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des perfonnes engagées par état à donner par tout des leçons & des exemples de tempérance & de fobrieté? Que feroit-ce, fi honoré de la qualité de Miniftre & de Serviteur de Jesus-Christ, on venoit à oublier qu'heureux font ceux qui ne connoiffent point d'autres plaifirs ici-bas, que celui de les méprifer tous; qui favent ufer de tout ce qui eft dans le monde, comme s'ils n'en ufoient pas, & qui loin de defirer & de rechercher le fuperflu pour contenter leurs fens, craignent fans ceffe & repriment la cupidité jufques dans leur néceffaire? Le Jufte mange, dit l'Ecriture, & il eft content de peu, tandis que le ventre du voluptueux eft infatiable. La vie même eft à charge à celui qui en defire une meilleure : il regarde les foulagemens que la nature exige, comme des fervitudes plutôt que comme des voluptés. Il ne donne point à la fenfualité ce qu'il ne doit qu'à la néceffité: tous fes defirs fe renferment fagement dans fes befoins; & dans l'impuiffance de fe paffer d'alimens, il en goute le plaifir paffager, fans le rechercher : toujours dans la modération de l'ufage, il ne va jamais jufqu'à la paffion de la jouiffance; & toujours en garde contre la furprise des fens, il ne craint que la multiplicité de ce qui peut les fatisfaire.

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PRIER E. Ue ce foient donc là més régles, Seir gneur, & les principes inviolables de

ma conduite. Que je n'écoute jamais les maximes du monde fur le boire & le manger, qu'avec compaffion pour ceux qui les débitent, qu'avec une jufte indignation contre l'abus qu'ils font de vos créatures. Que j'aye toujours présente cette parole de votre Apôtre: que vous détruirez un jour & les alimens & le ventre: afin que le fouvenir du peu de durée de la vie m'empêche d'en rechercher jamais les douceurs avec la moindre paffion. Que je ne vive pas pour manger, mais que je me contente de manger fobrement pour vivre, & que bien convaincu de la nobleffe de ma deftinée, je fois dégagé de toute affection des biens préfens, par l'amour des biens éternels que vous me promettez.

POUR LE SAMEDI.

DE

L'EPITRE.

Soyez attentifs à faire le bien, non-feulement dans la vie de Dieu, mais aussi par rapport à tous les hommes. S. Paul aux Rom. chap. 12.

Npliffement des devoirs de la juftice

Otre premiere attention dans l'accom

c'eft de plaire à Dieu fous les yeux de qui nous vivons. Nous lui devons l'obéiffance, mais nous devons l'exemple aux hommes. Il faut que notre conduite les inftruife, les ani

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me ou les condamne. Nés pour la fociété, nous fommes les modéles les uns des autres; & notre premier inftinct eft en effet de nous former fur ceux avec qui nous vivons:rien donc n'eft indifférent pour le prochain dans nos actions & dans nos paroles; tout frappe plus ou moins, tout fait impreffion. Ne pas craindre de faire le mal devant les autres, ou de leur en montrer les apparences, c'est leur en faire des leçons ; c'eft affoiblir en eux l'amour de leurs devoirs & l'horreur du vice; c'eft juftifier à leurs yeux leurs propres fautes. Seconde attention qui doit redoubler notre exactitude à tout ce que la probité, la juftice; la modération, la droiture & l'équité nous prefcrivent; à réprimer nos paffions, à corriger nos relâchemens, à contenir nos vivacités, à diffimuler nos humeurs, à ne rien laiffer voir en nous qui n'imprime l'image de quelque vertu dans les efprits. Ce n'eft point ici un fimple confeil de plus grande perfection ; & de quelque condition qu'on foit dans de monde, quelque rang qu'on occupe dans un état particulier, avec qui que ce foit que l'on vive fur la terre, c'eft une grande illufion de croire pouvoir montrer fes défauts fans conféquence, & fe difpenfer de bien faire: convainquons-nous bien, avant toutes chofes, de cette vérité.

Mais en voici une autre également importante: c'eft que plus la profeffion que nous Tome I.

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faifons eft fainte, plus nous fommes obligés à cette dette du bon exemple: c'est à ceux que leur état confacre plus particulierement à la piété, de l'honorer, de l'autorifer, de lui donner du crédit dans les efprits, & de fermer la bouche à ceux qui cherchent à la défigurer Ou à la mettre au décri. Des mœurs irréprochables, un défintéreffement parfait, un détachement bien marqué de toutes les efpérances de la terre, une modeftie édifiante & une gravité qui annonce par tout le férieux de la Religion, une modération qui ne se dément jamais, une douceur qui ne s'altére point au milieu des injures, une patience à l'épreuve des mépris du monde, de ses violences, de fes adverfités ; une fermeté conftante à fe défendre contre tous les charmes des objets les plus féduifans: voilà par où les premiers fidéles inftruifoient, confondoient & convertiffoient fouvent les payens. Tout cela convainc encore les libertins, les impies, les gens du monde, que la Religion n'est pas une chimere, ni fes promeffes ou fes menaces de vaines idées; que les préceptes de la loi font faits pour les hommes, & qu'une exacte vertu eft poffible dans tous les états: il n'eft point même de motif plus capable de les y porter, que cette conviction qui leur ôte abfolument toute excufe en diffipant le prétexte de l'impuiffance.

PRIERE.

'Eft ainfi, ô mon Dieu! que vous faites

Cfervir l'homme au falut de l'homme, &

que vous rendez inexcufables ceux qui ne favent pas ufer d'un moyen fi conforme au penchant de la nature. La vie de ceux qui vous fervent avec fidélité, juftifie la fageffe de vos loix, & montre à la lâcheté des pécheurs qu'elles n'ont rien de trop févére: faites donc que je concoure à ce deffein fi digne de vos miféricordes, fi confolant pour moi, fi propre à vous prouver mon refpect & mon amour, & fi capable de foutenir ma confiance en vos bontés. Faites, Seigneur, que, pour m'animer plus fortement au bien, je joigne toujours au defir de vous obéir, l'envie & le zélé d'être utile au falut de mes freres ; qu'ils ne voyent plus rien en moi qu'ils ne puiffent imiter; que jamais il ne m'arrive de bleffer en rien la confcience des foibles, de leur être une occafion de chute, ou de les faire périr par mes mauvais exemples; que je fois attentif à faire du bien devant tous les hommes non pas pour m'attirer des louanges, mais pour faire glorifier votre Saint Nom; non pas pour avoir de ftériles admirateurs, mais des imitateurs fidéles.

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