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qu'il nous réserve. Les fecours humains & naturels nous manquent peut-être, parce qu'il nous en prépare de miraculeux; il fera par lui-même ce que nous attendions de lui par le ministére de fes créatures. Le vin manqua aux nôces & il ne resta que de l'eau, mais cette eau même fut changée dans le plus excellent vin. Ce que nous recevrons immédiatement de Dieu, vaudra infiniment mieux que tout ce que nous aurions reçû par le fecours des hommes.

D

PRIERE.

Ifpofez donc de nous, Seigneur, comme il vous plaira & en la maniere que votre Sageffe trouvera le plus convenable pour notre falut: faites feulement que nous foyons fidéles à vous obéir: foyez présent à nos réfolutions, à nos confeils & à tout ce que nous faifons,comme vous le fûtes à ces Nôces: fanctifiez nos états & toute notre conduite: répandez l'onction de votre amour fur nos actions; ou fi vous voulez nous laiffer dans la féchereffe, foutenez-nous par le fecours invifible de votre grace, & foyez glorifié en nous par le bon ufage que vous nous ferez faire de tout ce qui nous arrivera, felon l'ordre de yotre Providence.

POUR

JEUDI.

LE

DE L'ÉPITRE.

Ne préfumez pas de votre propre fageffe: S. Paul aux Rom. chap. 12.

'Il

y a quelque fageffe en nous, c'eft d'enhaut qu'elle nous vient, & nous ne devons jamais préfumer que de celui qui nous la donne; mais il y a toujours plus de folie que d'injuftice à fe flatter d'être fage. Il n'eft rien de plus borné que nos connoiffances, rien de plus incertain que nos conjectures, rien de plus trompeur que nos vûes, rien de plus fufpect que nos jugemens, rien de plus fujet à l'illufion que nos raifonnemens: tous ces caractéres ne font méconnoiffables qu'à ceux qui veulent les méconnoftre, & ils en deviennent alors eux-mêmes la preuve la plus fenfible. Que de fautes, en effet, ne faifons-nous pas dans la conduite ? Et ces fautes, fi nous y prenons garde, ont prefque toutes leur caufe dans quelque ignorance. Nous nous connoiffons peu, nous connoiffons encore moins les autres. Les objets nous féduifent, les apparences nous en impofent, nos defirs nous aveuglent & nous préviennent, nos paffions nous font prendre le change, notre crédulité nous expofe à la furprife, notre vanité nous fait compter fur des forces que nous n'avons pas; nous formons des

projets inutiles, pour ne rien dire de plus; nous prenons de fauffes mefures; enfin nous nous trompons & nous fommes trompés; nous en faifons fouvent même l'aveu malgré nous: c'est par là que nous prétendons nous juftifier; & notre grande excufe eft de dire: Je ne favois pas, je l'ai fait par ignorance ; j'ai parlé, j'ai agi comme un homme fans fageffe.

Comment donc tant de triftes expériences ne nous guériffent-elles pas de notre préfomption? Rien ne devroit nous apprendre mieux à ne préfumer pas de nos lumieres, que cette présomption même. Il faut avoir l'efprit bien borné pour être content de fes connoiffances, tandis que ce qu'on fait eft infiniment moins étendu que ce qu'on ne fait pas. Plus on a médité les principes de fa conduite, plus on a réfléchi fur fon propre cœur, plus on a d'expérience & d'ufage dans les différentes circonftances de la vie, plus on fe défie de fes propres penfées, & plus on craint les méprifes & les fauffes démarches. Le fage, dit l'Ecriture, eft toujours prêt à recevoir des confeils; il eft modefte & retenu dans fes vûes; il fait qu'il y a des voies qui paroiffent droites, mais dont les iffues ménent à la mort: il n'y a que l'infenfé qui ne fe plaît que dans fes propres idées, qui fe confie en fon cœur, qui croit fa voie toujours droite, qui marche avec fécurité, tandis que l'homme prudent toujours réservé ne s'avance qu'en tremblant & craint pour toutes fes

œuvres.

Q

PRIER E.

Ue fuis-je, en effet, fans vous? ô Pere des lumieres! Que fuis-je pour les autres, que fuis-je pour moi-même ? Qu'un guide pour le précipice. N'eft-ce pas vous qui éclairez mes ténébres? N'eft-ce pas votre vérité qui luit dans mon efprit? Etranger fur la terre, errant parmi tant de routes différentes, où porterois-je mes pas, & que ferois-je après tout, que m'égarer, fi vos préceptes ne me découvroient les fentiers que je dois fuivre ? Non, Seigneur, je n'ai de fageffe que ce qu'il vous plaît de m'en donner : vous feul en êtes la fource; ne ceffez point de la faire couler dans mon ame, & que, bien loin de préfumer de ce que j'en aurai, je croye toujours en manquer, jufqu'à ce qu'elle me faffe avouer que je fuis le moins fage, & peut-être le plus

infenfé des hommes.

DE L'ÉVANGIL E.

Il y avoit là fix Urnes de pierre, felon la couǹ tume que les Juifs ont de fe laver. S. Jean. c. 2.

R

Ten n'étoit plus incapable d'effacer les fouillures de l'ame, que l'eau dont les Juifs lavoient inceffamment leurs corps & leurs habits Mais. Il faut l'avouer, il ne manquoit à leur fidelité pour nous fervir de modéle, que d'entrer dans l'efprit de la loi comme ils en

accompliffent la lettre par ces préceptes, qui leur faifoient un devoir d'éviter tout ce qui bleffe l'honnêteté, tout ce qui fait quelque horreur aux fens; par toutes ces fcrupuleufes attentions contre la malpropreté du corps, Dieu vouloit que ce peuple groffier apprît à fe défendre avec encore plus de foin des impuretés du cœur. Prenez garde, leur difoit-il, de fouiller vos ames; foyez faints, parce que je fuis Saint moi-même.

Or, ce précepte n'étoit pas pour un feul Peuple; l'obligation qu'il impofe eft commune à tous les Chrétiens : & qui eft-ce pourtant qui la remplit dans toute fon étendue? On peut vivre ici-bas fans crime, mais on n'y vit point fans quelques péchés qui fouillent l'ame; & il faudroit bien peu fe connoître pour en douter: il ne convient qu'à un Dieu Saint par effence de ne pécher point. L'innocence la plus religieufement confervée ne fe défend pas toujours de certaines fragilités, fouvent d'autant plus fréquentes qu'elles paroiffent plus légeres, & que les principes n'en font pas affez connus. La converfion la plus fincere, après les grandes paffions, n'opére pas un renouvellement parfait de l'homme. A quelque âge & par quelque engagement que nous nous donnions à Dieu, notre dévouement à la piété fe reffent toujours par quelqu'endroit des foibleffes de la nature. Malgré nos efforts les plus conftans, malgré nos foins les plus

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