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POUR LE JEUDI

DE L'EPITRE.

Evitez l'intempérance dans les repas, & dans l'ufage du vin. Rom. c. 13.

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E feroit fans doute une double honte pour le Chrétien, de tomber dans les excès que les bêtes ne connoiffent pas, & qui mettrolent l'homme au-deffous d'elles. Il ne faudroit fouvent que nous envoyer à leur exemple pour nous faire des leçons de tempérance: nous verrions qu'elles font & plus modérées dans les befoins de la nature, & plus fidéles à fe contenir dans les bornes de fes loix. Elle parle toute feule, quand on fait & qu'on veut l'entendre: nous voyons la fin que fon Auteur s'eft propofée, en nous affujettiffant à l'ufage des alimens ; & la fimplicité de fes deffeins eft trop bien marquée pour la méconnoître ; c'est uniquement la confervation & le foutien du corps. Nous aurions de quoi douter de fa fageffe, s'il nous difoit qu'il avoit d'autres vûes que celles qui font les fuites naturelles de ce qu'il a fait: &, fi nous ne pouyons lui en attribuer d'autres en le croyant fage, comment pourrions-nous nous écarter de celles qu'il nous a marquées, & nous croire innocens? Il eft vrai que pour rendre la néceffité des alimens moins onéreufe, Dieu y

attache l'agrément des faveurs; mais par notre dépravation, ce qui n'a été donné que pour la facilité de l'ufage légitime, eft devenu la tentation journaliere de l'abus. On aime le plaifir pour le plaifir même; on en oublie la fin: & d'un penchant qui n'a rien dans fon que de bien ordonné, on s'en fait une efpéce de paffion qui outrage tout à la fois la nature & la fageffe de fon auteur.

fond

des

Mettons donc ce déréglement au rang œuvres de ténébres que nous devons éviter, d'autant plus que nous ne fommes pas des enfans de la nuit, & que les lumieres de la Religion font venues, pour nous, au fecours de celles de la raifon. C'eft ici un de ces points de morale, fur lefquels il feroit infiniment dangereux de fe méprendre & de fe flatter; un de ces points qui eft de pratique, plus d'une fois pour chaque jour de la vie, & qui influe, plus que tout le refte, dans le fond & le plan de notre conduite; un point par conféquent fur lequel il importe infiniment de former devant Dieu la plus forte réfolution, & de fe faire une régle exacte de fidélité: mais, pour parvenir à la garder, ne perdons jamais de vûe, s'il fe peut, ni l'ufage légitime, ni la véritable fin de la nourriture corporelle, fur laquelle il eft rare que les plus fages même & les plus modérés n'ayent pas quelque reproche à fe faire. N'oublions point ce qu'on nous a dit tant de fois, que la nature toujours contente de

peu,

pour fe foutenir dans fa vigueur, met à fes befoins des bornes plus étroites qu'on ne penfe. Souvenons-nous que la fobriété, la tempérance, & la mortification du corps font inféparables de la profeffion de l'Evangile; qu'une frugalité bien foutenue, fut toujours le foutien de la liberté de l'efprit, la femence de toutes les vertus dans le coeur ; la gardienne de la continence dans le corps, l'honneur des vieillards, le maître des jeunes gens, l'ornement des Vierges, la qualité propre & naturelle des Miniftres de l'Autel, la gloire & la couronne des Etats.

PRIERE.

E fera là, mon Dieu! le fruit des paro

Cles de votre Apôtre, fi vous daignez

parler efficacement au cœur de tous ceux qui les lifent ou qui les entendent: ce fut par elles que vous achevâtes de fixer un cœur qui n'étoit fait que pour vous, & qui croyoit ne pou voir vivre que de la vie de la chair. Auguftin, touché de votre grace, fentit toute la force de ces paroles; elles diffiperent fon illufion, en lui caufant une confusion falutaire ; & connoiffant mieux la deftinée de l'homme, il comprit efficacement, qu'il n'étoit pas créé pour satisfaire fon corps ici-bas.

Renouvellez, Seigneur, renouvellez.ce prodige felon l'étendue de nos befoins, & apprenez-nous à ne jamais confondre nos défirs corrompus avec nos véritables néceffités.

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Donnez-nous une fainte horreur pour toutes les voluptés & les plaifirs des fens, que votre loi défend ; & dans tout ce qu'elle nous permet, rendez-nous affez fages pour nous renfermer toujours dans la modération de l'usage, fans jamais fouhaiter d'autre jouiffance que celle de vous-même.

DE L'EVANGILE. Confiderez le Figuier & les autres arbres. Luc. c. 21.

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E n'eft pas fans raifon que la vérité nous appelle à cette confidération. Nous ne fommes pas placés dans le monde comme des fpectateurs oififs, mais comme des difciples ávides d'apprendre. Notre premiere école, c'eft celle de la nature: Eh, quelles leçons ne nous fait-elle pas, quand nous confidérons avec quelque attention ce qu'elle opére fous nos yeux! Tout l'Univers n'eft que comme un tableau exposé à nos regards, & un grand livré ouvert pour notre inftruction: Chaque éréature a pour nous fon langage; c'eft la vraie fageffe de l'écouter & de favoir l'entendre. Le jour & la nuit qui s'annoncent tour à tour; les faifons qui fe fuccédent régulierement; les années qui fe terminent; une fleur qui s'ouvre le matin, qui fe flétrit à midi, qui tombe le foir & qui fe féche; un arbre qui pouffe les feuilles au Printems, qui paroît l'Eté chargé de fruits, qui s'en dépouille en Automne,

qui refte nud & comme mort durant tout I'Hyver: ce font autant d'images naïves de la vie de l'homme & de fa derniere deflinée. Tout paffe fous le Soleil ; tout nous avertit que le temps s'abrége, que chaque pas nous méne droit au tombeau, & que nous avançons vers l'éternité.

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Confidérons donc le Figuier & les autres: arbres, nous dit le Sauveur; étudions, avec une attention férieufe & fuivie, toute la face du monde, & fes divers changemens: les uns font les préfages des autres, & nous prédifent, bien clairement, que le nôtre n'eft pas éloigné, que celui qui doit venir nous juger, eft à notre porte, & que nous devons nous tenir toujours prêts à lui ouvrir. Imitons fidélement ce que nous voyons. La vie de la grace & de la juf tice a fes âges & fes faifons: malheur à celui qui attend, pour en porter des fruits, le froid de l'Hyver, où tout eft ftérile & comme mort! Heureux celui qui ménage fcrupuleusement ces différens âges; & ne les laiffe pas inutilement couler! Heureux l'Econome qui féme avec foin dans la faifon propre, pour moiffonner avec joie, & pour fe faire des reffources dans les jours mauvais ! Que l'amour de la vertu germe donc dans nos cœurs dès le Printemps, de nos années, ou du moins durant les reftes incertains qu'il plaira à Dieu de nous en laiffer encore; qu'elle y croiffe, qu'elle y fructifie, qu'elle y parvienne à sa jufte maturité tandis

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