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nous

tiront alors, mais trop tard, combien la durée d'une vie qui paffe eft courte, combien eft étrange l'erreur qui s'appuie follement fur des momens fucceffifs, & la fauffe confiftance qu'on a voulu donner à une modique portion de temps, dont il faut néceffairement fortif pour être fixé dans une éternité! Voilà donc la vérité qui nous intéreffe ici, & dont la conviction ne peut être en nous trop intime: c'eft que, quoique nous faffions, & quels que foyons, l'espace de nos jours eft renfermé dans des limites bien étroites; que nous touchons réellement à notre derniere heure ; qu'il n'y a qu'un pas entre la mort & nous; & qu'enfin Dieu nous a marqué des bornes que nous ne pafferons pas d'un feul inftant. Eft-il fage, eft il raifonnable de perdre le peu de temps qui nous refte, à deviner fi celui qui ne nous fera pas donné, doit être bien long? Eh, des criminels, incertains de leur fort dans le fond d'un cachot, s'amuferoient-ils ainfi du court intervalle qui eft entre leur prifon & leur ar rêt, s'il ne leur étoit donné que pour travail ler à éviter le dernier fupplice?

A

PRIER E.

Yez pitié de mon aveuglement, Seigneur. Hélas! A quoi me ferviroit d'au voir prévu le dernier jour du monde, fi je n'y dois pas arriver? Quand vous m'auriez promis quelque connoiffance de l'avenir, la grace' que j'aurois à vous demander, ce feroit de me

faire connoître ma fin, de m'apprendre le nombre des jours que vous avez résolu de m'accorder; je faurois du moins combien il m'en reste encore à paffer fur la terre: mais vous avez prévû, mon Dieu, qu'il me feroit plus avantageux de l'ignorer; & vous ne me cachez le dernier jour, que pour me les rendre tous utiles. Vous connoiffez ma pareffe, & vous n'avez pas voulu m'expofer à la tentation de la négligence; je vous en bénis, Seigneur : daignez me faire entrer dans les vûes de votre bonté; que l'incertitude où vous me laiffez, me défende des illufions d'une fauffe efpéran ce, & que je ne me promette jamais affez de vivre pour oublier un feul moment que je dois vous rendre compte de tout.

POUR LE SAMEDI

DE

L'EPITRE.

Revêtez-vous de Jesus-Chrift notre Seigneur.

CE

Rom. c. 13.

E que nous n'avons confideré qu'en général le jour précédent, a dû nous ap prendre ce que c'eft que de nous revêtir de Jefus-Chrift: mais jettons encore aujourd'hui les yeux fur cet adorable objet. Eh, quel autre fur la terre fut jamais plus digne de toute notre attention? Souvent, peut-être, & trop souvent, notre foi foible & chancellante, eft

tentéé de fe fcandalifer de la baffeffe apparen te, parce que nous le cerchons dans la fplendeur qui ne lui convenoit point ici-bas, & non dans celle que demandoit le deffein de sa misfion: il étoit envoyé pour donner aux hommes tout ensemble, des leçons & des exemples de vertu; pour leur apprendre la nature des vrais biens, & la fragilité de ceux qui paffent; pour établir un culte plus digne de l'Eftre parfait, & lui former de vrais adorateurs; pour remettre les péchés du monde ; pour corriger, par fa. naiffance, les vices de la nôtre, & nous prépa rer des fecours falutaires, foit pour nous garantir, foit pour nous relever de nos chûtes.. Oh, que Jefus Christ paroît grand dans cet ordre qui lui eft propre! Il ne lui fervoit de. rien de fe montrer environné de la pompe mondaine, & de venir en Roi, quoique lui feul méritât de l'être. Cette efpéce de grandeur étoit étrangere à fa deftination; il devoit être Saint, & former des Saints: & jamais homme n'a porté fi haut la perfection des mœurs, ni celle des préceptes.

Envifageons-le un moment dans fes difcours, où brille, avec une aimable fimplicité, P'éclat le plus vif de la fagefle, Quels traits de grandeur! Quelle lumiere Sa parole eft fans art mais fes idées font fublimes. & admirables: l'efprit humain qui les fuit, éprouve, en, les fuivant, un raviffement inconnu ; lui feul n'en paroît pas furpris ; il eft plein des myfte

res d'en haut, mais il n'en eft pas émû comme les autres mortels à qui Dieu fe communique; il en parle fans effort; la vérité lui eft familiere; il eft vifiblement né dans le fecret qu'il révele aux hommes; fouvent même il eft contraint de tempérer la hauteur de fa doctrine, & de répandre, avec mefure, ce qu'il a fans melure, afin que notre foibleffe le puiffe, porter. Regardons-le dans la candeur & l'innocente uniformité de fa conduite: quel autre, vivant au milieu des hommes & fous les yeux d'une multitude ennemie, a pû dire, fans crainte d'en être repris: Qui de vous me convaincra de péché? Et encore, Je fuis la lumiere du monde; je fuis la Voye, la Vérité & la Vie. Que cette confiance eft majestueufe & digne d'admiration! Voyons-le encore dans fes œuvres. Elles font toutes d'un caractere nouveau. Ne prenant de l'humanité que les peines, il ne difpofe de la nature qu'à l'avantage des hommes; fes prodiges appartiennent à l'utile, autant qu'au merveilleux: on croiroit qu'ils naiffent de fa bonté plus encore que de fa puiffance. Cependant, avec quelle facilité, avec quelle promptitude l'exécution fuit fa parole! Un inftant, un regard, un attouche-. ment de fa main, un figne rapide lui fuffit. Il fort de lui un pouvoir & une vertu efficace dont il femble qu'il ne peut retenir la plénitude; il n'en fufpend & n'en arrête enfin les effets que dans une feule occafion: c'eft celle,

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de fon facrifice volontaire, pour ne pas éviter le genre de mort qu'il a choifi, & pour permettre à fon amour de le faire expirer fur une croix comme la victime du falut des hommes. Ah! certainement, n'euffions nous aucun intérêt à le dire, toujours faudroit-il reconnoître que le monde n'a jamais vû d'exemple d'une grandeur fi foutenue dans l'ordre de la fageffe, de la puiffance, & de la fainteté.

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PRIERE.

Ui, mon adorable Sauveur ! cette grandeur m'accable, & je ne puis l'envifager qu'avec une refpectueufe frayeur, mêlée pourtant d'une joie intérieure qui me ravit : Que ne puis-je m'en occuper dans tous les inftans! Hélas! Et pourquoi les néceffités de la vie ne me permettent-elles pas de m'absorber tout entier dans la contemplation de vos divines perfece tions? Ah, Seigneur! Ayez pitié de ma mifére; rempliffez-moi de vous autant que mon état de foibleffe le peut porter ici-bas: que je ne voye déformais fur la terre rien de grand que vous; rien de fublime que votre doctrine; rien de vrai que votre Evangile ; rien de jufte & de fage que vos faintes loix; rien d'aimable que vos vertus & vos exemples; rien de digne de tout le retour de mon cœur, que votre amour exceffif pour moi; rien de néceffaire enfin, que le bonheur de vous appartenir ici bas par votre grace, avec la confiance d'être un jour confommé en vous dans votre gloire.

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