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PRIERE.

AVeugle que je fuis! il faut donc que je

me connoiffe bien peu, pour avoir des fentimens fi différens de ceux qui me font propofés pour modéles. Enflé fecretement des dons que j'ai reçus de vous, ô mon Dieu, je m'éleve au deffus de moi même au lieu de m'y comparer avec juftice, & mon état me paroît toujours au-deffous de mon mérite. Je crois fouvent avoir plus de talens, plus de lumieres, plus de prudence, plus de fermeté, plus de vertu que ceux que vous m'avez préférés; je murmure en fecret de vos ordres, & ma jaloufie va quelquefois jufqu'à l'impatience. Je me laffe d'obéir, je ne cherche qu'à fecouer le joug en tout ce que je puis, & qu'à me tirer du rang où vous m'avez mis. Je me crois digne d'un autre fort que celui que vous m'avez fait, & j'afpire par mon propre penchant à l'indépendance. Les chofes commandées me deviennent à charge, quelque juftes & faciles qu'elles foient d'ailleurs, & je ne trouve du plaifir que dans celles qui font dé mon choix.Dans quelle école ai-je pû prendre de pareilles difpofitions? Ce n'eft affurément, ni dans la vôtre, ni dans celle de vos Saints formés par votre efprit. Confondez une bonne fois, Seigneur, toutes mes orgueilleu fes pensées; rappellez-moi fans ceffe à la baffeffe de mon origine, à la honte de mes prévarications, & ne permettez pas que j'oublie

jamais le néant d'où vous m'avez tiré, & celui où le péché m'a réduit.

POUR LE SAMEDI

DE L'ÉPI TRE.

La paix de Dieu qui eft au-dessus de toutes les penfées, tiendra vos efprits & vos cœurs tranquilles en Jefus-Chrift. S. Paul. Philip.

ch. 4.

IL

L n'eft point de paix pour les impies, pour ceux qui ne mettent pas en Dieu tout leur bonheur, & qui vivent comme fans lui dans le monde; l'oracle en eft prononcé : la paix dont ils paroiffent quelquefois jouir, n'eft qu'une paix fauffe & mal affurée. L'homme n'eft pas le maître de cet univers, il n'y poffede rien qui ne lui puiffe être enlevé ; fujet aux infirmités de la nature, à la rigueur des faifons, à l'inconftance des amitiés, à l'injuftice de toutesles paffions humaines, il dépend de tout, & n'eft sûr de rien, pas même du moindre de fes inftans, pas même de fa propre conftance. Au dedans, au dehors, tout peut troubler malgré lui fon repos, & le priver de toutes fes reffources; mais quand l'homme vient à s'élever à la connoiffance de fon Dieu, quand il a compris qu'il eft fon vrai bien, & que ce bien ne lui peut être ravi que par fes propres infidélités, Fy

il conçoit alors qu'il ne doit plus avoir d'autre inquiétude que celle de lui plaire ; qu'il peut fe décharger fur lui de tous les autres foins; qu'il n'a qu'à lui découvrir fes besoins avec confiance, mais avec réfignation; qu'il lui eft indifférent s'il l'écoute, ou s'il le refuse ; qu'il doit recevoir de lui les biens & les maux avec la même gratitude, ne fe plaindre jamais des privations, parce que l'idée de Dieu lui répond que l'épreuve eft toujours jufte & toujours réglée fur quelque vue de miféricorde.

Il vit donc fous les yeux du fouverain maître, comme ne devant répondre qu'à lui de ce qu'il fait comme ne devant rien efpérer & ne rien craindre que de lui feul. Il fe laiffe aller au cours du monde, & voit, d'un œil égal fes profpérités & fes revers. C'eft ce vrai fage qui fe verroit tranquillement accablé fous les ruines de l'univers. Telle eft cette paix que Saint Paul appelle la paix de Dieu; c'eft-à-dire la paix qui naît d'une confiance immobile en fa puiffance, en fa fageffe, en fa bonté ; la paix qui bannit de l'efprit toutes les follicitudes de la vie ; la paix qui répand dans le cœur des douceurs au deffus de toutes les pensées.Tout ce que la figure de ce monde a de charmes, les délices du fiécle les plus parfaites, fes plaifirs les plus touchans n'ont rien qui puiffe aider à concevoir cette paix qui rend Dieu fenfible à l'ame, & qui rend l'ame infenfible à tout le refte. Plus ce détachement eft parfait,

plus cette paix devient inaltérable. C'est cette difpofition qui nous met en état de défier le monde entier de nous troubler, qui rendoit les Saints immobiles au milieu de fes perfécutions les plus cruelles, & qui faifoit toute leur confiance à perféverer dans la doctrine de Jefus-Chrift dont elle étoit le fruit.

PRIERE. .

Aites donc, Seigneur, que cette paix regne dans mon cœur ; faites qu'elle y triomphe de toutes les agitations. Je la cherche, je la pourfuis par-tout, & c'est vous qui m'en avez imprimé le defir; mais je fens bien que je ne la trouverai jamais, tandis que je ne la chercherai pas en vous feul. Aidez-moi donc, Seigneur, à me détacher de plus en plus de moi-même. Affermiffez-moi par une grace forte dans le mépris des créatures ; que je ne fouhaite rien, dans la vie, dont la poffeffion puiffe me caufer de l'impatience, ou la privation de l'inquiétude ; que je regarde la mifere & la félicité du monde avec une égale indifférence ; & que foumis à vos ordres avec un défintereffement parfait, ma tranquillité ne puiffe être troublée que par la crainte de vous déplaire & de vous perdre.

Faites donc, Seigneur

DE

L'ÉVANGI L E. {

Ceci fe paffa à Bethanie près du Jourdain, of Jean baptifoit. S. Jean. c. 1.

C

E n'eft pas en vain que les Evangéliftes marquent quelquefois avec beaucoup de précision le tems & le lieu de certains événemens. Le Saint Efprit veut nous rendre attentifs à tout: & s'il y a quelque hiftoire intéresfante & digne d'une fainte curiofité dans toutes les circonftances, c'eft fans doute celle de la religion; c'eft comme l'hiftoire de Dieu même, de l'exécution de fes projets éternels, de fa conduite avec les hommes, de fes promeffes & de fes menaces, de fes faveurs & de fes châtimens. Moïfe avoit pris un extrême foin d'en conferver la tradition parmi fon peuple; il vouloit qu'il fe fouvînt des jours anciens, qu'il remontât jufqu'aux premieres générations; que les enfans interrogeaffent les peres, & que les peres racontaffent à leurs enfans tout ce que le Seigneur avoit fait pour eux. Chaque fête, chaque cérémonie du culte étoit inftituée pour rappeller le fouvenir de quelque bienfait: les murmures mêmes de ce peuple, fon ingratitude, fes infidélités, fon châtiment & fon repentir étoient transmis à la poftérité par les noms nouveaux qu'on donnoit aux lieux où les événemens s'étoient paffés.

Ce qui s'étoit opéré dans la Judée par

le

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