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On comprit qu'en posant la règle générale de la nécessité du consentement, il étoit possible de se taire sur le mariage des sourdsmuets, puisqu'ils sont capables de se marier sous la condition commune à tous de donner leur consentement » (1).

↑ Cependant on se réserva de décider, par une disposition expresse, comment les sourdsmuets l'exprimeroient ↓ (2).

། Cette disposition pouvoit être placée parmi celles qui déterminent la forme de la célébration des mariages ↓ (3).

On pouvoit aussi la substituer à l'article proposé (4).

Le Conseil d'état s'en tint à cette dernière idée : en retranchant l'article, il arrêta qu'il seroit remplacé par une disposition sur la manière dont les sourds-muets de naissance exprimeront leur consentement (5).

Cette disposition n'a pas été rédigée. On a laissé à l'arbitrage des Tribunaux, comme le vouloit la Section, le discernement des circonstances et des signes qui peuvent faire juger si le sourd-muet a ou non consenti.

(1) Le Premier Consul, Procès-verbal du 26 fructidor an 9, tome Ier., page 236. — (2) Ibid. · (3) M. Réal, ibid., p. 235, · (4) Le Premier Consul, ibid., p. 236. —(5) Décision, ibid.

II. DIVISION..

Des Cas où le Consentement n'est pas libre. Le défaut de liberté dans le consentement ne vient point d'incapacités ; il ne vient que de circonstances purement accidentelles : l'individu a toutes les capacités morales, physiques et civiles, qui sont nécessaires pour donner un consentement valable, mais sa volonté est ou violentée, ou séduite ou trompée ; ainsi, les trois causes qui empêchent la liberté du consentement, sont la violence, la séduction et l'erreur,

Ire SUBDIVISION.

De la Violence.

La violence n'a pas toujours les mêmes caractères. Quelquefois c'est un enlèvement exécuté par celui qui veut épouser une personnc malgré sa famille et malgré elle; alors on l'appelle rapt quelquefois elle est exercée par des parens pour forcer une personne à un mariage qui lui répugne; alors on peut la nom

mer contrainte.

NUMERO Ier,

Du Rapt.

DANS le Projet du Code civil et dans celui de la Section, le rapt étoit mis nommément au

nombre des causes qui empêchent le consentement d'être libre (1).

Il y avoit cependant cette différence entre les deux rédactions, que celle de la Commission prononçoit qu'il n'y a pas de consentement libre lorsqu'il y a rapt, et que celle de la Section décidoit que, dans ce cas, il n'y a pas même consentement.

Personne n'a contesté le principe que le rapt détruit la liberté du consentement; mais on a fait des observations sur la durée de cet empêchement.

La Commission et la Section le faisoient cesser aussitôt que la personne ravie auroit recouvré sa pleine liberté, le consentement qu'elle donnoit alors, devenoit valable (2).

La Cour d'appel d'Orléans critiqua cette disposition. Elle dit : « Ne seroit-il pas convenable, même nécessaire, pour assurer d'autant mieux la liberté du consentement, de déterminerun délai avant lequel le mariage ne pourroit être valablement contracté dans le cas dont il s'agit? Il semble que ce délai ne peut être moindre de six mois ou même d'un an ; le con

(1) Voyez Projet de Code civil, liv. I.er, tit. V, art. 5, p. 31; Ire Redaction, chap. I.er, art. 4, Procès-verbal du 26 fruct, an 9, tome I.er, page 237. — (2) Voyez Ibid.

sentement ne sera pas parfaitement libre, tant qu'il pourra rester dans l'esprit de la personne ravie, des traces des impressions qu'elle a pu recevoir pendant que le rapt a duré; et un mariage contracté aussitôt après ce crime, sembleroit n'en être que la suite, et en quelque sorte la récompense» (1)..

Au Conseil d'Etat, on rappela, à l'appui de cette opinion, que « les lois anciennes ne donnoient au consentement de la personne ravie, l'effet de valider son mariage, que dix ans après qu'elle avoit recouvré sa pleine liberté » (2).

Il fut répondu « qu'un motif politique a été le principe de cette disposition: on a voulu empêcher ce qu'on nommoit alors des mésalliances. Cette incapacité avoit été substituée, par le chancelier d'Aguesseau, ă la jurisprudence vicieuse, qui, laissant au ravisseur l'option entre le mariage et l'échafaud, le favorisoit par cette alternative même. La peine de mort était trop forte cependant, comme il étoit nécessaire de conserver la terreur qu'elle inspiroit, M. d'Aguesseau la laissa subsister, en déclarant seulement qu'elle n'étoit point applicable au simple commerce illicite, qu'il

(1) Observat. de la Cour d'appel d'Orléans, p. 7. — (2), M, Rœ¬~ derer, Procès-verbal du 26 fructidor an 9, tome I., page 237, Tome III.

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distingua du rapt; et il donna au rapt l'effet d'annuller le mariage. Le motif d'empêcher les mésalliances, telles qu'on les concevoit alors, ne subsiste plus ; mais il est encore nécessaire d'empêcher que des aventuriers ne viennent troubler les familles honnêtes: or, la loi veille autant qu'elle le doit à l'intérêt des familles elle prévient le vol qui leur est fait par la séduction d'un mineur, lorsqu'elle déclare nul le mariage que ce mineur a contracté sans l'aveu de ses parens (1).

;

Mais lorsqu'il n'existe plus d'ascendans, cette disposition suffit-elle à la sûreté du mineur; car les intrigans, excités par leur intérêt à s'introduire dans les familles opulentes, n'ont plus en tête qu'un tuteur qu'ils peuvent plus facilement corrompre ↓ (2)?

La disposition suffit même dans ce cas : vainement corromproit-on le tuteur; son consentement seul ne valide pas le mariage du pupille (3).

NUMÉRO II.

De la Contrainte.

« LA contrainte peut être morale et cachée, et résulter de la faiblesse de l'âge et de la ty

(1) M. Portalis, Procès-verbal du 26 fructidor'an 9, tome I, er pages 237 et 238. (2) M. Roederer, ibid., page 238. (3) MM. Roederer et Réal, ibid.

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