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Mais fije fuis jufte, j'efpere, avec votre grace, que je ne m'en éleverai point; je ne cefferai point de vous fupplier, comme mon Juge; je ferai toujours prêt à confeffer devant vous & devant les hommes, que je fuis le premier des pécheurs.

POUR LE VENDREDI.
DE L'ÉPITRE.

De quoi que ce foit que vous ayez befoin, demandez-le à Dieu par des fupplications &des prieres fuivies d'actions de graces. S. Paul. Philip. c. 4.

Uand l'Évangile nous dit de prier tou

Qjours, c'eft moins un devoir qu'il nous

impofe, qu'une reffource qu'il nous découvre. De notre propre fond, nous fommes dans une indigence générale & continuelle. En quelque état que nous foyons, nous ne nous trouvons jamais fans quelque befoin; mais quelque preffant qu'il foit, le fentiment n'en doit jamais aller jufqu'à l'inquiétude; on ceffe d'être pauvre dès qu'on fait prier, & le Seigneur eft toujours prêt à fecourir ceux qui l'invoquent. Il n'eft porté par la nature de fon être qu'à fe répandre, & il préviendroit même nos defirs, s'il ne confultoit que fa bonté; mais il ménage fagement notre foibleffe, &

nous laiffe fentir notre pauvreté pour nous défendre des orgueilleufes penfées que l'a bondance infpire. Il nous retient dans la dépendance en nous accoûtumant à tout attendre de lui. Ce n'eft point au défefpoir qu'il veut nous mener par cette conduite, c'eft à la confiance, foyons-en bien convaincus. Eh.¦ qu'importe que tout nous manque de notre fond, s'il ne faut que le demander humblement pour l'obtenir? Ses refus, ou fes délais nous caufent quelquefois des doutes fur fa bonté pour nous: mais prenons-y bien garde, s'il refufe ou s'il differe de nous écouter, ce n'eft fouvent que nos propres retardemens & nos lenteurs à le prier qu'il punit. Il fe venge de l'outrage que nous lui faifons de le regarder comme notre pis-aller, & de ce que nous ne recourons à lui qu'après avoir tenté toute autre reffource.

Apprenons donc une bonne fois, qu'il doit être toujours le premier à qui nous faffions connoître nos befoins, parce que de quelque côté que les fecours paroiffent venir, c'eft toujours à lui que nous les devons. Nous nous imaginons quelquefois qu'il ne nous exauce point, parce qu'il voile fa conduite, & qu'il n'emploie pour nous fecourir que les refforts communs de la Providence; mais en eft il moins préfent, quand fa puiffance fa cache fous les moyens humains ? C'eft toujours lui qui ouvre pour le pauvre la main du riche;

c'eft toujours lui qui tourne vers nous le cœur des princes; c'est lui qui cominande aux flots durant la tempête, qui ramene le calme après l'orage, qui fufpend les coups de ceux qui menacent, qui met des bornes à la fureur de ceux qui perfécutent, qui arrache le foible de deffous les pieds de ceux qui l'oppriment, qui détourne les tentations, ou qui nous en fait fortir avec avantage. Il faut donc lui tout demander abfolument, & le remercier de tout, parce que tout vient de lui.

PRIER E.

Qui, Seigneur, irois-je donc expofer mes néceffités, & les defirs de mon cœur, fi ce n'est à vous? Les hommes, tout mauvais qu'ils font, favent donner de bonnes chofes à leurs enfans, que ne dois-je pas attendre d'un pere tel que vous? Non, mon Dieu, tandis que vous me permettrez & que j'oferai vous appeller de ce nom, mon indigence ne m'inquiétera point. A quelque extrémité que je me trouve réduit, de quelque malheur que je fois menacé, en quelque lieu que je me trouve durant le jour & pendant la nuit, infpirez-moi de vous prier fans ceffe ; ouvrez la bouche de mon cœur pour vous parler ; &, foit que vous m'accordiez, ou que vous me refufiez ce que je vous aurai deman→ dé, je ne douterai point que vous ne m'ayez écouté pour mon falut, & mes prieres feront toujours fuivies d'actions de graces.

DE L'ÉVANGILE.

Je ne fuis pas digne de dénouer les courroyes de fa chauffure. S. Jean. c. 1.

L'Épreuve de l'humilité la plus difficile à

foutenir, c'eft celle de la comparaison. Quelque répugnance que nous ayons à nous avilir dans notre efprit, le fentiment de nos miferes & l'expérience de nos foibleffes nous y fait pourtant confentir en certains momens ; mais en avouant que nous ne fommes rien, nous fouffrons impatiemment que les autres paroiffent auprès de nous quelque chofe. Le feul paralelle nous bleffe, & la préférence nous défefpere. Nous voulons bien rendre juftice au mérite, pourvû que fon éclat ne nous efface point; nous louons rarement ceux qui concourent avec nous dans les mêmes rangs, dans les mêmes emplois, dans les mêmes études, ou fi nous louons fans peine, ce n'eft que quand nous nous croyons bien affurés de notre fupériorité, pour relever notre propre mérite par un air de difcernement & d'équité; peut-être quelquefois, pour cacher notre jaloufie fous le voile d'une fauffe humilité.

Cette vertu, en effet, pour être fincere, doit nous mettre fi bas à nos propres yeux, que tout nous paroiffe réellement au-deffus de nous. Le fentiment de notre néant nous occupe alors tout entier; nous n'avons plus

d'yeux pour les défauts des autres ; nous n'ofons même penser qu'il y ait quelque chofe de plus imparfait que nous; nous refpectons tout, nous fommes prêts à nous foumettre à tout. Ces déférences, ces témoignages d'honneur dont on fe prévient; ce nom de ferviteur qu'on prend à chaque inftant, fans en avoir l'efprit; tout ce langage de pure civilité qui n'a plus de vérité dans la bouche des gens du monde, fe vérifie dans un cœur vraiment humble, il fe croit indigne des moindres égards, incapable des emplois les moins, re→ levés. La vie cachée, l'oubli des hommes, la dépendance, l'aifujettiffement, le dernier rang par-tout, voilà dans fon efprit ce qui lui convient. Ce n'étoit point affectation dans les Saints, quand il falloit les forcer d'accepter les dignités de l'Eglife, & de prendre la conduite de leurs freres; leur fuite, leur résistance & leurs larmes n'étoient point feintes, ils ne pouvoient regarder la violence qu'on leur faifoit que comme la peine de leurs péchés. Il faut céder pourtant quand la volonté de Dieu fe déclare; c'est un devoir alors d'accepter une place qu'on fuyoit par une modeftie louable, & qu'on n'auroit pû rechercher qu'avec indécence; mais dans notre élévation même nous ne devons point ceffer de nous croire tout dévoués aux ufages de ceux qui nous ont élevés.

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