peu près par les mêmes dégrés qu'on eft entraîné dans les rechûtes, quand on ne veut pas en éviter les occafions: il y a feulement cette différence, que l'amour du péché rentre dans l'ame avec d'autant plus de facilité qu'il y trouve moins d'obstacles à vaincre, & que felon la parole de Jesus-Christ, l'état de cette ame devient pire qu'auparavant. PRIERE. Dieu ! qui par un effet de votre grande miféricorde, pardonnez le mal à ceux qui ceffent de le commettre & de l'aimer, ne permettez pas que j'abufe de vos bontés par une témérité préfomptueufe; rendez-moi docile au confeil que vous me faites donner aujourd'hui dans la perfonne des Mages, de ne pas reprendre les voies où je puis vous redevenir infidéle mais foutenez-moi inviolablement dans les voies nouvelles où je dois marcher pour éviter tous les écueils où j'ai tant fait de nauffrages, & pour arriver heureusement au port du falut, où il n'y aura ni combats à livrer, ni tentations à craindre, ni écueils à éviter. PREMIERE SEMAINE après l'Epiphanie. REFLEXIONS POUR LE DIMANCHE. DE L'EPITRE. Offrez vos corps à Dieu par un culte tout Spirituel. S. Paul aux Rom. chap. 12. L 'Homme n'eft pas un pur efprit, & Dieu veut bien que le culte qu'il lui rend foit mêlé de quelque chofe de fenfible: tout lui plaît quand le cœur eft à lui; mais fans le cœur, il compte pour rien tout le refte, il n'a que du dégoût pour nos victimes; il hait nos fêtes, il maudit nos bénédictions, il nous rejette fur le vifage l'ordure de nos folemnités : c'eft ainfi qu'il s'eft exprimé dans les Livres faints. Eh, que ne difent pas toutes ces paroles à qui fait les entendre? Entendons-les donc une bonne fois, pour ne pas nous méprendre dans le point capital du falut. Le facrifice extérieur n'eft que le Sacrement du facrifice intérieur : les exercices de la Religion ne font faits que pour en exprimer les fentimens ou pour les exciter; il n'en eft aucun qui n'exige de nous quelque difpofition particuliere ou qui ne la fuppofe: c'eft le ref pect, l'adoration, l'action de graces, graces, l'amour, la fidélité, le détachement du monde & de pous-mêmes, le defir des biens éternels; ce font des regrets fincéres fur nos infidélités, des gémiffemens fur nos miferes, des plaintes fur la longueur de notre exil, des vœux pour notre liberté parfaite. Voilà les difpofitions qui font en cette vie tout notre culte, fans elle, tout l'appareil extérieur & fenfible n'eft plus qu'une reprélentation de théâtre, qu'une fcéne où les acteurs expriment par leurs geftes & par leurs paroles des mouvemens qu'ils ne reffentent point: nos prieres & nos louanges ne font alors que des fons vuides ou de purs menfonges; & nous traitons avec Dieu comme avec une idole aveugle, muette & impuiflante qui n'exige & ne difcerne rien. Qu'y a-t-il cependant de plus commun parmi ceux mêmes dont prefque toute la vie eft occupée par ces dehors, & qui fe trouvent engagés par état à exercer ce Culte fenfible? La Religion y voit-elle en effet beaucoup d'adorateurs en efprit & en vérité? S'avifent-ils feulement d'approfondir les qualités effentielles qui doivent former de tels adorateurs? & contens d'un extérieur régulier & affidu, favent ils bien, ou penfent-ils que fans cet efprit de Religion, ce n'eft qu'un fantôme de piété & une illufion prefque continuelle aux yeux de la foi? Ne nous y trompons pas la méprife eft ici terrible; on ne peut trop la craindre, parce qu'il eft facile d'y tomber; & il faut avouer que nous y donnons par penchant bien plus que par réflexion. Comme la vie chrétienne paroît attachée & fe trouve même liée journellement à quelque pratique de Religion, nous nous applaudiffons intérieurement de ne manquer à rien de tout ce qu'elle prefcrit au dehors, & nous aimons naturellement à nous en faire un mérite: nous fuivons les ufages communs de l'Eglife &ceux de nos engagemens particuliers: rien n'eft plus néceffaire en effet; & qui doute qu'il n'en faille venir là quand on veut fe fauver? Nous nous faifons même, fi l'on veut, des pratiques particulieres & des devoirs perfonnels dont nous fentons la néceffité: tout eft foumis à un certain ordre: nos journées font fagement partagées, nos heures font réglées, nos momens font pleins: & encore une fois, tout homme doit fe conduire ainfi s'il veut être chrétien: mais où eft l'ame qui anime tout le corps de ces actions? Rien ne paroît peut-être en nous vuide de Dieu, & rien dans le fond n'en eft rempli ; tout y femble fait pour l'honorer, tandis que peut être tout est fouftrait à fon vrai culte & à fon amour. PRIERE. Onaye fait, comme l'hypocrite, qu'un Dieu! que je crains que jufqu'ici je amas d'oeuvres ftériles & fans prix à vos yeux! Je me repofe tranquillement fur mon exactitude à certains devoirs ; je compte avec le Pharifien les jours que je jeûne, & les herbes dont je paye la dixme: je m'arrête à ce corps d'actions religieufes qui forment l'extérieur de la piété : & qu'eft-ce que tout cela pour vous qui êtes un pur efprit? Oui, je le comprens aujourd'hui, mon Dieu ! c'eft mon cœur que vous demandez ; c'eft là l'Autel où vous voulez que je vous facrifie tous les jours, d'où vous voulez que l'encens de mes abaissemens & de mes prieres s'éleve jufqu'à vous: confacrez-vous donc vous-même ce temple feul digne de votre présence; habitez-y par votre grace, & alors je vous y rendrai un culte vraiment fpirituel ; alors je ne croirai vous honorer que par tout ce qui peut vous prouver que je vous aime, ou m'exciter moi-même à yous aimer encore plus. DE L'ÉPITRE. Ne vous conformez point au fiécle préfent. N E point fe conformer au fiécle préfent, c'eft, quand on le conçoit bien dans toute fon étendue, la régle fûre & abrégée des favans comme des fimples. Il ne s'agit prefque point de raifonner, il ne faut que des yeux pour voir. La corruption des hommes eft fi générale, que pour décider qu'une chofe n'eft pas permife, il fuffit communément d'avoir remarqué que prefque tout le monde l'a faite ; mais la pratique de cette régle eft difficile, pour peu qu'on fe laiffe aller fon penchant, & on a même peine à fe per fuader |