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En cette vie les objets perdus fe recou vrent ou font remplacés par d'autres. Il n'eft point de perte abfolument irréparable: l'efpérance des reffources vient adoucir les premieres douleurs, on change de paffions, on forme d'autres projets, le cœur fe remplit de nouveaux foins, l'idée du paffé s'efface, ce qu'on a retrouvé paroît quelquefois meilleur que ce qu'on croyoit ineftimable au moment qu'on le perdit; le temps feul épuife les pleurs, quand ce qui les fit verfer n'eft pas d'un prix infini. Mais quand on a perdu le fouverain Bien, quand on l'a perdu fans ef poir de retour, la fource des larmes eft intariffable. On ne l'a perdu que par fa faute, & cette feule penfée devient un fupplice auffr eruel qu'il eft durable: rien n'en peut détourner l'efprit; on regrette éternellement ce qu'on ne recouvrera jamais, & ce qu'on ne ceffera point de defirer. C'est donc-là véritablement qu'il y aura des pleurs & des grincemens de dents.

PRIERE.

Mon Dieu, quel état, quelle horrible fituation ! & qu'il m'eft utile cependant, qu'il m'eft néceffaire de la rappeller bien fou vent! Faites donc, Seigneur, que l'image s'en imprime fortement dans mon ame, & que je conçoive bien toute la folie qu'il y a de s'expofer à ce défefpoir éternel, pour- l

le

plaifir fi court qu'on goûte ici-bas dans le péché. Que j'apprenne à renoncer plûtôt à toute paffion, à tout defir de la chair, à toute vaine joie, à toute fragile efpérance & à faire un facrifice de tout ce qui doit périr, jufqu'à ma propre vie ; & fi j'ai eu le malheur de rifquer mon de fi frivoles avantages. falut pour donnez-moi, mon Dieu, de prévenir les pleurs par les pleurs; les pleurs des réprouvés par les pleurs des pénitens. Donnez, dis-je, à mes yeux des torrens de larmes, à mon efprit une affliction vive, à mon cœur des regrets capables de vous appaifer, & de fuppléer à ceux que votre justice m'avoit réservés.

QUATRIEME SEMAINE après l'Epiphanie.

REFLEXIONS POUR LE DIMANCHE. DE L'ÉPI TRE.

Vous ne commettrez point d'adultere; vous ne tuerez point, vous ne volerez point, vous ne rendrez point de faux témoignages, vous n'aurez point d'injuftes defirs; & s'il y quelqu'autre Commandement. S. Paul aux Rom. chap. 13.

E détail des devoirs de la juftice eft fans bornes. Il dépend des fituations, des engagemens, des befoins particuliers, de

mille espéces de circonftances qu'aucune loi ne peut exprimer ni prévoir. Il ne faut donc pas s'arrêter précisément aux termes des préceptés. Ce font comme autant de fources d'où découlent une infinité de ruiffeaux; des maximes fécondes d'où les conféquences fortent au befoin pour nous fervir de régles. Voilà ce que l'Apôtre femble infinuer par ces paroles: S'il y a quelqu'autre Commandement; & c'est ce que Jefus-Chrift nous déclare ouvertement par l'interprétation qu'il donne aux Commandemens qui défendent le jurement, l'homicide & l'adultere.

Il nous eft donc infiniment néceffaire de méditer fans ceffe la loi du Seigneur, de réfléchir fur l'étendue de chaque précepte, d'en pénétrer l'efprit, de ne rien négliger pour découvrir avec précision jufqu'où nous devons porter l'obéillance. Il faut fur-tout réduire ce que la loi prefcrit & ce qu'elle défend aux principes du cœur, & confidérer les fautes dans les difpofitions qui les produifent. C'eft là ce qui conftitue les péchés & ce qui les diftingue les uns des autres, felon qu'il y a dans la volonté plus ou moins de malice; une parole injurieufe eft prefqu'auffi coupable qu'un homicide, fi la haine eft également confommée. Un regard,eft un adultere, fi le defir eft auffi formé. Quelle vigilance done, de combien d'attentions & de foins n'a-t-on pas be foin quand on veut fincérement accomplir

toute justice, quand on veut comprendre en combien de manieres & jufqu'à quel point on peut manquer à fes obligations?

PRIERE.

Mfincérement le comprendre, pour par

Ais qui eft-ce, Seigneur, qui veut

venir à fe bien connoître devant vous? Qui eft-ce du moins qui comprend bien la mesure de fes devoirs & de fes infidélités? Hélas! le plus fouvent l'averfion qu'on a pour l'aflujettiffement fait craindre de trop approfondir vos Commandemens. On fe flatte en fecret moins on s'inftruit, moins on paroîtra coupaque ble à vos veux. On s'arrête à cette lettre imparfaite qui ne profcrit que les excès groffiers; ou fi l'étude va plus loin, ce n'eft que pour chercher le point fixe entre la difpenfe & les obligations étroites entre les grands & les petits devoirs, entre ce qu'il y a de précepte & ce qui n'eft que de confeil. On ne veut que favoir jufqu'où le relâchement peut étre porté fans rifquer le falut. Eft-ce donc là, mon Dieu, comme on cherche à vous obéir, & que deviendrai-je fi je ne vous rens qu'une telle obéiffance? Ouvrez donc, Seigneur, fans plus tarder, ouvrez pour toujours mon efprit à l'intelligence de votre loi: mais gravez-en profondément l'amour dans mon cœur, afin que je ne devienne plus éclairé que pour être plus fidéle.

DE L'EVANGILE

Jefus entra dans une barque où fes Difciples le fuivirent. S. Matth. chap. 8.

Ous demeurerions dans l'indolence &

Ndaus dans Pinos ence &

par tous les dangers qui peuvent fuivre nos démarches. Il fuffit qu'elles foient juftes, convenables, néceffaires, que ce foit notre devoir ou l'ordre de Dieu qui nous y détermine; il ne faut point trop raifonner fur les inconvéniens. Les prévoyances trop timides font moins dictées par la prudence que par la lâcheté. Si je fors, il y a dehors un lion qui me dévorera, dit le pareffeux, dans le Livre des Proverbes: il fe croit plus fage que les fages mêmes; il s'applaudit de fes précautions, tandis que fa conduite n'a rien que d'infenfé. La gelée, la pluie, la grêle & les orages peuvent tout ruiner fur les montagnes & dans les plaines, cependant le Laboureur feme & le Vigneron cultive fa vigne. Dien Bous cache l'avenir, parce qu'il eft de fes deffeins & de notre propre utilité que nous les ignorions. Si les Difciples de Jefus-Chrift euffent fû qu'ils devoient être battus de la tempête, ils auroient eu de la répugnance à s'embarquer avec lui, & cette tempête pourtant devoit fervir à leur mieux faire connoître, à les rendre témoins de fa puiffance, à Les humilier par le reproche de leur peu de foi,

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