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vos vûes & dans fon temps, j'en reçoive le prix au temps de la récompenfe.

POUR LE MERCREDI

DE L'ÉPITRE.

N'afpirez point à ce qui est élevé, mais réduifez-vous & accommodez-vous fans peine à ce qu'il y a de plus bas. S. Paul aux Rom. chap. 12.

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E défir de la grandeur eft gravé dans le cœur de l'homme, & c'est une fuite de la nobleffe de fon ame: tout ce qui paroît l'élever le flatte, & il eft bleffé de tout ce qui le rabaiffe. Mais il fe méprend malheureufement fur l'un & fur l'autre. Comprenons une bonne fois cette méprife pour ne pas y donner, & fixons-nous à la véritable idée des chofes. Dans quelque profeffion que l'on vive, ce n'eft pas le pofte que nous y occupons qui nous rend plus ou moins grands, les condi tions de la vie font inégales, la Religion ne confond & ne dérange point la diverfité des états; les miniftéres font différens & ont des objets plus ou moins relevés; l'ordre & le bien de la fociété le demande & y font attachés. Mais toute cette inégalité difparoît aux yeux de Dieu, qui ne nous diftingue que par le plus ou le moins de fidélité. Par là, toutes les places deviennent indifférentes, &

s'il y a quelque préférence à donner, c'eft fans contredit à celles où les devoirs font moins pénibles, les occafions de chûte moins fréquentes, & les tentations d'infidélité moins dangéreufes. Ne nous laiffons donc jamais éblouir par tout ce qui peut frapper notre imagination. Ce n'eft qu'une chimere & un fantôme que notre vanité prend pour la réalité même; de-là vient que ceux qui font dans un certain dégré de fupériorité, craignent de fe rabaiffer; que ceux qui fe croyent humiliés fontfrent impatiemment la baffeffe de leur état, parce qu'on confond, fans y penfer, la place avec le mérite, & la récompenfe de la vertu avec la vertu même : ce font là tout autant de principes de vérité que l'homme fage doit établir pour régle de fa conduite, s'il ne veut pas groffiérement prendre le change.

Mais il y a ici des motifs & des réflexions plus particulieres encore pour un Chrétien ; c'eft que l'homme qui a tant de peine à devenir humble, oublie pour fon malheur qu'il s'eft dégradé par le péché, & qu'il ne lui refte de retour à la gloire que par le fentiment de fon indignité qui le fait travailler à mériter cette gloire qu'il a perdue: or toute diftinction affoiblit plus ou moins en nous ce fentiment en faut-il davantage pour nous la faire regarder dans tous états comme un écueil redoutable qu'il faut toujours fuir, & que la feule néceffité dans l'ordre de la Providence

nous engage à fouffrir, fur-tout fi l'on fe fou vient que depuis la publication de l'Evangile les chofes ont bien changé de face; que tout difciple de Jefus-Chrift humble, c'est-à-dire, d'un Dieu anéanti, ne doit point chercher d'autre élevation que celle de l'humanité même; qu'il n'y a rien de trop bas pour lui, puifqu'il ne peut jamais defcendre autant que fon Maître; qu'il trouve enfin fon intérêt à s'abaiffer, puifque ce n'eft qu'aux petits & aux humbles que Dieu révele fes myftéres, qu'il promet fon Royaume, & qu'on ne peut y entrer fi l'on ne devient petit comme un enfant? Voilà les vûes qui doivent abattre tout orgueil, rallentir toute ambition, nous rendre aimable ce qu'il y a de plus bas, nous faire du moins confentir fans peine à demeurer audeffous des autres & de tous.

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PRIER E.

Élas! Seigneur, jufqu'où ne fe rabaifferoit-on pas pour arriver aux vaines grandeurs du monde? On voit tous les jours fes vils efclaves joindre l'ambition la plus furieuse avec une baffeffe de cœur & de fentimens qui les fait remper fous tout ce qui peut les aider à s'élever; ils favent prendre la voie des humiliations même pour atteindre à une ombre de gloire qui les rend fouvent d'autant plus abominables devant vous, qu'ils font plus élevés devant les hommes, & je rougirois de paroître humilié quelques momens pour ne

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pas rifquer d'être privé de la gloire immor telle que vous réservez à vos enfans. Non, mon Dieu, j'ai d'ailleurs trop de fujets particuliers de m'anéantir devant vous; mais, à la vûe de la grandeur & de l'élevation véritable de vos Elus dans votre Royaume, faites-moi mieux ufer du défir que vous en avez mis dans mon cœur : que ce foit par un effort de ce defir même que je fache facrifier tout ce qui me feroit oublier combien j'en fuis indigne : que je me perfuade bien que tout genre de gloire ici bas n'eft pas pour moi, & que le moyen le plus affuré de la mériter ailleurs eft d'y renoncer dans cette vie tant que fes tentations dureront, c'est-à-dire, jufqu'à la mort.

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DE L'ÉVANGILE.

La Mere de Jefus lui dit : Ils n'ont point de vin S. Jean. chap. 2y.

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Left des circonftances dans la vie où l'on femble manquer du goût & de la force de ee vin précieux que la grace verfe dans les ames importance pour nous, c'est d'imiter alors la Sainte Vierge dans la priere humble &hpleine de confiance qu'elle fait à JefusChrift, en lui difant: Ils n'ont point de vin! Lots donc que le courage nous manque, & que nous ne fentons point la joie, la ferveur & la paix avec laquelle il faut fervir Dieu, il ne s'agit que d'élever nos cœurs pour nous préfenter à lui en expofant nos befoins, & cela

fuffit. Découvrez votre voie & votre état au Seigneur, en espérant fortement en lui, dit le Prophête, & il fera lui-même pour vous tout ce qu'il faut faire. Mais, pour ne pas féparer des vérités qui doivent être unies, il faut fe fouvenir qu'après avoir prié de la forte avec la Mere de Jefus, il refte à fuivre le confeil qu'elle donne aux ferviteurs de la nôce, lorfqu'elle ajoute: Faites tout ce qu'il vous dira; c'eft-à-dire, qu'il faut fe lever de la priere avec une ferme réfolution d'accomplir nos devoirs, malgré nos dégoûts & nos répugnances: nous ne verferons alors que de l'eau dans les cruches pour lui obéir: nous ferons, quoique fans goût, & ce femble fans affection, tout ce qu'il ordonne, il eft vrai; mais il changera l'eau en vin quand il lui plaira, en nous rendant la joie & la paix, & en nous donnant fe lon fa bonne volonté cette ferveur de l'efprit que l'Apôtre nous a tant recommandée.

Que fi nos tentations durent, & que Jefus Christ femble nous rebuter & nous dire comme à fa Mere: Mon beure n'eft point encara venue, ne laiffons pas d'obéir': faifons ce que nous avons à faire, & Dieu, comme il le dit lui-même, verfera fa pluie en fon temps. Ce n'eft pas à nous de lui preferire le moment auquel il doit nous confoler; mais c'eft à nous à attendre humblement le fien : il nous laiffe fouvent dans la privation des confolations fenfibles, afin de nous en donner de plus folides

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