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juftice par l'amour de la justice même. Or; felon l'oracle de Jesus-Chrift même, c'est la vérité qui doit opérer en nous ce rétablissement: ne voyons d'abord que par elle, ne jugeons de tout que par fa lumiere, travaillons à nous bien convaincre de la vanité des biens préfens, & de la folidité des biens éternels. Comme le dégoût eft le fruit du mépris, l'amour eft celui de l'eftime. Plus nous nous détacherons de nous-mêmes & du plaifir des fens, plus nous aurons de facilité de nous porter vers le bien fuprême, & de remplir le devoir de la juftice qui veut qu'on aime beaucoup les grandes chofes, & qu'on fe détache des petites.

M

PRIERE.

Ais vous, mon Dieu ! qui êtes feul ma lumiere & ma force, venez à mon secours, regardez-moi en pitié ; voyez par combien de liens le péché tient encore mon ame captive, & délivrez-la par votre vérité. Hélas! Il femble qu'il ne me refte quelque foible vue de mes ob'igations, que pour être plus vivement tenté de les violer: je tiens à tout ce qui m'environne, & je fuis lié par mes propres defirs. Brifez, Seigneur, brifez furtout cette volonté de fer qui fe roidit contre la penfée de me dégager, & que mes plus fortes réfolutions ne peuvent fléchir : affoibliffez mes cupidités en augmentant mes lu

mieres; retenez mes penchans en diffipant mes illufions; arrêtez cette fource de defirs déréglés qui naît le plus fouvent de mes folles méprifes; faites enfin que mes attaches fecrettes fe rompent de jour en jour, en me montrant de plus en plus le néant de ce que j'aime, afin qu'ayant mis tout mon bonheur à m'attacher à vous, je vous chante inceffamment le cantique de ma délivrance.

DE L'EVANGILE.

Le buitiéme jour auquel l'Enfant devoit être circoncis, étant venu. S. Luc. chap. 2.

Efus Chrift veut bien être circoncis le

Jhuitième jour comme le tefte des enfans

de fa nation; c'étoit le fceau de leur engagement avec le Seigneur. Quiconque recevoit la Circoncifion, s'engageoit à toute l'obfervation de la Loi donnée par Moyfe: mais en Jefus Chrift la Circoncifion ceffe; il devient pour nous le médiateur d'une nouvelle alliance où nous entrons par le Baptême: quiconque le reçoit, fe foumet à l'Evangile voilà notre engagement. Mais où eft notre fidélité? Nous avons promis, nous avons juré folemnellement d'obéir à Dieu, & nous nous rendons cependant les arbitres de notre obéilfance; nous ne voulons prendre de fa Loi que ce qui ne gêne point la nature. Infidéles & parjures, nous fommes ingénieux à nous forger des raifons de l'être ; nous nous excufons,

fur notre foibleffe, fur notre état, fur nos fituations, fur la néceffité des conjonctures, & fur l'autorité de l'exemple de ceux avec qui nous vivons dans les mêmes engagemens : nous flottons fans cefle entre la difpense & les obligations étroites: nous péfons à notre fantaifie les grands & les petits devoirs: nous voulons bien nons foumettre aux maximes chrétiennes, mais à condition d'en prendre ce qui nous plaira, & de ne nous attacher qu'à ce qu'il y a de moins auftere: c'eft comme un état de péché dans lequel nous prétendons nous fixer. Nous violerons la Loi, mais ce fera avec une certaine réserve. Notre relâchement aura fes bornes, difons-nous, & nous ne nous permettrons que ce que nous croirons pouvoir nous permettre avec impunité.

Quelle illufion! quelle méprife en matiere de falut! Cela s'appelle s'éloigner, dans le fond du cœur, de la Loi même qu'on obferve, & fécouer le joug dont on paroît chargé ; c'eft-à-dire, que nous cherchons moins à plaire à Dieu, qu'à le défarmer fi nous pouvons; c'eft-à-dire, que notre prétendue foumiffion confifte à ne pas l'attaquer par des révoltes ouvertes, & que tout notre zéle fe borne à ne l'offenfer que dans les chofes légeres: le font-elles, au refte, autant que nous nous l'imaginons, aux yeux de celui qui voit le fond de nos cœurs? Eft-ce une faute légere de préférer fans fcrupule notre liberté, notre

repos, notre plaifir, nos intérêts à fes volontés? Eh, connoiffons-nous le maître que nous nous fommes engagés à fervir! On néglige, par exemple, les régles d'une exacte tempérance, parce qu'on s'eft nourri dans l'habitude de fatisfaire fes fens, parce qu'on s'eft fait un tempérament qui ne demande qu'à se contenter en tour: on fe relâche fur les devoirs d'une piété vraiment évangélique, parce qu'avec une conduite trop févére, trop réguliere & trop foutenue, il eft impoffible, dit-on, de jouir d'une honnête liberté dont cette mifé→ rable vie a befoin.

PRIERE.

Dieu! qu'on eft facile à s'aveugler fur fes propres obligations quand on ne les aime pas ! & que l'orgueil de l'homme eft infolent contre vous ! Il falloit donc, pour être obéi, que vous ne nous fiffiez que des devoirs conformes à nos defirs; que vous vouluffiez nous confulter, & que vous ne fuffiez plus juste, ou nous ne le ferions pas nous-mêmes. Si chacun ne veut prendre de votre Loi que ce qui l'accommode, il faudra donc que vous faffiez autant de Loix qu'il y a d'hommes ou de paffions dans les hommes; il faudra que votre Evangile s'adouciffe pour nous, parce que nous en fommes plus ennemis; & la volonté du Créateur ne fera plus la loi fouveraine des créatures. Eh! quoi, Seigneur, ne fuis-je pas à vous par affez de titres? Dois-je

vous coûter plus cher ? Ne m'avez-vous pas racheté d'un affez grand prix, & ne vous ai-je pas promis affez folemnellement de vous être fidéle? Ah! Grand Dieu, le renversement de l'ordre eft ici trop marqué, il eft temps pour moi d'y rentrer: hâtez-vous donc de corriger les erreurs de mon efprit & les plaies de mon ame par la lumiere & l'onction de votre grace. Qu'une vive reconnoiffance, qu'un zéle ardent, que la foumiffion parfaite d'un cœur vraiment circoncis me faffe rechercher en tout votre volonté fainte ; que rien ne me femble léger de ce qui vous offenfe; que tout ce qui vous déplaît me paroiffe énorme, & que je fois toujours moins détourné du vice par vos châtimens, qu'animé à la vertu par l'amour chafte de votre loi, & par. la grandeur de vos promeffes.

POUR LE DEUXIÈME JOUR de Janvier.

DE L'EPITRE.

Parce que vous êtes maintenant enfans de Dieu, il a mis dans vos cœurs l'Esprit de fon Fils. S. Paul aux Gal. ch. 4.

Lmaximes

Es pensées de l'homme formé fur les maximes de l'Evangile, fes vûes, fes inclinations, fes attachemens, fes œuvres font trop contraires à celles du refte des hommes,

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