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que rien ne le pare aux yeux de Dieu que ce qui le rend meilleur, & que tout ce qui n'orne que le corps, n'eft pas digne des regards de celui qui voit le cœur. Il doit fe fouvenir que l'engagement contracté par fon Baptême, & que les Peres appellent le plus grand de tous les voeux, porte avec foi des conditions trèsfévéres fous peine de falut; que le renoncement aux pompes de fatan & à l'efprit du monde, s'étend bien plus loin qu'on ne pense communément, & qu'à mesure qu'on participe à cet efprit par le fimple extérieur même, on dégénére de la qualité d'enfant de Dieu. Que feroit-ce donc, fi des perfonnes doublement confacrées par leur état, avoient quelque jufte reproche à fe faire fur ce point? Si des hommes dont la vie doit être toute évangélique, démentoient la fainteté de leur profeffion par quelque dehors tant foit peu mondain? Et de quel efprit pourroit venir la moin dre conformité qu'ils auroient là-deffus avec les enfans du fiécle? En faut-il davantage, quoi qu'on en penfe, pour ble er l'honneur fidélicat du Sacerdoce, & pour mériter même de perdre la grace de l'impofition des mains? L'amour propre, & un refte de l'ef prit d'orgueil, ne manquent pas de fuggérer mille frivoles prétextes pour juftifier certains dehors: mais l'exacte (ne nous flattons pás) l'inflexible Vérité ne les condamne pas moins févénement, & nous ne pouvons rien contre

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elle. Rapprochons-nous fans ceffe du grand modéle pour le dehors comme pour le dedans; examinons de bonne foi, fi, dans nos manieres & dans tout notre extérieur, nous sommes dignes d'être avoués par Jefus-Chrift: s'il reconnoît en nous cet air de fimplicité, de modeftie & de pauvreté, qui parurent fur fa perfonne adorable durant les jours de fa vie mortelle. Nous fommes par préférence des vafes d'honneur, des enfans de lumiere : appliquons-nous, à revêtir notre ame de la juftice, & à l'embellir de toutes les vertus; c'eftlà la décence vraiment eccléfiaftique ; c'eft-là cette bienséance avec laquelle nous devons paroître la nuit comme le jour, parce que nous ne favons pas à quelle heure notre maître doit venir.

PRIERE.

Eureux donc celui qui veille, & qui

H garde les habits, dit S. Jean, pour ne

pas s'expofer au danger d'être furpris dans une nudité honteufe. Infpirez-moi, Seigneur, la crainte qu'eut le premier homme de paroître ainfi devant vous; mais que cette crainte foit accompagnée de plus de fageffe ; que je ne m'amufe pas, comme il fit, à me couvrir de feuilles de figuier, à m'occuper d'ornemens ou d'habits qui ne cachent point ma honte à vos yeux. Oui, je fens bien ce qui bleffe en moi vos regards; c'eft l'orgueil, c'eft le péché qui m'a dépouillé de vos graces. Daignez

me

ime les rendre, ô mon Dieu! Revêtez-moi, non pas comme Adam, de la peau d'un vil animal, mais de toute la beauté de l'innocence dont vous l'aviez orné, & que rien de pro phane, dans tout mon extérieur, ne la desho nore jamais à vos yeux.

DE L'EVANGILE.

Quand ces prodiges commenceront d'arriver levez la tête & regardez en haut, parce que votre délivrance approche. Luc. c. 21.

E font nos mœurs qui décideront de nos

Clentimens au dernier jour. Selon la me

fure de notre négligence ou de notre fidélité, la venue de notre Maître fera le fujet de notre désespoir, ou celui de notre confiance: c'eft le temps de toutes chofes, c'est-à-dire, de la récompenfe auffi-bien que celui du châtiment. Quelle joie pour le jufte de fe voir alors affran chi de toutes fes miferes, & délivré de la fervitude! Il n'eft point ici-bas de liberté parfaite; tout est encore, en quelque fortè, efclave dans ceux-mêmes où le péché ne domine plus: S. Paul en eft un exemple, & fes paroles fur cela font connues. La faim & la foif de la juftice augmentent dans un cœur chrétien à mesure qu'il l'aime. Plus on a de fortes idées du fouverain bien, plus on le défire, & plus on fent la peine de ne pouvoir, au moins, s'en occuper uniquement, tandis qu'on n'en joüit pas: Eh, de combien de penfées frivoles, Tome I.

B

inutiles, dangereufes, diffipantes, notre efprit eft-il rempli malgré nous! Combien de fantômes vains fe fuccédent dans notre imagination! Que de fecrettes cupidités follicitent notre cœur, & tourmentent notre ame! Retenue dans la chair, & fujette à recevoir les impreffions des objets fenfibles, elle ne s'éleve qu'avec quelque effort vers ceux qui-font invifibles; fon penchant pour la créature l'yrappelle fans ceffe, & ne lui permet pas de fe livrer toute entiere à la contemplation de fon Dieu. Les feules néceffités de la vie, à combien de foins & de diftractions nous affujettif fent elles! Que de momens précieux elles nous dérobent! De quel joug elles accablent tous les enfans d'Adam! Par combien de liens différens elles les attachent à ce qui doit périr! Tel eft le trifte afferviffement qui fait gémir les Saints ici-bas fous le poids de leur chair, & qui doit nous donner de l'impatience pour le moment où Dieu nous rappellera de cette vallée de larmes. Ce fentiment doit être com me naturel à une ame chrétienne qui connoît fa deftinée; & rien ne doit être capable de le modérer en nous. Nos progrès dans la piété, peuvent le rendre plus vif, mais il ne faut pas que nos imperfections le rallentiflent; elles doivent fervir au contraire à nous rendre plus fenfible & plus péfant le miférable joug de notre fervitude; & c'est parce que nous fommes plus efclaves, que nous devons fou

pirer plus ardemment pour notre liberté.

Q

PRIERE.

Ue ceux qui ne sentent point la péfanteur de leurs chaînes, fe plaifent donc, Seigneur, dans le lieu de leur captivité ; qu'ils confentent à demeurer dans leur prison, à la trouver agréable, & à vivre parmi les habitans de Cédar: qu'ils chantent tant qu'ils voudront fur les Fleuves de Babylone, comme d'indignes Ifraëlites, & qu'ils paroiffent fe réjouir d'être bannis avec tant d'autres du fein de leur patrie. Pour moi, je ne cefferai point de lever les yeux vers le Ciel, & de foupirer pour ma délivrance ; je me réjouirai de tout ce qui me l'annoncera, de la rapidité de mes années, des infirmités d'une nature défaillante, & de la caducité de l'âge. J'aurai befoin de toute ma patience pour vivre, & les approches de la mort ne me cauferont que de la joie. Ce font vos paroles, Seigneur, qui commencent à produire en moi des fentimens fi conformes à ma foi ; daignez les y fortifier par l'impreffion continuelle de votre grace: &, puisque j'ai la confiance que vous m infpirez vous-même des défirs fi juftes & fi faints, ne differez pas de les contenter, pour confommer en moi vos miféricordes. Venez, Seigneur, vencz, & ne tardez pas.

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