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SECONDE FESTE DE NOEL

DE L'EPITRE.

Non à caufe des œuvres de juftice que nous euffions faites, mais à cause de fa grande miféricorde, Dieu nous a fauvés. S. Paul à Tité. chap. 3.

D

Ieu ne nous appelle pas à caufè que nous fommes juftes, mais afin que nous le devenions. Ce ne font pas les feuls fecours de la Religion qui nous fanctifient, c'est leur bon ufage. Jefus-Chrift ne nous fert de rien fi nous vivons comme le monde vivoit avant qu'il parût fur la terre: or, qu'étoient les hommes alors, que le plus grand nombre ne foit encore dans la profeffion même du Chrif tianifme? Ils vivoient comme des infenfés, dit Saint Paul dans un endroit de cette Epitre Ce n'étoient plus ces cœurs remplis de fens que Dieu leur avoit donné pour difcerner les biens & les maux ; ils fe conduifoient comme au hafard, & felon l'impreffion que les différens objets faifoient fur eux ; ils étoient incrédules ou défobéiffans, incapables de goûter les maximes les plus fages, & de s'affujettir aux loix les plus juftes: errans & livrés à l'égarement d'un efprit qui ne réfléchiffoit ni fur le principe de fon être, ni fur la fin qu'il devoit fe propofer dans fes actions; affervis

à mille paffions différentes, efclaves des voluptés, ils ne fongeoient qu'à s'affurer les biens qui les procurent, qu'à faire les uns contre les autres tout ce que l'envie & la malignité leur infpiroient; haïffables eux-mêmes & fe haïffant tous.

N'est-ce pas encore là, par proportion, le portrait de ce qu'on appelle parmi nous le monde & les gens du monde? Dieu veuille que parmi ceux qui s'en regardent comme féparés, il ne reste aucun trait d'une telle image. Où font les effets de ce nouvel efprit que Dieu répandit par Jefus-Chrift avec tant d'abondance? Où retrouve-t-on la richeffe de ces œuvres de la foi, que ceux qui croient en Dieu doivent s'empreffer de produire, comme l'Apôtre le dit dans la fuite? Où font ceux qui paroiffent connoître ce qu'il y a de véritablement utile aux hommes, & qui le recherchent avec empreffement? Et fi pour tous ceux qui l'ignorent ou qui le négligent, la grace chrétienne eft une grace perdue, hélas! que de travaux & de mérites comme anéantis par cette infidélité! L'Enfance de Jefus-Chrift, fon miniftere, fes fatigues, fa mort, tout ce qu'il a fait & tout ce qu'il a fouffert, n'eft plus rien pour une infinité de perfonnes qui fe repofent à l'ombre d'un nom que leur vie dément : ce nom ne laiffe pas de les raffûrer par les reffources qui y paroiffent attachées; mais on leur dira toujours, s'ils

prétendent au bonheur d'une vie future, pourquoi négligent-ils les moyens de s'en rendre dignes; & s'ils n'y prétendent pas, pourquoi fe difent-ils Chrétiens?

E

PRIERE.

St-ce donc là mon Dieu, tout le fruit

que nous recueillons de vos bontés & de votre amour pour les hommes ? Nous voudrions bien jouir de votre héritage, la promeffe nous flatte, mais les conditions nous déplaifent nous ne méconnoiffons point la préférence que vous avez faite de nous à ces rations que vous laiffiez marcher dans leurs voies; mais par l'abus facrilege & volontaire que nous faifons de cette grace fignalée, tout notre avantage fur les payens fe réduit au fond à mieux connoître nos égaremens, à pécher contre nos lumieres, à nous rendre ccupables d'un nouveau dégré de malice, à combler l'impiété par l'ingratitude. Ah! c'eft nous-mêmes, Seigneur, qui fommes ces infenfés dont parle votre Apôtre; & c'eft une double folie de ne favoir pas ufer de la fageffe: confondez donc en moi cette folie & féparez ma caufe de celle des nations qui ne vous connoiffent pas faites que j'eftime plus que jamais le prix de ma vocation, que j'en rempliffe fidélement les conditions & les régles, de peur que les moyens de fanctification que vous m'avez offerts par Jefus→ Chrift votre Fils, ne fervent qu'à me rendre

digne de toute la rigueur de vos vengean

ces.

DE L'EVANGILE.

Allons jufqu'à Bethleem, & voyons ce qui y eft arrivé, & ce que le Seigneur nous a fait voir. S. Luc. chap. 2.

D

leu ne nous donne point de connoiffances inutiles; tout ce qu'il nous révéle exige de nous quelque devoir, & ce devoir n'eft jamais une ftérile admiration de fa fageffe & de fes œuvres ; il ne fe fait connoître que pour se faire honorer d'une maniere digne de lui. C'est donc pour nous un foin très-preffant de nous affûrer fi c'eft lui qui nous parle, & d'être attentifs à ce qu'il demande de nous; mais qu'il eft rare de remplir cette obligation toute entiere! Si ce qu'il y a de merveilleux dans les témoignages que Dieu rend de luimême, excite quelquefois notre curiofité, ce qu'il y a d'intéreffant ne nous laiffe que trop fouvent dans notre indolence. Les Bergers vont jufqu'à Bethléem, ils y reconnoiffent la vérité de ce qui vient de leur être annoncé par les Anges; ils racontent ce qu'on leur a dit & ce qu'ils ont vû: ceux qui l'apprennent l'admirent, & ne vont pas plus loin. Tout fe termine de la part des Bergers mêmes, à donner à Dieu quelques louanges. La nouvelle de la naiffance d'un Sauveur tombe comme les bruits les plus indifférens, & demeure

comme enfevelie dans un oubli profond. Trop naïve image d'une indifférence toujours auffi commune parmi les hommes qu'elle. leur eft funefte! Qu'y a-t-il parmi nous qu'on fe donne moins la peine d'approfondir, que ce que l'hiftoire du Chriftianifme nous apprend de fon Auteur? Content d'une idée fuperficielle de la fuite des événemens & de ce que les enfans apprennent en abrégé, on s'en tient là; on croit fans voir, mais dans un fens bien différent de celui de l'Evangile; on fent confufément les merveilles de la vie de Jefus-Chrift, mais on ne fonge point que ces merveilles bien reconnues doivent abfolument décider de toute notre deftinée. Si JefusChrift eft le Sauveur qui nous eft né ; fi c'eft lui, comme Homme-Dieu & comme Verbe incarné, qui doit nous conduire à Dieu même; fi fes maximes font nos régles, & fes exemples feuls notre modéle, ne font-ce pas là des objets dignes & feuls dignes de toute notre attention? Pourquoi n'allons-nous point jufqu'à Bethleem? Pourquoi ne faifons-nous pas notre plus férieufe étude des raifons que nous avons de croire? Ceft regarder, en quelque façon, la Religion comme un problême; c'eft fe plaire dans les doutes, c'eft aimer à flotter dans fes incertitudes, c'eft vouloir remplir toute fa vie d'infidélités & de négligences. Une foi négligée, une foi mal affurée & mal nourrie, rend néceffairement notre

efpérance

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