.re, art. 4, Procès-verbal du 5 vendémiaire an 10, tome I.er, page 289. (6) Observations de la Cour de cassation, pages 77 et 78.

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