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naiflance? Les Anges avoient déja dit aux Bergers que ce feroit le fujet d'une grande joie pour tout le peuple ; mais il n'eft que trop ordinaire de fe laiffer emporter aux impreffions de la puiffance : la vue des récompenfes & la crainte des difgraces en rendent plufieurs efclaves des Princes qui gouvernent; & l'envie de leur plaire fait fouvent adopter leurs fentimens. On entend dire quelquefois à certaines gens qu'ils font de la Religion de leur Prince, & fort fouvent cela fignifie qu'ils n'en ont point.

Les Princes les plus pieux & les plus religieux, ne font fouvent que des imitateurs hypocrites parmi ceux dont ils font les vraies divinités. Hérode lui-même fut regardé comme le Meffie par ceux peut-être que la fortune attachoit à fes intérêts, & ils formerent une fecte qui les fit nommer les Hérodiens: c'étoient prefque tous des Saducéens, qui faifoient profeffion de ne rien croire & de ne rien efpérer au-delà de la vie préfènte. Comment fe feroient-ils réjouis de la venue de Jefus-Chrift, dont le régne n'étoit pas de ce

monde? Ceux qui n'en aiment que les prof pérités, devroient donc auffi ceffer de s'appelÎer Chrétiens, & porter le nom de ceux qu'ils regardent comme les arbitres de ce qu'on appelle heureuses deftinées : on les nomme, en effet, leurs créatures ; & s'ils confultoient bien leur cœur, ils trouveroient que cette

gage

expreffion n'a rien de trop exagéré. Le lan-. du monde eft plein de ces fortes de vérités qui le condamnent par fa propre bouche; mais à la bien prendre, ne fommes-nous pas tous, en quelque fens, de vrais Hérodiens qui nous troublons à la pensée du régne de Jefus-Chrift? Que fous ce régne, en effet, les riches foient malheureux ; qu'il n'y ait de bonheur que pour ceux qui font dans une fainte trifteffe, & dans l'impatience d'arriver à une autre patrie; que la vie même ici bas foit haiffable, qu'il faille en méprifer les biens, en craindre les plaifirs, en fuir la gloire, qui eft-ce qui l'entend fans que fes penchans fe révoltent, & que la cupidité en frémiffe? Que de peine nous avons avec le fecours même de la foi, de nous accoûtumer aux idées d'un Royaume où les fens ne trouvent rien, des objets qui les charment fur la terre! A confulter donc nos difpofitions les plus fecrettes, mais par malheur les plus réelles, nous n'aimons point que Jefus-Chrift vienne régner maintenant fur nous par fes maximes, & nous defirons fort peu de régner avec lui dans la gloire aux juftes conditions qu'il y a mifes.

E

PRIERE.

Toit-ce donc pour nous troubler & pour. nous effrayer, Verbe fait chair, que vous avez voulu naître fur la terre, & y paroître comme le vrai conducteur & le libérateur d'Ifraël? Pourquoi nous affligeons-nous de

ce qui doit nous réjouir ; & de quoi nous réjouiffons-nous ici bas, fi votre divine naiffance parmi nous ne fait pas toute notre joie? Ah! Seigneur, pardonnez par votre grande miféricorde, un aveuglement fi peu digne de pardon, & faites-nous mieux connoître nos véritables intérêts : qu'une nouvelle étoile nous conduife à vous, & qu'un vif rayon de votre vérité nous faffe découvrir dans votre perfonne adorable le don ineffable que le Ciel nous a fait que nous accourions à vous comme les Mages, avec des efprits dociles & des cœurs tout prêts à fuivre les voies étroites de l'Evangile : que votre grace corrige pour toujours nos erreurs, & qu'elle nous apprenne à retourner à notre vraie patrie par un tout autre chemin que celui que le monde & nos paffions nous ont tracé jufqu'ici.

OCTAVE DE L'EPIPHANIE. Huit Janvier.

DE L'EPITRE.

Levez-vous, Jérufalem. Ifaïe. chap. 60.7 L'Jerufalent toute déferre par l'enlevement E Prophête repréfente ici la Ville de de fes habitans, comme une perfonne enfevelie dans fon lit durant une nuit profonde Levez-vous, lui dit-il, ouvrez les yeux, le jour que vous attendez avec impatience eft prêt de paroître ; & ces expreffions figurées.

fignifient: Confolez-vous, habitans de la Judée qui gémiffez de votre captivité, Dieu va venir à votre fecours brifer vos fers & vous ramener dans votre patrie ; car dans le langage de l'Ecriture, la nuit ou les ténébres expriment les adverfités, & le retour du jour ou de la lumiere celui de la profpérité ; mais en prenant ces expreffions dans un fens moral & moins éloigné de leur fens propre, on peut dire à celui qui vit dans l'ignorance de fes devoirs, ou qui fe tranquillife dans le mauvais état de fa confcience, Levez-vous, vous qui dormez, fortez d'entre les morts, & JesusChrift vous éclairera. (a) Vous qui vivez fans régle & comme au hafard, vous qui pourtant avec cela vous dites Chrétien, comparez vos œuvres avec les maximes chrétiennes, & reconnoiffez votre aveuglement; vous feriez inexcufable quand vous ne feriez qu'étouffer les lumieres de votre confcience : quelle fera donc votre excufe, fi vous négligez celles de l'Evangile qui vous y rappelle?"

Cette négligence, en effet, eft ce qui surprend le plus dans ceux qui font profeffion de la doctrine de Jesus-Chrift. Un grand nombre, & peut-être le plus grand, paffent leur vie fans prefque daigner s'inftruire de ce. qu'il enfeigne ; & ce font ceux à qui ces inftructions feroient les plus néceffaires qui paroiffent s'en foucier le moins. Les premiers (a) Ephef. c. 5•

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fidéles en faifoient une étude affidue, ils les avoient fans ceffe dans la bouche; il fembloit qu'ils fe fiffent un devoir d'obferver à la lettre cette ordonnance de Moïfe touchant la Loi: *Vous aurez les préceptes que je vous donne aujourd'hui, dans le cœur, vous les répéterez à vos enfans, vous vous en entretiendrez, foit que vous reftiez à la maifon, foit que vous foyiez en voyage; vous en parlerez au moment de votre coucher & de votre réveil, &c. On ne peut guéres douter que le refroidiffement de ce zéle ne foit une des caufes de la prodigieufe différence de nos mœurs d'avec celles de nos peres. Nous avons trop d'attraits pour le plaifir fenfible, trop de répugnances pour la peine; nous fommes diffipés par trop de foins, corrompus, par trop de mauvais difcours, entraînés par trop de mauvais exemples, attaqués ou follicités par trop de paffions ennemies de l'ordre, pour avoir fans ceffe notre devoir préfent, & pour s'oppofer à tant de tentations différentes. Ce n'eft que par des inftructions fouvent répétées, ou par des lectures fréquentes & refléchies, que les régles des mœurs s'impriment fortement dans nos efprits, & forment ainfi nos fentimens : fans ce fecours nous redevenons comme les Payens qui ne fuivoient, dit l'Apôtre, que la vanité de leurs penfées, les defirs de l'erreur, les égaremens d'un fens réprouvé, & dont la vie fe paffoit dans l'ignorance & dans l'aveugle

Deut. c. .

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