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bien la vérité fera en droit de leur reprocher qu'ils n'aiment point l'une & qu'ils n'ont point l'autre.

PRIER E.

Dieu de la paix, c'est à vous feul qu'il appartient de m'apprendre avec qui je dois la conferver & comment je le puis! Ne permettez pas qu'une indolence criminelle, qu'un excès d'amour pour le repos me le faffe rechercher au prix d'une adulation baffe, d'une molle complaifance, d'une fauffe indulgence pour les vices, ou d'une lâche crainte des difgraces du monde : que jamais, Seigneur, je ne defire d'avoir pour amis ceux qui vous haiffent, à moins que vous ne les changiez! Mais que, je change le premier pour fouffrir patiemment ce qui ne bleffe que mon amour propre: qu'une charité vraiment défintéreffée me faffe toujours penfer qu'on ne m'offenfe jamais, & toujours craindre d'offenfer les autres ; que pour avoir plus fûrement la paix avec eux, je commence par me mettre en paix avec moi-même par une entiere victoire fur toutes mes paffions. C'est l'ouvrage de votre grace en moi; mais c'est mon travail avec le fecours de votre grace, & je vous demande l'un & l'autre.

Ry

DE L'EVANGILE.

Un lépreux vint fe profterner aux pieds de Je→ fus-Chrift, & lui difoit: Seigneur, fi vous voulez, vous pouvez me guérir. S. Mat. c. 8. LA A lépre n'eft pas par elle-même une ma

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tés honteufes qui rendent les hommes hideux. Chez les Juifs elle les faifoit regarder com me impurs, & féparer du refte de la fociété. Il y a de même quelquefois dans ceux qui font Ily ou qui fe croyent exempts de ces crimes qui donnent la mort, certains défauts multipliés qui défigurent l'ame aux yeux de Dieu, qui déshonorent leur piété devant les hommes, qui la rendent fufpecte, qui font même haïr & fuir leur compagnie comme incommode ou dangereufe; ce font des inégalités de conduite & d'humeurs qu'ils n'ont pas eu foin de réformer en corrigeant des grands vices: ce font des hauteurs naturelles, des fiertés inspirées par l'éducation ; des délicatefles fur certains égards qu'on fe croit dûs, des airs méprifans aufquels on s'eft accoutumé par Fentêtement de fon propre mérite, des réponses aigres, des traits piquans qui échapent encore à un efprit qui s'étoit fait une malheureufe habitude de ne rien épargner, des caprices, des vivacités, des impatiences, des brufqueries dont on dit qu'on feroit embarraffé de rendre raifon.

Mais ce qu'il y a de plus dangereux dans des fautes de ce caractére, c'eft que fouvent ceux qui y tombent ne fe les reprochent point, parce qu'elles ne les détournent pas des grands devoirs, & ne détruifent point leur amour pour la vertu. Ils feroient, difent-ils, trèséloignés de fe rien permettre qui fût ouvertement contraire à la juftice; ils ont au dedans, ce femble, tout le fond de la charité dont ils obfervent fi peu les dehors: ils ne feroient pas fâchés, ajoutent-ils, de n'avoir plus leurs imperfections; ils ne les aiment point, mais ils ne fongent point férieusement à s'en corriger, & il femble que ce ne foit pas leur propre affaire ils diroient volontiers à Dieu : Seigneur, fi vous voulez, vous pouvez me guérir; pour moi, j'y renonce, & je ne veux pas m'en donner la peine. Difpofition dangereuse que la bouche n'exprime pas toujours, mais qui n'eft que trop réellement au fond de plufieurs cœurs. Les moins indifférens, ce font ceux qui le contentent de dire: Je voudrois, mais je ne faurois ; ce qui ne fignifie pourtant chez eux autre chofe, finon qu'ils ne le veulent pas comme il le faut. Hé, d'où peut venir cette indifférence! Peut-on fe voir fi difforme & fi fouillé de tant de taches! Peut-on s'envifager fi loin de la perfection, fi diffé rent des Saints, fi peu capable d'édifier le prochain, fi fujet à le contrifter, à lui causer des dégoûts ou des peines, fans en rougir,

fans s'en affliger, fans s'en humifier profondé ment devant Dieu, fans lui répéter fans cefle avec les fentimens du Lépreux: Seigneur, fi vous voulez, vous pouvez me guérir!

Ο

PRIERE.

Ui, vous le pouvez, mon Dieu; & je ne cefferai point de vous en conjurer à la vue de tant de fragilités qui me restent de mes vieilles habitudes: dites donc pour moi cette parole efficace, cette parole de falut: Je le veux, foyez guéri. Ne différez point ma guérifon ; exaucez-moi dans l'inftant, vous le pouvez. Je fens, mon Dieu, que fi vous ne m'ôtez pas tant de difformités, tant d'imperfections qui vous déplaifent, c'est qu'elles ne me déplaifent pas affez à moimême, c'eft que je n'en fuis pas affez humilié devant vous, c'est que je ne defire pas affez vivement d'en être délivré, & que je n'y travaille pas avec affez d'affiduité; mais augmentez, Seigneur, ce defir même & ce tra vail, vous le pouvez.

POUR LE LUN'D I.

DE

L'EPITRE.

Ne vous vengez point, mais cédez plûtôt à la colere; car il est écrit: c'est à moi la que vengeance eft réservée. S. Paul aux Rom. c. 12.

N

Ous fommes à Dieu, & c'eft lui qu'on offense en nous; par conféquent c'eft le droit de Dieu de venger les injures qu'on nous fait, l'écriture y eft formelle: il voit lui feul le fond des cœurs, il connoît la mefure de l'outrage; il fait fi c'eft foiblefle ou malignité dans l'offenfeur, & quel tort il fait à Foffenfé: lui feul peut proportionner le châtiment à la faute, & le venger fans emportement & fans excès, parce qu'il tient dans fes mains la balance de la justice, & qu'il eft la justice même. Mais nous, miférables mortels, qui n'avons ni droit, ni pouvoir, ni connoiffance exacte, ni juftice, ni exemption de paffions, pourquoi courir à la vengeance? Envain nous parons-nous du zéle de cette juftice & du prétexte de ne pas augmenter par le filence ou l'impunité la malice d'un ennemi. C'eft notre propre intérêt qui fait communément tout notre zéle ; c'eft notre amour propre qui eft bleffé; c'eft le dépit ou la vanité qui nous anime ; c'eft moins fur l'injure que fur notre reffentiment, que nous

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