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O

PRIERE.

Vous, grand Dieu! qui feul pénétrez les abyfmes, & qui fondez le fond des cœurs, vous voyez fi le mien me trompe: it me dit que je ne cherche que vous, que tous mes defirs ne tendent qu'à vous; que je ne veux jouir que de vous; & il me femble que ma confcience ne m'accufe point fur ces difpofitions. Si, depuis que votre miféricorde a daigné me rappeller à vous, j'avois levé les mains vers quelqu'autre Dieu que vous; fi Favois formé le projet de me retirer de vos voyes, je faurois me le reprocher: mais com me je fuis à moi-même un myftere, fi c'eft mon propre cœur qui me féduit, défendezmoi, Seigneur, de fes illufions; ne permet→ tez pas que je me croye innocent, fi je fuis cou pable à vos yeux de la moindre infidélité; corrigez-moi comme pere; pardonnez mes erreurs & mes ignorances; & tenez-moi toujours devant vous dans une crainte filiale & refpectueufe, qui ne diminue ni ma confiance en vous, ni mon attention fur moi-même.

DE L'EVANGILE.

On entend dans le défert une voye qui crie: Préparez les voyés au Seigneur. S. Luc. c. 3.

És

que l'homme eut péché, la terre

D frappée de malédiction ne fut plus pour

lui qu'un grand défert; toute la face de la na

ture désolée sembla lui reprocher fa défobéilfance: ce fut comme une voix qui lui cria de préparer les voyes au Seigneur qu'il avoit perdu, & de l'inviter par une pénitence fincére à venir lui rendre fes anciennes faveurs ? toutes les créatures, fi nous favons bien entendre leur langage, exercent encore pour nous ce ministére. Tant de dérangemens dans Fordre de l'univers & dans le cours des faifons, tant de fléaux dont la terre eft frappée, tant de maux divers qui s'uniffent ou qui fe fuccedent pour troubler la tranquillité de no tre vie,ne font-ce pas autant de voix qui s'élevent de toutes parts pour nous crier d'appaiser le ciel irrité contre nous? Dieu nous traite en coupables, & nous fommes tous en→ veloppés dans fes châtimens, parce que nous fommes tous pécheurs. Il n'eft point de jufte fur la terre, il n'en eft point qui n'ait encore besoin de pénitence, & qui n'y foit fans ceffe invité par les calamités publiques, ou par des difgraces particulieres & perfonnelles.

Le vrai & unique ufage de ces différentes voix, eft done de nous avertir de défarmer fans délai la main puiffante qui nous frappe: & Dieu ne nous fait connoître fa colere, qu'as fin que nous fongions à la fléchir par le repen tir & par l'humiliation du cœur. Ce n'eft que dans l'autre vie qu'il punit pour punir: ici bas, c'eft fa miféricorde qui veut fauver les pécheurs, & c'eft fa fageffe qui veut arrêter

le péché par une crainte vive qui nous conduife à l'amour de la juftice: il pourroit nous confumer, s'il le vouloit, dans le premier feu de la jufte fureur, qui en doute? Mais il nous châtie lentement & par dégrés pour nous engager à prévenir le jour de fes vengeances éternelles. Nous nous éloignons fans ceffe de lui dans mille routes égarées, & c'eft fa bonté qui nous rappelle en mille manieres Un tempérament qui fe dérange, une longue infirmité qui nous épuife & nous confume peu à peu, un objet d'attachement que la mort nous enleve, une amitié qui fe refroidit; une infidélité qu'on nous fait, une affaire & une humiliation qu'on nous fufcite, un mauvais bruit qui fe répand de nous, un mauvais fuccès dans certains projets, une de ces croix fenfibles & de ces peines particulieres dont la pointe vient percer le fond le plus intime de notre caur & qui n'ont d'autres témoins que nous-mêmes; des concurrens, des ennemis déclarés, des defirs fans ceffe irrités, & fans ceffe contredits: voilà la voix qui ne ceffe de nous rappeller à nous-mêmes, & qui nous crie que le Seigneur eft prêt de revenir à nous, fi nous favons préparer notre ame à les graces par un changement fincére, & par de dignes fruits de pénitence.

PRIERE.

Dieu jufte, & toujours plein de bonté dans fa plus grande justice! Dieu que

les fautes irritent, & que la pénitence appaife, ouvrez donc vous-mêmes les oreilles de ce miférable cœur toujours trop fourd au langage de vos miféricordes; que je ne m'attire point par mon obftination, le reproche que vous férez un jour aux réprouvés, & que je n'entende point dire, que vous m'avez rappellé,

& que je n'ai pas voulu revenir à vous. Rendez-moi fans cefle attentif aux différentes voix qui m'avertiffent de mes égaremens, & qui me crient de redreffer des fentiers par où vous youlez revenir vous-même à moi. Vous m'avez parlé dans le fuccès & dans l'abondance, & je ne vous ai point écouté: vous me parlez par différentes peines & par les adverfités, & je me méprens encore à votre voix. Tantôt je me plains des miferes & des difgraces de la vie, comme fi c'étoient les caprices d'une nature aveugle: tantôt j'accuse les hommes des maux que je fouffre, & c'eft vous, Seigneur, qui les avez tous faits. Non, ce n'eft qu'à yous, ou plûtôt ce n'eft qu'à moi feul que je dois m'en prendre ; & je comprens que pour fufpendre vos coups, ou pour me les rendre utiles, je n'ai qu'à être humblement docile à vos corrections. J'attens de vous feul, mon Seigneur & mon Maître, cette docilité d'ef prit & de cœur ; & je vous conjure, par votre faint nom que j'invoque, de ne me la pas refufer, quoique par mes révoltes paflées je m'en fois rendu trop indigne.

POUR LE JEUD I.

DE L'ÉPITRE.

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'Mon vrai Juge, c'est le Seigneur. S. Paul. 1. Cor. chap. 4.

A

Cette feule parole, quel orgueil peut fubfifter encore, & où eft le coeur affez affuré de fon innocence, pour ne pas s'humi lier en tremblant? Mais n'oublions pas auffi que l'ame fidéle ne doit trembler que de cette crainte avec laquelle on veut que nous opé rions tous notre falut; crainte toute évangéli que, qui ne diminue point la confiance, qui ne rallentit point la ferveur, qui ne jette point dans le découragement: c'eft à ces trois caractéres qu'il faut juger, fi les frayeurs aufquelles certaines ames fe laiffent aller fur leur falut, font raifonnables: fouvent ce n'eft que la vanité qui les produit. On ne veut pas fe repofer fur les bontés gratuites du Seigneurs & on eft défefpéré de ne pas trouver en foi des titres de justice rigoureufe, pour exiger de lui fes récompenfes. Quelquefois c'eft la lâcheté qui regarde une fidélité foutenue juf qu'à la fin, comme inutile, puifqu'on n'en retire pas plus d'affurance, & qui cherche dans cette inutilité prétendue, le prétexte de se décharger du joug de fes devoirs: dans d'au tres fcrupuleux indociles, & d'une opiniâtreté

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