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cure des remédes aux maux les plus défefpérés; rien ne l'arrête, tout inftrument eft bon dans fes mains; une petite pierre qui fe détache d'une montagne renverse, quand il veut, les coloffes; deux hommes défont une armée entiere, dix en pourfuivent mille; toute l'Ecriture, tout l'univers en montrent des exemples : il ne faut que de la foi, il ne faut même que des yeux.

PRIER E.

Ue cette penfée, Seigneur, eft confolante, & qu'il eft doux de fe la rapeller au befoin! Remettez-la donc fans ceffe dans mon efprit. Que ce foit le fruit de la puissance que les hommes exercent fur ceux qui leur font foumis, & de l'obéiffance que je rens ou que je vois rendre à d'autres; que plus les hommes ont d'autorité fur les hommes, plus ils me faffent reffouvenir qu'ils ne la tiennent que de vous; que je ne fois point effrayé des. plus terribles menaces du monde; que je ne me décourage jamais dans les calamités de la vie, mais que pour me calmer il me fuffife de penfer que vous pouvez tout, & que votre puiffance feule eft au-deffus de tout.

POUR LE VENDREDI

DE L'ÉPITRE.

Ne demeurez redevables que

de l'obligation

de vous aimer les uns les autres.

S. Paul aux Rom. ch. 13.

Es noms d'amour & de charité ne pré

Lfentent pas d'abord à l'efprit l'idée d'une dette; & rien ne paroît fi libre que d'aimer ou de n'aimer pas: mais ce feroit fe tromper de juger ainfi de l'amour du prochain. Ce n'eft point un amour de penchant & de goût, mais un amour de précepte & de devoir, qui n'a point pour attrait les qualités perfonnelles, la fympathie & la conformité des humeurs: il s'étend indifféremment à tous, fans réferve, fans reftriction; & le bien que nous pouvons recevoir du prochain n'en eft point le motif, comme le mal qu'il peut nous faire n'en eft point la difpenfe : voilà ce qui fait que la dette en eft continuelle ; on a beau la payer, jamais on ne s'en acquitte. Les devoirs extérieurs peuvent être bornés dans leur mesure, interrompus par les fituations, fufpendus par prudence, terminés par le temps: ils n'obligent pas toujours ni pour toujours. Les fecours qu'on doit aux foibles aux indigens, aux malheureux, font terminés par les occasions, mefurés fur les befoins, proportionnés au pou

voir de celui qui les donne. On n'eft pas obli gé de tout faire pour toutes fortes de perfonnes; mais la charité n'en connoît abfolument aucune qui lui puiffe être indifférente, aucune qu'elle puiffe hair ou ne point aimer.

Voilà fa durée & fon étendue. Il faut, dita S. Auguftin, qu'elle enfante les uns, qu'elle fe rende foible avec les autres, qu'elle prenne foin d'édifier ceux-ci, qu'elle craigne d'offenfer ceux-là, qu'elle s'éleve vers ceux qui font au-deflus d'elle, qu'elle fe rabaiffe vers ceux. qui font au-deffous, qu'elle foit tantôt douce, & tantôt févere. S'il y a des œuvres incompatibles, les plus étroitement commandées doivent toujours paffer les premieres. Il peut même arriver qu'on fe trouve dans une impuiffance abfolue d'agir au dehors, mais la charité ne doit jamais ceffer de régner au fond, du cœur; & il faut alors fuppléer aux œu vres par les defirs. La patience à fouffrir le prochain doit être fans bornes. A quelque excès que les hommes ayent porté la malignité, l'ingratitude, les violences, il faut les aimer encore les tolérer & ne les point aimer, n'eft point une vertu, mais un vice déguifé; les fouffrir patiemment & leur refufer la dilection, ce ne feroit pas montrer de la, douceur, mais favoir diffimuler fon reffenti. ment & fes dépits. L'amour enfin dont nous. fommes redevables les uns aux autres, est un amour de cœur, un amour fincére qui fasse.

tout le bien qu'il peut, qui defire tout celui
qu'il ne peut faire, qui fouffre tout le mal,
qui le pardonne, qui
qui fouhaite que Dieu le,
pardonne de même, & qui le lui demande:
avec ardeur.

T

PRIERE.

El eft, ô mon Dieu le cœur que vous demandez de nous ; & pouvez-vous ne pas le demander fi vous êtes notre pere? Un. coeur qui fache aimer tous les hommes, qui les aime fans ceffe, qui ne les ait jamais aflez, aimés. Donnez-le moi donc vous-même, mon. Dieu, ce cœur fi chrétien & fi digne de vous;. répandez dans le mien tout l'amour dont vous. m'ordonnez d'aimer mes freres ; faites que j'en, fente l'obligation comme on fent celle d'une dette dont on eft preffé de s'acquitter: heureufe dette qui ne diminue point le fond de celui qui la paye, mais qui l'enrichit d'autant plus qu'il la paye à plus de personnes.

DE LE VAN GIL E.

Je vous affure que je n'ai pas trouvé dans·
Ifraël même une fi grande foi.
S. Matth. chap. 8.

S

Ouvenons nous bien que c'eft un étran ger, un officier de guerre que le Sauveur releve ici par fes éloges au-deffus des enfans. même d'Ifraël: & quel fujet de réflexions fo

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lides ne nous fournit pas d'abord cette circon ftance de l'Evangile: Ce n'eft pas toujours dans les profeffions les plus faintes qu'il faut aller chercher les plus grandes vertus rien ne feroit plus dangereux & plus fujet à l'illu fion que ce préjugé d'état. On fe laiffe fouvent éblouir par l'appareil d'un habit qu'on appelle faint, par les noms d'un Myftere qui confacre les hommes aux fonctions du culte de Dieu. Le renoncement aux engagemens de la fociété, une vie féparée du commerce du monde, un certain genre de régime, des exercices de piété, des œuvrés de charité, préviennent en faveur de ceux qui font diftin-gués par ce caractére ; eux-mêmes s'accoutument à fe regarder comme féparés des prophanes ; ils fe difent en fecret qu'ils ne font pas comme le refte des hommes: & on ne fonge pas que, quoique toutes ces chofes foient bonnes dans leur nature, & néceffaires même à chacun dans un dégré de proportion, la vertu cependant n'eft rien moins que le fantôme qu'on s'en forme; elle ne confifte ni dans l'extérieur, ni dans le genre de vie, ni dans les occupations particulieres; elle eft de tous les états, & s'y trouve dans un dégré plus ou moins éminent, felon que les fentimens font plus ou moins parfaits. Un Soldat peur être plus faint qu'un folitaire ; une femme mariée plus fainte qu'une Religieufe; le peuple plus faint que le Prêtre. Toutes ces différences

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