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le rendre ainfi femblable à nous, de favorifer fes inclinations corrompues, de concourir à fes plaifirs & de lui procurer tous les objets qui peuvent amufer fon cœur en flattant fes fens? Les hommes tels qu'ils font en feroient charmés, fans doute, & ce n'eft qu'à ce prix la plûpart, qu'ils comptent d'être aimés. Mais ce n'eft pas ainfi que Dieu veut qu'on les aime. Si nous lui préférons quelque chofe; fi nous trouvons quelque chofe d'égal à lui dans le monde, nous ne favons pas nous aimer nous-mêmes; nous fommes dans l'injuftice, & quiconque aime l'injuftice, ne peut dès-là que hair fon ame, dit l'Ecriture. Que les hommes trouvent donc bon que nous ne les haïffions ainfi & que nous ne les aimions que parce qu'ils font juftes, ou afin qu'ils le deviennent; que parce qu'ils aiment Dieu, ou afin qu'ils puiffent l'aimer encore plus. Car c'eft-là les aimer, comme nous devons nous aimer nous-mêmes. PRIER E.

V

ces,

pas

Ous me l'avez appris, Seigneur, en m'ordonnant de vous aimer de tout mon cœur, de tout mon efprit, de toutes mes forc'est-à-dire, de rapporter tous mes defirs, toutes mes penfées, tous mes foins au bonheur de vous plaire & à l'efpérance de vous pofféder éternellement, & c'eft de ce même amour que vous me commandez d'aimer mon prochain. Vous voulez être le terme & le lien de mon affection pour lui,& que tou

Τν

te ma conduite confpire à le porter à vous ai mer comme le bien fuprême. Faites donc,mon Dieu, que fidéles à vous obéir, nous n'aimions déformais en nous les uns les autres que votre amour même, & que par - là nous nous aidions mutuellement à mériter le fouverain bien, qui doit faire notre félicité commune.

J

DE L'EVANGILE.

Jefus dormoit alors S. Matth. chap. 8.

Efus dort tandis que fes Difciples font aux prifes avec les vents & la mer. It femble qu'il ignore combien le danger eft preffant. S'il le favoit, ce feroit le tems de fe réveiller. Voilà l'idée qu'une foi foible fe forme de Dieu, fur les différentes tempêtes qui ravagent le monde & l'état de ceux qui en fentent les rudes fecouffes. Les paffions des méchans fe déchaînent avec fureur. On voit Pinjuftice & la violence fe porter aux derniers excès. Les Loix font violées, les bons font opprimés, la vertu méprifée. Le vice feut triomphe, ou jouit d'une impunité qui le rend plus infolent. On s'imagine que Dieu s'eft déchargé du foin des chofes humaines, ou qu'il a réfolu de tout laiffer périr. Son inaction parente déconcerte far-tout ceux qui fouffrent. Ses fecours font toujours trop lents at gré de leur impatience. Hâtez-vous de nous

ap

fecourir, lui difent-ils, pourquoi tardez-vous ? pourquoi dormez-vous? Quare obdormis? Que ne vous réveillez-vous promptement ? ainfi parle le Prophête dans les Pfeaumes, & fes paroles font très-juftes, parce que fes difpofitions ne le démentent point; mais fon langage feul fans fes difpofitions, n'eft trop fouvent celui des ames affligées ou tentées. Il leur vient mille folles peniées que Dieu les abandonne. Leurs allarmes & leur

que

défiance redoublent à proportion que le mal preffe. Elles font prêtes à s'abandonner ellesmêmes à tout, & fe croiroient excufables dans leurs infidélités. Ce feroit la grace même qu'elles accuferoient alors de leurs chûtes.

Etranges effets de la foibleffe humaine! ô homme, pourquoi la ffez-vous ébranler vos pas ? Non, celui qui vous a promis fa protection ne s'endormira jamais. Non, celui qui garde Iraël ne dort & ne fommeille point. Sortez vous-même de votre profond fommeil, levez les yeux vers les montagnes d'où le fecours doit venir. Elevez-vous en efprit jufques dans le Ciel, & vous verrez que Dieu veille fans ceffe fur toutes fes créatures: qu'il ne tombe pas un cheveu de votre tête fans qu'il le fache & le permette, qu'il n'abandonne point ceux qu'il aime : qu'il ne permet pas que nous foyons tentés au-deffus de nos forces ; mais qu'il nous fait tirer avantage de la tenta→ tion même que la tribulation n'eft qu'une

épreuve à laquelle il nous met : qu'il connoît ce que nous avons de foibleffe, & combien de temps il faut que nous foutenions le feu pour être dignes de lui; que ce qui retarde fes fecours, c'eft notre défiance même, ou quelque refte de préfomption qu'il veut achever de détruire.

PRIER E.

Ui, mon Dieu, je le reconnois maintenant, & il en eft bien temps pour moi : C'eft la foi qui s'endort dans mon pro pre cœur, quand je crois que vous dormez vous-même pour moi. Réveillez-la donc Seigneur, je vous en conjure, afin que je fois attentif à ce que vous faites: qu'au lieu de me défier, comme je fais malheureusement de votre grace, je ne fonge qu'à profiter fagement de vos délais pour apprendre à me connoître de plus en plus, à m'humilier à la vûe de la gratuité de vos dons, à regarder furtout les momens que vous me laiffez fouffrir, comme des momens heureux & d'un prix infini, à me foumettre aux deffeins de votre fageffe, à me livrer fans réserve à votre bonté qui ne veut point ma perte, à mériter enfin par ma réfignation pleine & entiére, que vous hâtiez en effet les fecours que mon impatience feule retarde.

POUR LE MERCREDI

DE L'EPITRE.

Quand on aime le prochain, on ne lui fait point de mal. S. Paul aux Rom. c. 13.

L

E bien & le mal qu'on peut faire au pro

chain change de nom felon la nature de l'amour qu'on a pour lui. S'oppofer à fes mauvaifes inclinations, contrarier fes humeurs, l'avertir de fes défauts, le corriger de les fautes, l'éloigner des occafions d'en commettre, lui enlever les objets de fes paffions, le priver des fecours dont il abufe, refferrer les bornes de fa liberté, ne point l'abandonner à fes caprices, le tenir fous une étroite difcipline, & le forcer même, quand il eft néceffaire, de fe rendre aux devoirs de fon état; c'eft lui faire de grands maux, quand on ne l'aime que pour le monde & felon le monde; mais quand on l'aime pour Dieu, c'eft lui faire de grands biens. Il est dangereux de fe figurer une charité fans rigueurs. C'eft alors indolence, c'est pareffe, c'eft amour de fon propre repos, c'eft défaut de zèle, c'eft lâche complaifance, c'eft crainte d'irriter les méchans ou de perdre des amis, c'est fauffe tendreffe & amitié trop aveugle. On n'aime point, quand on ne fait pas avertir & corriger dans les regles pref crites, & le Grand Prêtre Heli en eft un ter

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