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épargné ce déplaifir? Mon Dieu! Je fai que d'autres motifs bien plus purs doivent me faire détefter le péché fi j'ai un cœur vraiment chrétien: mais ne m'épargnez point dès-à-pré-~ fent la jufte peine qui lui eft dûe, & ne me faites point une grace dont je puis encore abufer. Déshonorez-moi fi j'ofe vous déplaire & vous déshonorer vous-même, afin que la confufion du péché m'aide à haïr fon injuftice; qu'elle m'apprenne à craindre l'infamie dont il doit éternellement couvrir les pécheurs, & que cette crainte mêlée d'amour, me tienne dans le respect qu'un enfant doit à fon pere."

DE L'EVANGILE.

Alors on verra le Fils de l'Homme venir fur une nuée avec une grande puiffance & une grande majesté. Luc. 21.1

A Yee quelque appareil, & fous quelque

forme que le fouverain Juge vienne à nous, fa préfence ne pourra que nous effrayer fi nous fommes coupables. Eh! qui peut fe flatter de ne l'être pas ? L'homme feul avec Dieu feul, le pécheur mis devant fes propres yeux, c'eft la plus redoutable menace qu'on puiffe lui faire. Pour mettre,dès-à-préfent, le comble à fes malheurs, il ne faudroit que le forcer à fe voir inceffamment tel qu'il eft.Nous naiffons tous avec un amour inaltérable de la juftice; & c'eft de-là que vient le cri de la confcience qui fe fait entendre malgré nous:

rien n'eft capable de l'étouffer entierement, quelque effort que l'on faffe pour fe donner le change. Le monde n'a point d'objets affez intéreffans ni affez touchans pour dédommager un cœur du déplaifir de se sentir coupable: & un pénitent même, vivement pénétré de fon péché, fuccomberoit à fa douleur, fi l'efpérance confolante du pardon ne le foutenoit, Mais en ce monde on eft ingénieux à s'étourdir fur fon état. L'homme oublie, autant qu'il peut, ce qu'il eft, & il l'ignoreroit même totalement s'il le pouvoit; il fe diffimule fon injuftice; il n'écoute point ce que le devoir voudroit lui dire; il craint d'entendre la vérité; il fort de lui-même, & il fe fuit.

D'ailleurs, le plaifir, de quelque nature qu'il foit, nous prévient & nous féduit: le penchant nous entraîne, l'intérêt nous aveugle, & la paffion dominante nous emporte. Les derniers écarts qu'on fe permet, font per dre les premiers de vûe: on paffe d'objet en objet, des vices d'un âge à ceux d'un autre ; le péché même devient léger à nos yeux par l'habitude de le commettre une fecrette illufion s'empare de l'efprit; l'amour propre fe flatte ; &, plus on eft devenu coupable par l'habitude, moins on croit l'être. On fe forme une confcience favorable à fes defirs pour vivre en paix, en écartant les remords on vient à bout de fe perfuader qu'on ne fait point de fautes effentielles, ou

du moins on compte fur des excufes, & on fe pardonne fur différens prétextes, fans exami ner s'ils ne font pas plus criminels que le mal même qu'on veut excufer. Voilà les reffources que chacun trouve dans fa propre dépravation pour fe calmer après le violement de la loi mais Dieu brifera l'appui de la fauffe confiance du pécheur; il ne veut pas fe voir & il fe verra; il se verra & il fe haira: accufé par fes propres pensées, & tourmenté par fes remords, il deviendra lui-même le plus affreux appareil de fon jugement & fon fupplice le plus cruel. C'est une réparation qu'il fera dans ce moment à la Vérité éternelle, un hommamage public qu'il doit d'abord à la préfence de fon Juge; & c'eft pour cela que ce Juge fuprême voudra paroître avec une fi grande pompe & un éclat fi digne de lui.

PRIERE

Ui prétendez-vous donc, Seigneur,

Qeffrayer par tant de majefté ? Voulez

vous montrer votre puiffance contre une feuille que le vent emporte, contre une paille fêche qui fe réduit en poudre? Hélas! Qui pourra feulement fubfifter devant vous, quand vous viendrez juger le monde dans la rigueur de votre juftice? Vous n'auriez, pour m'anéantir, qu'à me reprocher les péchés de ma jeuneffe, qu'à me montrer toutes mes mauvaises oeuvres dans le livre de ma vie. Cendre & pouffiere, que répondrois-je à mon Seigneur?

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Oferois-je feulement ouvrir la bouche pour ma défense? Ah! Seigneur, n'attendez donc pas le dernier jour pour entrer en jugement avec votre ferviteur; je fuis perdu fi vous differez jufques-là. Accufez-moi dès-à-préfent au tribunal de ma confcience; acculez-moi toujours, & pourfuivez-moi par votre miféricorde jufqu'à ce que je fois d'accord avec vous & avec votre loi. Forcez-moi, par votre lumiere, à prononçer contre mes fautes dans toutes les régles de la vérité; faites-les-moi punir avec toute la juftice de l'équité, afin qu'après m'être ainfi jugé moi-même, je ne craigne plus d'être jugé de vous, & que, felon votre parole, je ne reçoive de votre part qu'un jugement favorable.

POUR LE MERCREDI.

DE L'EPITRE.

Prenons des armes ou des ornemens propres à la Lumiere,& paroiffons avec toute la décence. qui convient au grand jour. Rom. c. 13.

Areft plus vain dans les hommes que le

Ne confulter que la raison seule, rien

foin d'orner & de parer leurs corps, puisque cet extérieur n'ajoute rien à leurs vrais méri tes, comme il ne diminue rien de leurs véri- * tables défauts. Il eft vrai qu'étant faits pour la gloire, cet inftinct nous rend naturellement

attentifs à tout ce que nous croyons pouvoir > nous relever en quelque forte ; mais nous oublions malheureusement que n'ayant confervé de toute notre grandeur que le fentiment qui nous la fait defirer, nous la cherchons fans la connoître, & nous croyons la trouver, au moins en partie, dans tout ce que nous empruntons du refte de la nature. Miférable illufion qui nous amufe & qui fait voir, trop clairement, jufqu'à quel point le péché nous a dégradés! L'erreur des autres nous confirme dans notre méprife; nous voulons, par quelque endroit, attirer leurs regards; nous craignons de leur déplaire ; nous confultons leur goût, nous cédons aux préjugés, & nous nous accommodons à l'ufage, tel qu'il puiffe être, fans beaucoup d'examen. Eft-ce vanité pure? Oui fans doute, & vanité pleine de folie dans tous ceux qui oublient que les ornemens dont ils fe chargent ne leur font pas moins étrangers que s'ils ne les avoient pas.

L

Voilà de quoi l'on convient fans peine quand on y fait un peu de réflexion, & qu'on en juge férieufement, comme nous avons dit, par les feules lumieres de la raifon. Mais fi l'on confulte la Religion & la fainteté de fes maximes, ce qui n'eft qu'une vanité indigne de la nobleffe de l'homme, eft un fentiment prophane, charnel, & très oppofé à la dignité du chrétien. Toujours attentif à celui dont if eft l'image, & le temple, il doit fe fouvenir

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