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<< Cette erreur physique opère toujours et dans tous les temps la nullité du mariage » ( 1 ).

Il n'y a pas de mariage lorsqu'un autre individu est substitué à celui que l'on a consenti d'épouser » (2).

Cependant ce vice originaire peut être effacé par un consentement postérieur *.

NUMÉRO II.

De l'Erreur sur les Qualités.

C'ÉTOIT une question très importante que celle de savoir si l'on ne devoit avoir égard qu'à l'erreur sur l'individu, ou si l'erreur sur les qualités vicioit aussi le mariage.

Il faut d'abord la réduire à ses véritables termes, en déterminant l'espèce de qualités dont l'absence pouvoit faire douter de la validité du mariage.

Quelles sont les Qualités dont il s'agit ici.

On peut avoir été dans l'erreur sur la naissance de la personne qu'on épouse, sur sa fortune, sur ses moeurs et son caractère, enfin sur son état civil, c'est-à-dire, sur son nom et sur sa famille.

(1) Le Premier Consul, Procès-verbal du 4 vendémiaire, page 265, — (2) Le Premier Consul, Procès-verbal du 24 frimaire an 10.

Voyez chap. IV, I.re partie, II. division.

Jamais l'erreur sur les qualités nobiliaires, sur les avantages de la fortune, ni même sur les qualités morales, n'a été considérée comme capable de vicier le consentement. « On a toujours jugé que le mariage demeuroit hors d'atteinte, quoiqu'on eût épousé une fille roturière la croyant noble, une fille pauvre la croyant riche» (1), une prostituée qu'on croyoit vertueuse *, même « une veuve qu'on croyoit fille » (2).

Toutes ces circonstances sont hors de la personne, et ne peuvent être considérées que comme de simples accessoires. Mais il n'en est pas de même du nom et de la famille ; ces choses dans l'état de société s'identifient avec l'individu, constituent son existence civile et forment la personne sociale,

La question étoit donc de savoir si l'erreur ne détruit le consentement que lorsqu'elle tombe sur la personne naturelle, ou aussi quand elle porte sur la personne civile.

Dispositions de l'ancienne Jurisprudence sur

cette matière.

MAIS quelles étoient sur ce sujet les dispositions de l'ancienne jurisprudence ?

(1) M. Maleville, Procès-verbal du 24 frimaire an 10.- (2) Le Consul Cambacérés, ibid.

Voyez Pothier, Traité du Contrat de Mariage, no. 510

Au Conseil d'état, on n'est pas tombé d'accord du systême qu'elle avoit adopté.

I

On a soutenu d'un côté, que toujours en droit, on a entendu que l'erreur sur la personne comprenoit l'erreur sur les qualités civiles (1); que « c'est dans ce sens que le mot personne a été constamment pris » (2); que, << dans les principes de la législation alors en usage, il y a erreur sur la personne toutes les fois l'acte de naissance se trouve faux,

que

parce que le mari a consenti à épouser la fille d'un individu déterminé » (3).

De l'autre, on a dit que « l'erreur ne vicie le mariage que lorsqu'elle porte sur l'individu, et non quand elle ne tombe que sur le nom et sur les qualités civiles » (4).

*

1

Cette divergence d'opinion a pu venir de la diversité de la jurisprudence adoptée par les différens Parlemens. Ce qu'il y a de certain, c'est Pothier établit, comme un principe du droit commun, que l'erreur sur les qualités civiles ne détruit pas le mariage. Il n'y a d'exception que dans le cas où l'on a épousé une

que

(1) M. Thibaudeau, Procès-verbal du 24 vendémiaire an 10, tome I.er, page 265. verbal du 24 frimaire an 10.

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(2) Ibid.

(3) M. Emmery, Proces

(4) M. Réal, Procès-verbal du

26 fructidor an 9, tome I.er, page 239.

* Voyez Pothier, Traité du Mariage, IV. part., chap. I.er, art. 1,93

esclave au lieu d'une personne libre. Mais cette exception est fondée sur des lois positives.

Quoi qu'il en soit, voici ce qui s'est passé lors de la confection du Code Napoléon. Dispositions présentées par la Commission et par la Section.

LA Commission n'avoit pas clairement résolu la question; elle s'étoit bornée à dire en général que le mariage n'est pas valable, s'ily a erreur dans la personne que l'une des parties avait intention d'épouser ( 1 ).

Ce mot personne prêtoit à l'équivoque ; on ne savoit si, dans l'intention des Rédacteurs, il étoit réduit à la personne physique, ou étendu à la personne civile.

Aussi la Cour de cassation, qui n'admettoit que l'erreur sur l'identité, avoit-elle demandé qu'on y substituât cette expression: erreur sur l'individu (2).

La Section avoit adopté textuellement l'article des Rédacteurs (3).

Elle se servit encore de leurs expressions dans la rédaction qu'elle présenta le 24 frimaire an 10. L'article qu'elle proposoit étoit

(1) Projet de Code civil, liv. I.er, tit. V, art. 5, page 31. (2) Observations de la Cour de cassation, page 58. (3) Voyez 1. Rédaction, chap. I.er, art. 4, Procès-verbal du 26 fructidor an 9, tome 1.er, page 237.

ainsi conçu: Il n'y a pas de mariage, lorsqu'il n'y a pas consentement. Il n'y a pas consentement, lorsqu'il y a violence ou erreur sur la personne (1).

Discussion au Conseil d'état.

Au Conseil d'état on soutint,

D'un côté, que l'erreur sur les qualités civiles devoit vicier le mariage dans tous les cas; De l'autre, qu'elle ne devoit avoir cet effet

que

dans le cas où l'époux sur lequel elle tombe en auroit été complice.

Voici les raisons sur lesquelles on appuyoit l'un et l'autre systême.

1er. Systéme. Il faut observer que dans ce systême on ne considéroit les qualités civiles qu'au moment du mariage, et qu'on n'avoit pas égard au changement d'état survenu depuis ↓ (2): ¶ qu'une action en supposition de part eût dépouillé la femme du nom sous lequel elle avoit été mariée (3), « le mariage ne devenoit pas nul»> (4) on pensoit que « la possession d'état qu'avoit la femme empêchoit qu'il n'y ait eu erreur dans le consentement du mari » (5).

(1) 2.o Rédaction (art. 2), Procès-verbal du 24 frimaire an 10. - (2) M. Maleville, ibid.

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(3) M. Cretet, ibid. — (4) Le Con(5) Le Ministre de la Justice, ibid.

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