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ter notre réconciliation avec vous; & lorfque nous ferons vraiment réconciliés, nous vous offrirons avec joie, Seigneur, non plus le don prefcrit par Moïfe, mais le don figuré par ceux que prefcrivoit la Loi de Moïle: nous offrirons non plus un figne ftérile de notre fanctification, mais l'Auteur même de la juftice & de la fainteté, cette chair adorable dont eft fortie la vertu divine qui nous aura guéris, & ce fang précieux dont l'afperfion nous aura purifiés.

POUR LE MERCREDI

DE L'EPITRE.

Sachez vaincre le mal par le bien.
S. Paul aux Rom. chap. 12.

C

E n'eft pas affez pour la charité chrétienne de fouffrir en paix les mauvais traitemens des ennemis, d'émouffer les traits de leurs infultes par fa grande douceur, fatiguer, pour ainfi dire, leur malignité par fa pa

tience, de défarmer enfin leur colere en ne leur résistant point; elle demande encore à en triompher par fes bienfaits. Les occafions de les fervir lui font précieuses; elle les faifit avec empreffement; elle va même jufqu'à les rechercher, jufqu'à les prévenir par fes bons offices. C'eft ainfi que l'entend Saint Paul en nous difant de vaincre le mal par le bien, &

c'éft

c'eft fur quoi l'Evangile nous propofe Dieu même pour modéle. La bonté du Pere célefte que nous adorons ne diflingue point les bons des méchans dans les foins de la providence. Son foleil luit pour les uns comme pour les autres. Il pleut également fur les injuftes & fur les juftes. Dans l'ordre de la grace il femble qu'il ait de la prédilection pour les pécheurs. Jefus-Chrift, le bon Pasteur, laiffe les quatre-vingt-dix-neuf brebis fidéles pour courir après celle qui s'égare. Il la cherche, rapporte fur fes épaules, il fe réjouit de l'avoir retrouvée.

il la

Voilà au vrai notre modéle; qu'au befoin ceux qui nous ont offenfés foient quelquefois préférés à nos amis mêmes; que nous n'attendions pas que la néceffité les force de revenir à nous; que nous faffions par la charité les avances que la vanité fait faire quelquefois à la générofité mondaine pour un ennemi décla ré; que nous les fervions en fecret & en pu blic; que nous n'épargnions ni foins, ni prévenances, ni témoignages d'amitié pour les gagner. Ne pourfuivre en eux que le péché, les plaindre du tort qu'ils fe font par leurs emportemens, s'affliger de les voir expofés aux vengeances célestes, & nous croire nousmêmes affez vengés, fi Dieu leur fait mitéricorde. Tels font les fentimens & les effets de la charité qui nous fait afpirer à imiter Dieu, même dont elle nous rend les enfans.

Tome I.

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PRIER E.

Dieu! que cette charité eft donc rare dans le monde! & qu'est-ce que celle qui ne veut rien faire pour le prochain qu'avec réferve & comme par compte, qui croit avoir beaucoup avancé de ne le pas haïr après fes offenfes, qui voudroit fe renfermer dans les bornes de l'indifférence, qui trouve que c'eft affez de ne point faire de mal ou de n'en point fouhaiter, & d'avoir hafardé pour fe reconcilier quelques démarches de bienféance. Si ce n'eft point les haïr, a-t-on quelque fujet de croire que c'eft aimer & d'en perfuader fon propre cœur? Ah! Seigneur, ne permettez pas que jamais je borne là mes fentimens. Votre fainte loi eft trop claire, & votre exemple trop énergique pour favorifer nos illufions fur cet article. Faites que l'un & l'autre me fervent toujours de guide. Que ce foit par mes œuvres que je puisse me répondre de mon amour pour ceux qui m'auront marqué de l'inimitié, & que j'imite affez votre bonté fur les pécheurs, pour me flatter d'avoir l'efprit de vos enfans.

DE L'ÉVANGILE.

Le Centenier lui répondit : Seigneur, je ne fuis pas digne que vous entriez dans ma maifon. S. Matth. chap. 8.

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Ne des réflexions qui revient le plus fouvent en lifant ces hiftoires, c'eft

qu'on ne fauroit être trop reservé dans fes jugemens. Il y a une infinité d'actions qui préfentent deux faces toutes contraires; & les bonnes comme les mauvaises apparences fe reflemblent fi fort, qu'il eft aifé de s'y méprendre. A juger de la conduite du Centenier par le récit de S. Luc, on eût pû penfer que c'étoit par défaut de refpect pour JefusChrist, qu'il n'étoit pas venu le trouver luimême; on eût dit qu'il n'avoit pas daigné lui faire cet honneur, pour parler le langage du monde, & la fuite fait voir cependant qu'il s'en croyoit lui-même très-indigne. Ce fentiment eft fincere, & naît en lui de la haute idée qu'il a de Jefus-Chrift; tout homme qui fe compare avec Dieu fe trouve fi bas, fi petit, fi miférable, qu'il fe croit vraiment indigne de tout. Il s'étonne comment un Eftre fouverainement indépendant, fe rabaiffe jufqu'à fonger à lui, jufqu'à pourvoir à fes néceffités, jufqu'à l'écouter quand il le prie. A chaque bien qu'il nous fait, à chaque grace que nous recevons de lui; ce fond de notre coeur devroit lui faire entendre cette parole,' Seigneur, je n'enfuis pas digne.

Un fujet du plus bas peuple qui fe verroit prévenu par fon Roi de toutes fortes de bienfaits, qui le verroit redoubler pour lui fes' attentions au befoin, qui n'auroit qu'à lui demander des faveurs pour les obtenir, qui verroit tous fes Miniftres s'empreffer à le fer

vir, ne fe lafferoit point d'admirer la géné rofité du Prince, il trouveroit de l'excès dans fes bontés, il feroit confus de lui-même & de la di proportion de fes mérites avec les traitemens qu'on lui feroit ; & ce feroit pour-. tant un homme qui s'humilieroit devant un autre homme. Mais un homme devant Dieu, un pécheur, comment peut-il perdre de vûe, fon néant & fon indignité. Il n'eft digne en effet ni des fecours de Dieu, ni de ceux qu'il reçoit de fes créatures Ce devroit être fa réponse à tout à toutes les heures, à tous les inftans il devroit fe fouvenir qu'il ne mérite pas même de vivre.

PRIERE.

Er qu'entendez
E prefque tous cours, contraire

T qu'entendez-vous au contraire dans

les

?

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mon Dieu ? Armés de vos dons, comblés de vos graces les plus gratuites, il n'en eft prefque point qui ne fe croye digne de quelque chofe de meilleur que ce qu'il a reçû de vous. Les penfées d'orgueil & d'ambition, les defirs de la cupidité, le déplaifir fecret d'être borné dans fon état, dans les talens & dans fon pouvoir; les efpérances frivoles dont on aime à fe repaître, & mille autres différens fentimens, ne font fondés que fur l'opinion qu'on a de fon, propre mérite. O Dieu! guérillez-moi d'un aveuglement fi déplorable & fi funefte dans fes fuites, mais qui a toujours des racines trop profondes dans la plaie que le péché, #2

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