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affidus, il coule de notre mauvais fonds des reftes de corruption qui fe répandent fur nos meilleures œuvres; enfin, les plus juftes parmi nous ne font jamais, felon Saint Auguftin, que les moins imparfaits. Nous faifons tous beaucoup de faute; & la vie la plus pure à besoin d'être expiée fans ceffe par quelque nouveau Baptême: imitons donc, fi nous fommes fages, l'affiduité des Juifs à fe purifier, leurs attentions aux moindres taches, leurs craintes & leurs fcrupules fur toutes les impuretés que la Loi leur défendoit. Hâtonsnous comme eux, non pas de laver nos habits avec une eau toujours impuiffante, mais de laver nos cœurs par des gémiffemens & par des pleurs dignes des fautes que nous faifons. Ne laiffons point vieillir nos maux ; celui qui les néglige deviendra toujours plus malade, jufqu'à ce qu'il tombe dans la mort : & puifqu'il eft peu de jours où nous ne contractions malheureufement quelques fouillures, n'en laiffons paffer aucun fans avoir recours aux expiations.

M

PRIER e.

On Dieu, que de fujets en effet, de gémir encore devant vous, après les foins les plus fidéles à marcher dans l'innocence! Que de taches encore à laver après les premieres larmes de la pénitence! Que de reftes funeftes de corruption après l'expiation même des grands crimes! Donnez donc à

mon cœur, Seigneur, un fond inépuisable de regrets; donnez à mes yeux des fources intariffables de pleurs ; & puifque je fuis affez malheureux pour ne point ceffer de me fouiller à vos yeux, que je ne ceffe point d'être affez fidéle pour me laver de mes fouillures: lavezmoi vous-même de plus en plus de mes injuf tices, & purifiez-moi de tout mon péché.

POUR LE VENDREDI.

DE

L'EPITRE.

Ne rendez à perfonne le mal pour le mal. S. Paul aux Rom. chap. 12.

L

Aiffons d'abord fur cette matiere toute

la force du précepte qu'il faut obferver, quoiqu'il en coûte, fous peine du falut éternel, & fans confidérer ici les raifons fupérieures qui nous y engagent: n'examinons un mo◄ ment que le frivole de celles qu'on croit avoir de violer ce grand précepte; & apprenons du moins à devenir plus raifonnables, fi nous ne fommes pas encore folidement Chrétiens. Vouloir rendre le mal pour le mal, c'est de toutes les envies la plus infenfée. Guérirezvous vos plaies en bleffant celui qui vous les faites? Rétablirez-vous votre honneur en détruifant le fien? Recouvrerez-vous le repos en le lui faifant perdre ? Que gagnez-vous

repouffer fes injures par des injures, & fes menaces par des menaces? En fouffrez-vous moins ce que vous lui faites fouffrir? Tout ce qu'il y a de réel dans votre vengeance, c'est qu'au lieu d'un malheureux & d'un coupable, vous en avez fait deux. O qu'il feroit bien plus digne de l'humanité & de la charité, d'avoir pitié d'un homme en qui la voix de l'une & de l'autre eft étouffée, de détefter en lui l'injuftice & les emportemens de la colere ; d'apprendre à hair le péché fans haïr le pécheur, d'effayer de le ramener à la raifon par la patience & par la modération!

L'Evangile nous dit quelque part, que fi l'on nous frappe fur une joue nous avions à tendre l'autre, & cette maxime ne demande prefque toujours de nous que la préparation fincére de cœur à la fuivre ; mais dans la conduite rien ne feroit plus capable de défarmer l'ennemi le plus furieux. Une réponse douce calme la colére, dit le Saint Esprit, mais un difcours infpiré par le reffentiment ne fait que l'irriter davantage. On acheve de perdre fon frere, au lieu de chercher à le gagner: on fe rend coupable des redoublemens de fon mal; on fe fait à fui-même un ennemi plus irréconciliable. Une parole, une injure repouffée en attire une autre ; un fecond outrage offenfera plus que le premier : on fera moins capable de le pardonner, on voudra fe venger de nouveau. Quel affreux enchaînement de maux !

Que de funeftes fuites! On aura mille fujets defe repentir d'une vengeance inutile, & jamais on ne fe repentira d'avoir pardonné. C'est donc prudence d'y tenir fon cœur roujours prêt. Par là on conferve la paix de fon ame, on s'épargne des remords, & on fe ménage la confolation de fouffrir les méchans fans les imiter.

PRIER E.

Mdre de ne pas comprendre toute la fageffe de vos Loix! Aveuglés par leurs paffions, ils croyent fe foulager & ne font qu'augmenter leurs peines. Heureux qui fait vous obéir fans fe confulter lui-même ! C'est notre propre bien que vous voulez, Seigneur ; vous favez mieux que nous ce qui nous eft utile. Donnez moi-donc pour vos commandemens une docilité parfaite: que je mette toute ma prudence à les fuivre, fans raifonner; préferyez-moi dans les occafions de la féduction de mon impatience, & ne permettez pas qu'en voulant me venger, je ne faffe qu'ajouter le trouble de ma confcience à la douleur d'un mauvais traitement pour les autres ou pour moi.

On Dieu, que les hommes font à plain

L

DE L'EVANGILE.

Il n'y a perfonne qui ne ferve d'abord le bon vin. S. Jean, chap. 2. A dépravation de l'homme ne s'eft pas contentée d'avoir changé fes befoins en plaisirs, il en eft venu jufqu'à réduire ses plaifirs en préceptes. Il y a des régles & des maximes établies fur la plupart des paffions: il y en a fur l'intempérance des repas. Ce n'eft pas affez d'avoir recours à tout ce que la fenfualité peut infpirer, ou à ce qui peut la fatisfaire, il faut encore un ordre &'une méthode dans fes différens ufages, & des gens qui croyent avoir de la raifon, vous entretiennent quelquefois auffi férieusement d'un fervice de table que d'autres vous parleroient de la maniere de rendre la juftice & de gouverner fagement les peuples. On n'exagere point quand on dit d'eux après l'Apôtre, qu'ils ont fait leur dieu de leur ventre; c'eft proprement pour lui qu'ils vivent : ils ont bien mangé & bien bû aujourd'hui ; ils boiront & mangeront encore mieux demain. Voilà ce qu'ils fe promettent, ce qui fait l'objet de leurs pensées & de leurs defirs.

Quelle vie! quel abrutiffement! quel oubli de la haute deftinée de l'homme, & par là même quel préfage de réprobation, & quel caractére enfin d'impiété ! Mais que feroit-ce, fion en trouvoit encore quelques traces dans

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